Les collusions musicales de Gotan Project
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jeudi 5 octobre 2006
Depuis qu’ils se sont rencontrés, dans les années 1990, les fondateurs de Gotan Project sont en mutation permanente. Le tango, Gotan le prend comme une « pensée triste qui se danse », avec « l’envie d’apporter un sang neuf, de provoquer des collisions musicales ». Les débuts étaient incertains : « Nous avons débuté l’aventure Gotan en 1999 avec l’idée de rapprocher le tango, musique de danse emblématique, avec le dancefloor. Nous pensions être rejetés à la fois par les amateurs de tango et par les fans d’électro. C’est exactement le contraire qui s’est produit. » Les premiers concerts étaient une épreuve : « Ça s’est fait de manière complètement empirique et improvisée, comme toute l’histoire de Gotan Project. On a fait un premier vinyle en se disant « on voit ce que ça donne ». Puis un deuxième vinyle et un troisième, et tellement de gens ont aimé qu’on a fait un album. Ensuite, tellement de gens ont aimé qu’on a fait un concert. Comme on n’apparaît pas sur les pochettes, il y avait vraiment un mystère, les gens voulaient voir qui était derrière cette musique qui leur plaisait : c’est pourquoi la première partie du concert se faisait derrière un voile. La sensation était bizarre et le bizarre a plu. Après les premiers concerts, il y a eu de plus en plus de demandes... »
Depuis la sortie de leur premier album, La Revancha del tango, en 2001 (350 000 ventes en France, 1 million à l’export), Philippe Cohen Solal et Christoph H. Müller et Eduardo Makaroff ont sillonné le monde. Le groupe compte aujourd’hui dix musiciens. Un deuxième disque est sorti cette année, Lunatico (120 000 ventes en France, 400 000 à l’export, depuis sa parution en avril), nom qui rappelle certes le cheval de course que Carlos Gardel, légende du tango, s’était acheté en 1925, mais qui fait résonner aussi l’image du mouvement entretenu par les envies immédiates, spontanées.
Aujourd’hui l’effet est plus acoustique que lors des premières années ; Gotan a utilisé contrebasse et bandonéons pour se constituer une banque de riffs. Visuellement, le blanc domine, « des écrans au fond, des écrans latéraux et même le groupe utilisé comme écran, avec des costumes blancs ». Les effets sont toujours aussi travaillés (Philippe Cohen-Solal a été conseiller musical de Tavernier, Lars von Triers, Mikhalkov...). Dans une interview à RFI ils ont expliqué : « C’est vrai que notre univers est très cinématographique, on nous le dit souvent. Jusqu’à maintenant dans nos visuels, sur notre pochette, on a cherché un côté plus abstrait, plus moderne que celui du tango traditionnel, en le déformant. On reprend la même idée sur scène à travers des projections et du multimédia. On utilise des images d’archives de l’Argentine mais aussi des images qu’on est allé filmer là-bas nous-mêmes. Ça ressemble à une installation vidéo qu’on pourrait voir dans certaines galeries d’art contemporain... »