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Les commentaires de Christian Labrune



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 13:18

    @rosemar

    "vous ne voulez pas comprendre:je ne parle pas des vieux mais des gens qui agonisent !!Vous faites quand même la différence !
    Je condamne tout exclusion des personnes âgées:ce qui se passe dans les maisons de retraite est parfois scandaleux:en avez vous visité ?"

    Statistiquement, la question de la fin de vie concerne davantage les vieux que les accidentés de la route. Nos interlocuteurs ne s’y trompent pas puisqu’aussi bien ils évoquent le plus souvent la disparition de parents âgés.
    Cette propagande dont vous vous faites complaisamment le relais ne se serait jamais développée si des questions économiques importantes n’étaient pas en jeu : les vieux coûtent cher et ne produisent pas. C’est ça, le fond du débat et c’est ça qui pourrait décider des politiques sans grand scrupule à légiférer sur l’horreur. Quand les masses sont dupes et applaudissent des deux mains aux traitements ignominieux qu’on entend leur infliger, pourquoi se gêner ?



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 13:07

    @rosemar
    "je sais parfaitement qu’il existe des médicaments anti douleur mais ils génèrent d’autres souffrances ce n’est pas par hasard qu’on parle d’euthanasie si les analgésiques étaient vraiment efficaces, on n’en parlerait pas !"

    Si ce que vous dites est vrai (mais je ne suis pas médecin et vous non plus) le problème est de trouver d’autres médicaments plus efficaces. Ca, c’est la vraie logique médicale, et on pourrait difficilement nier que, dans la durée, elle ait été efficace. Quand on ne disposait pas des antibiotiques, beaucoup de maladies conduisaient assez sûrement à la mort. Est-ce qu’on a jamais tué les tuberculeux pour résoudre leur problème, à l’époque où on ne disposait pas encore de la streptomycine ?



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 12:56

    @rosemar
    « La ballade de Narayama » parle de la vieillesse et de la mort, de la manière dont le problème est vécu par les vieux devenus inutiles et par leur entourage. Il s’agit, pour les vieillards d’échapper à « l’indignité » qui consiste, dans un monde frappé par la pénurie, à dépendre des autres, à devenir pour eux une charge insupportable. Ceux qui ne veulent pas eux-mêmes monter dans la montagne pour y mourir, on les y transporte. Les vieillards savent ce qui les attend. C’est une fiction, réalisée à partir d’un roman, mais cette fiction illustre fort bien, dans sa logique inhumaine, les arguments actuels à propos de la « dignité » dans la mort.
    Dans nos sociétés en proie à la crise économique, le problème semble désormais de trouver un moyen de se débarrasser des vieux. Il y a les maisons de retraite, les hôpitaux, mais ça coûte très cher et le fond de la question est bien là. Si seulement on pouvait persuader les vieillards que la vie qu’ils mènent ne vaut pas d’être vécue, qu’elle est « indigne », qu’il vaudrait mieux pour eux disparaître le plus rapidement possible, « dans la dignité », au lieu de continuer à exhiber salement leurs infirmités ! Bref, instituer une sorte de stoïcisme d’un nouveau genre, une sorte d’éthique samouraï ou de mystique nazie qui ferait du suicide une vertu et du meurtre une solution de remplacement. Quel bénéfice pour la société ! Et quelle société !



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 12:29

    @rosemar
    « une personne qui agonise ne peut pas se suicider:réfléchissez !! »
    Une personne « qui agonise », en général, n’en a plus plus longtemps, et tout le monde vous l’a déjà dit, il y a des drogues efficaces contre la douleur et des inhibiteurs de l’angoisse. Pas la peine d’en venir à des actes ignobles pour hâter le processus. L’homme étant ce qu’il est, et terriblement mortel, il n’y a aucun moyen de faire qu’il ne le soit pas et il lui faudra toujours affronter la perspective sinistre des derniers instants. Ce que vous souhaitez, c’est une solution pour ainsi dire administrative au spectacle insupportable de la mort. Escamoter le problème, en quelque sorte. Cela relève de la pensée magique.



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 12:13

    @kookbura
    Je crains que vous n’ayez pas lu entièrement le débat : les points que vous évoqués ont déjà été abondamment discutés. Ce n’est pas pour des questions religieuses que la plupart, ici, s’opposent à l’euthanasie, et je ne vois pas, par ailleurs, ce qu’il y aurait « d’inattaquable » dans des religions qui doivent être, comme toutes choses, soumises à la raison critique.
    La question du « consentement » est une sinistre plaisanterie : à partir du moment où l’euthanasie devient possible et banale, cesse d’être un tabou, elle entre parmi les propositions qu’on peut faire explicitement à l’intéressé : vous dites que vous voulez mourir, vos proches n’y sont pas opposés, rien donc ne s’y oppose. Et on passe à l’acte. On entre dans une société où, dès qu’on aura dit qu’on veut mourir, on vous tue. Il devient donc logique d’achever ceux qui ne se sont pas contentés de dire oui au suicide mais qui ont commencé à faire tout ce qu’il fallait pour en finir. Du moins, je ne vois pas comment une personne qui aurait agi de cette manière et achevé un pendu pourrait être condamnée par un tribunal : l’avocat n’aurait aucun mal à bâtir une plaidoirie logiquement imparable.
    Enfin, je ne vois pas ce que les médecins auraient à faire dans cette nouvelle industrie de la mort. Leur rôle est de soigner et s’il s’agit d’achever un malade, ça n’est assurément pas un acte médical. Voulez-vous donc que tout se passe selon une rigoureuse asepsie, afin d’éviter les risques d’infection ? A mon sens, on pourrait même utiliser toujours la même seringue, ce serait encore ça de gagné : un sou est un sou. 



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 11:53

    Votre position n’est pas claire : je n’ai vu personne ici, parmi ceux qui s’opposent à l’euthanasie, qui ait prétendu interdire le suicide. Mais quand quelqu’un a essayé de se suicider, on l’installe en réanimation sans même lui demander son avis. Je repose pour la troisième fois ma question : faut-il achever les pendus qui ne sont pas tout à fait morts ? mais on se gardera bien d’essayer de me répondre.
    La question déterminante est celle-ci : l’assistance au suicide est-elle concevable ? Pour toute sorte de raisons que je pourrais développer et qui sont de l’ordre du social et du politique, elle ne l’est pas, trop de débordements étant aisément prévisibles. Il y aura toujours des cas d’espèce, des passages à l’acte irresponsables d’individus psychologiquement trop faibles pour affronter des réalités atroces. Il convient qu’ils soient jugés même si, dans la plupart des cas, la mansuétude des tribunaux aboutira à un non-lieu. Il convient que le geste de tuer engage toujours la responsabilité du tueur, même s’il peut y avoir quelquefois des circonstances atténuantes. Mais on ne peut pas tuer « en conscience » parce que dans les cas qui nous occupent, le tueur ou son complice a toujours un intérêt personnel à voir mourir l’autre, ne serait-ce que, pour lui, le retour à une situation qui diminue le stress. Je l’ai déjà dit plus haut en évoquant le cas bien connu d’Althusser : le meurtre altruiste, fût-ce avec la complicité de la victime, ça existe, mais cela relève exclusivement de la psychiatrie.



  • Christian Labrune Christian Labrune 11 mars 2012 11:35

    @rosemar

    Vous avez écrit à propos de l’agonie sous morphine : « C’est terrifiant, et je ne souhaite cela à personne ». Terrifiant pour qui ? Et maintenant vous écrivez que ce qui est « horrible, c’est la douleur de celui qui agonise à petit feu !! ». Horrible pour qui ?

    Le seule chose dont vous puissiez parler, c’est de ce que vous avez VU, et bien du SPECTACLE (du latin spectare : regarder), non pas de ne que vous avez ressenti à la place du mourant : aussi longtemps qu’on ne s’est pas trouvé dans la situation de quelqu’un qui est en bout de course, on peut fantasmer la situation à partir de ses propres angoisses mais on n’en a aucune expérience et c’est un abus de langage que d’en parler comme si on savait de quoi il retourne. Par ailleurs, lorsqu’on est sur un lit d’hôpital et qu’on souffre – nous sommes nombreux, je pense, à nous être trouvés dans cette situation -, la question de la « dignité », pour le patient, reste au second plan, et il est tout à l’honneur du personnel infirmier qui vous prodigue des soins de ne jamais paraître porter un jugement sur la situation de dépendance plus ou moins répugnante dans laquelle vous vous trouvez momentanément. S’il y a « indignité », c’est pour les proches, et c’est pour eux que le « spectacle » devient vite insupportable, jamais pour les médecins qui ont une tout autre expérience, un peu moins fantasmatique et plus objective de ce qu’est la vie et de ce qu’est la mort, laquelle a toujours quelque chose d’obscène : l’idée de mourir « dans la dignité » est la pire des stupidités naïves : je ne vois rien qui puisse ressembler à de la dignité dans cette déconfiture finale, pas même dans le seppuku des samouraïs.

    La mort sera toujours un SPECTACLE horrible. En vérité, ce que vous voulez, c’est qu’on tire le rideau le plus rapidement possible sur la scène finale parce que vous n’avez pas le courage de regarder les choses en face.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 21:14

    @rosemar
    Ou voyez-vous un « choix librement consenti » lorsque vous expliquez à longueur de pages à des gens qui seront peut-être demain dans le type de situation que vous envisagez, que l’euthanasie est préférable à une mort naturelle lorsqu’il y a un risque de déchéance ? Ce que nous lisons dans ces pages n’a rien de confidentiel, que je sache, et beaucoup de vieux savent déjà aujourd’hui ce que leurs enfants peuvent penser sur la question et ce qu’ils attendent d’eux lorsqu’ils arriveront au dernier acte. Enfin, si l’euthanasie était légalisée, d’un point de vue purement administratif et comptable, ce serait la meilleure solution et on ne manquerait pas de le faire entendre à ceux qui abusent des soins au-delà du raisonnable.
    Il y a eu chez des peuples assez primitifs soumis à toute sorte de pénuries des habitudes comparables à celle que vous voudriez installer. Ca s’appelait secouer le cocotier. Il y a eu un film japonais remarquable d’Imamura, en 83 : « La ballade de Narayama », que vous avez probablement vu. Est-ce que cela vous paraît un modèle à mettre en oeuvre dans les sociétés de l’avenir ?



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 21:00

    @ La différence, c’est que d’un côté on laisse mourir parce qu’on ne peut rien faire d’autre, tout en essayant d’atténuer la souffrance, et que de l’autre côté, on tue son semblable, ce qui n’est quand même pas une activité tout à fait anodine. Est-ce que vous vous voyez, vous, dans la situation de quelqu’un qui devrait aller « piquer » M. Dupont après le déjeuner, à 14h15, dans la chambre 312 ? Si vous ne voyez pas la difficulté, ça me paraît tout à fait préoccupant.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 20:50

    @Jean J. MOUROT
    Pour l’instant, l’euthananie n’ayant pas d’existence légale, tout ce qu’on peut demander à quelqu’un qui est en fin de vie, c’est : si vous souffrez beaucoup, voulez-vous qu’on augmente un peu les doses de sédatif ? La question est tout à fait conforme au rôle du médecin et à son éthique.
    Si l’euthanasie était légalisée, rien n’empêcherait qu’on posât la question cruciale : préférez-vous qu’on continue la morphine, ou bien voulez-vous être euthanasié ?

    Et je ne parle pas des gens qui seront en fin de vie et qui connaîtront déjà le point de vue de leurs descendants, abondamment et très naïvement exprimé déjà dans toutes les réactions que nous venons de lire. Ces gens-là sauront déjà que le spectacle de leur misère, pour ceux qui les entourent, a quelque chose d’« indigne », qu’il est proprement insupportable et constitue une véritable agression. Ils sauront, sans qu’il soit besoin de leur mettre les points sur les i, qu’ils sont déjà de trop et pour ainsi dire déjà morts. Ils sauront ce qu’on attend d’eux et ce qu’il leur reste à faire, ce qu’il leur reste à demander au médecin-exécuteur s’ils ne veulent pas qu’on finisse par le demander à leur place. Quel répugnant avenir !



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 19:24

    @rosemar
    Je me soucie fort peu en ce moment de ce que peuvent ressentir les témoins d’une agonie qui ont de toute façon la vie devant eux et sont seulement pressés que ça se termine. Je pense en revanche à des tas de pauvres bougres qu’on n’hésiterait pas à faire crever en quatrième vitesse pour ménager la sensibilité des plus jeunes qui préfèreraient, à cette heure-là, aller bouffer au restaurant, voir un film ou baiser.
    Voir mourir, c’est pas gai mais crever, c’est pire.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 19:15

    @rosemar
    vous écrivez « quand la vie n’est plus la vie, quand les souffrances sont trop atroces... »
    Les souffrances, ça n’est pas la mort ; la vie avec la souffrance, ça reste quand même la vie, et jusqu’au dernier souffle. Mais votre phrase est quand même symptomatique, elle semble dire : on n’euthanasie pas un vivant, mais quelqu’un qui est déjà mort. Autrement dit, il n’y a pas d’assassinat puisque ce qu’on tue n’existe déjà plus. Ce qu’on euthanasie, ce serait donc déjà quelque chose comme une répugnante charogne. J’y vois une ruse de la mauvaise conscience pareille à celle qui selon Voltaire, permettrait en conscience de torturer son semblable.
    Réfléchissant sur la torture, il remarque qu’il est impossible pour un homme normal d’en torturer un autre sans se faire à soi-même horreur. Il importe donc d’abord de déshumaniser la victime par les mauvais traitements appropriés, jusqu’à lui donner une apparence répugnante et bestiale. Faire en sorte, donc, que toute dignité humaine lui soit enlevée. Il écrit : « Il n’y a pas d’apparence qu’un conseiller de la Tournelle regarde comme un de ses semblables un homme qu’on lui amène hâve, pâle, défait, les yeux mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a été rongé dans un cachot. Il se donne le plaisir de l’appliquer à la grande et à la petite torture... ». Et dans les camps d’extermination des nazis, il fallait aussi, avant toute chose, déshumaniser, faire en sorte qu’on n’ait plus affaire à des hommes mais à un troupeau de corps à moitié nus, décharnés et tatoués. En vérité, Il n’y a aucune raison de voir une différence bien nette entre cette politique des nazis et les fantasmes que cette campagne de propagande ignoble est en train de véhiculer.

    Vous n’avez pas répondu par ailleurs à ma question qui était pourtant essentielle : quand vous voyez un pendu qui bouge encore, qu’est-ce que vous faites ? Vous lui tirez sur les pieds, pour augmenter la strangulation ?



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 15:12

    @rosemar
    Je vous l’ai déjà expliqué : ce n’est pas tant de la souffrance de l’autre qu’on s’émeut que de la sienne propre. On se dit : SI J’ETAIS A SA PLACE, j’aimerais mieux mourir. Sauf qu’on n’est pas du tout à sa place : on va, on vient, on a déjeuné, on ira tout à l’heure fumer une cigarette dans le couloir, boire un café, etc. On ne pense pas qu’on risque de mourir ce soir ; on pense même que quand tout ça sera fini, on pourra recommencer - enfin ! - à vivre normalement. 
    Ce que vous êtes en train de décrire, c’est ce que les psychiatres appellent « meurtre par altruisme ». On se souvient du cas de Louis Althusser, lequel avait étranglé sa femme parce qu’il lui semblait qu’elle souffrait beaucoup trop. Mais le philosophe était mentalement très dérangé, et depuis fort longtemps. Maintenant que vous m’y faites penser, je commence à me demander s’il n’y aurait pas, de fait, quelque chose de complètement pathologique dans cette fascination si répandue pour l’euthanasie.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 14:52

    @rosemar
    Comme beaucoup de gens, j’ai dû déjà tâter de la morphine à l’hôpital et je n’en suis pas mort. Il est certain que lorsque les doses sont très fortes, sur quelqu’un qui souffre beaucoup sans qu’on puisse espérer une guérison, la morphine peut abréger quelque peu l’existence, tout le monde le sait, mais le fumeur qui utilise la nicotine pour supporter mieux le stress prend lui aussi un risque. C’est un choix. Vous avouerez qu’il est tout de même comique, de la part de quelqu’un qui semble partisan de la solution très radicale qui consiste à achever le malade, de s’inquiéter d’un traitement qui pourrait avoir quelques effets secondaires négatifs ! Peut-on considérer que ces effets sont plus graves que la mort elle-même ? On est en pleine absurdité.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 14:37

    @viva
    Votre évocation de la Suisse me fait penser au dernier roman de Houellebecq où le personnage principal découvre que son père est mort en ayant recours à une de ces officines suisses. Il s’y rend et gifle à l’employée de service ! Il faut reconnaître que Houellebecq, qui a dû enquêter fort sérieusement peu sur cette nouvelle industrie de la mort, pose le problème avec une grande rigueur philosophique. C’est un roman que devraient lire tous ceux qu’excite l’idée de la mort des vieux et des infirmes.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 14:23

    @Rosemar
    J’ai expliqué des dizaines de fois la fable de La Fontaine. J’en reproduis de mémoire les derniers vers, que vous paraissez avoir oubliés :

    « Le trépas vient tout guérir, mais ne bougeons d’où nous sommes :
    Plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. »

    C’est cette moralité de la fable qui est importante, laquelle développe une généralité à partir d’une petite histoire tout à fait contingente, et on ne peut guère faire à l’auteur le procès de n’avoir pas pensé à une possibilité d’acharnement thérapeutique qui n’existait pas à son époque.

    J’ai vu mourir bien des gens, quelquefois horriblement, et je dois avouer, à ma honte, que j’ai pu éprouver le désir ignoble que cela se termine au plus vite, mais non sans me rendre compte que c’était plutôt MA souffrance qui me dictait cette pensée : à la souffrance de l’autre, on n’a pas accès, et tous les moralistes (relisez « Servitude et grandeur militaires » de Vigny) s’accordent sur le fait que dans la pitié, c’est surtout à propos de soi-même que l’on s’émeut : on s’imagine à la place de l’autre et on voudrait que cette pénible identification pût cesser au plus vite. Bref : plus vite IL / ELLE sera mort(e), mieux ça ira pour MOI.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 14:05

    @catherine segurane
    Relisant votre réaction et ma réponse, je vois que j’ai oublié de préciser que ma position ne dérivait d’aucune orientation religieuse particulière : je suis athée autant qu’on peut l’être - Dieu merci ! comme disait l’autre. Parmi les politiques qui s’opposent à l’euthanasie, beaucoup veulent tenir compte de telle ou telle partie de leur électorat sensible à des autorités religieuses. C’est leur affaire mais cela ne doit pas entrer ici en ligne de compte. C’est la seule raison qui commande de s’opposer à une idéologie mortifère, et pas la foi. Pour le religieux, il y a quelque chose après la mort. Pour l’athée, il n’y a rien ; cela fait pour lui, de l’assassinat, quelque chose de bien plus irrémédiable et de bien plus grave.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 13:55

    @foufouille
    Je vous approuve totalement, et comme il vaut mieux prévenir que guérir, je proposerai pour tout le monde une mort immédiate et sans douleur, qui résolve définitivement tous les problèmes : plus d’inégalités, plus de chômeurs, plus de tyrans, plus de tyrannisés. Après tout, il y a suffisamment de bombes à hydrogène réparties un peu partout sur la planète et les systèmes informatiques sont suffisamment fiables pour qu’on puisse envisager - enfin !- une éradication de la vermine humaine. Après quelques siècles, la nature reprendra ses droits et cette solution devrait satisfaire les actuels partisans de la deep ecology. Viva la muerte ! Viva la muerte !



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 13:35

    @catherine segurane
    La démocratie ne vaut rien si elle n’est pas éclairée. Sinon, c’est la démagogie. Seriez-vous favorable à un référendum qui rétablirait la peine de mort ? Faut-il flatter les bas instincts du peuple, comme dans la Rome du bas-empire ? Rien n’est plus répandu, chez ceux à qui la culture fait défaut, que ce que Spinoza appelait les « passions tristes » ; il suffit de considérer, pour s’en convaincre, après chaque article sur AgoraVox, tant de réaction haineuses où la vocifération tient la place d’une argumentation toujours absente. Mais la culture elle-même ne met pas toujours à l’abri des dérives les plus abominables : Heidegger était nazi et l’est resté. Si vous avez une solution qui permette de concilier démocratie et philosophie, je suis preneur, mais en attendant, je ne vois pas d’autre solution que d’opposer le travail de la raison critique à toutes les propagandes irrationnelles.



  • Christian Labrune Christian Labrune 10 mars 2012 13:08

    @jef88
    Je me souviens qu’il y a dix ans, j’avais dû consulter un médecin choisi au hasard ; on avait parlé de choses et d’autres et, en substance, je me souviens qu’il avait fini par me dire ceci : je sais bien que ce sont surtout les nazis qui étaient partisans de l’euthanasie, mais si vous voyiez le nombre de vieillards grabataires, un peu partout... Il n’avait pas fini sa phrase, mais son problème était bien de savoir comment s’en débarrasser, de ces encombrants inutiles. Est-il besoin de préciser que je ne l’ai jamais revu !
    Qu’on laisse mourir, quand la médecine ne peut plus grand chose, qu’on évite donc l’acharnement thérapeutique, qu’on atténue la souffrance (et il y a aujourd’hui bien des médicaments efficaces) je n’y suis pas opposé : c’est là le rôle d’un médecin, et ce rôle rencontre des limites : le miracle n’est pas possible. Mais qu’on délègue à des tueurs le pouvoir, tel jour, à telle heure administrativement programmée, de refroidir un pauvre bougre, cela me paraîtrait vraiment le comble de la monstruosité.