L’extraordinaire hommage de Constance Schaerer à son père décédé
par Fergus
lundi 2 juin 2025
En devenant la plus jeune Française à gravir l’Everest, Constance Schaerer, 26 ans, vient d’accomplir une nouvelle étape du magnifique hommage qu’elle a entrepris de rendre à son père, prématurément décédé d’un cancer du pancréas lorsqu’elle n’était encore qu’une petite fille de 9 ans. Un hommage en forme de redoutable défi...
- A gauche, en partance pour l’Aconcagua (crédit Constance Schaerer) ; à droite, au sommet de l’Everest (crédit Hugo Lorentz)
« La vie est un risque. Celui qui n’a pas risqué n’a pas vécu. » (Sœur Emmanuelle)
Lundi 19 mai, 6 h 10. Malgré des conditions rendues très éprouvantes par un fort vent et une température de – 40°, la Strasbourgeoise Constance Schaerer, remarquable d’opiniâtreté dans la souffrance, accède au sommet de l’Everest : à 8 849 mètres d’altitude, elle est la plus jeune Française à fouler les neiges glacées du mythique sommet himalayen. Une victoire personnelle qu’elle dédie, avec l’émotion que l’on devine, à son père, Marc Schaerer, décédé 18 ans plus tôt d’un cancer du pancréas. Une victoire également acquise au profit de l’association qu’elle a créée en mars 2022 pour soutenir des enfants dont l’un des parents est atteint d’un cancer : 7 sommets contre la maladie.
Constance Schaerer est la 14e Française à vaincre celui que l’on nomme communément « le toit du monde ». Et cela 35 ans après que cet exploit ait été accompli par la pionnière Christine Janin, elle-même motivée par la volonté d’être un exemple pour les adhérents de l’association qu’elle avait créée 3 ans plus tôt à Chamonix afin de venir en aide aux enfants atteints de cancer : À chacun son Everest. Cette année-là, le Dr Christine Janin, alors âgée de 33 ans, avait entrepris et réalisé un audacieux défi : enchaîner l’ascension des Seven Summits, autrement dit du point culminant de chacun des 7 continents de la planète. Un pari réussi avec une admirable détermination.
Cet objectif, Constance Schaerer le poursuit également. Non pour mettre ses pas dans ceux de Christine Janin malgré l’analogie de leurs projets respectifs, mais dans le cadre du double objectif qu’elle s’est fixé. D’une part, rendre hommage à son père dont elle a découvert en prenant connaissance d’un courriel adressé à Mike Horn qu’il avait lui-même – avant d’en être empêché par la maladie – formé le projet de réaliser ce challenge pour alerter la société sur la nécessité d’engager plus de moyens au service de la lutte contre le cancer. D’autre part, médiatiser sa propre conquête des Seven Summits dans le but de lever des fonds destinés à servir les actions de son association 7 sommets contre la maladie.
Les cadavres du chemin
Outre l’Everest, Constance Schaerer a d’ores et déjà gravi le Kilimandjaro (5 892 m) en Afrique, l’Aconcagua (6 962 m) en Amérique du Sud et le mont Denali (6 190 m) – plus connu sous le nom McKinley – en Amérique du Nord. Il lui restera à accomplir l’ascension de l’Elbrouz (5 643 m) en Europe, du Puncak Jaya (4 884 m) en Océanie* et du mont Vinson (4 892 m) en Antarctique. Nul doute que la jeune alpiniste, motivée par son double objectif personnel et associatif, y parviendra et pourra, conformément à un vœu exprimé par son défunt père, verser sur ces trois sommets emblématiques une poignée des cendres de celui-ci comme elle l’a déjà fait lors des quatre premières étapes de son défi.
À ce stade de son parcours, une chose est sûre : nulle part Constance Schaerer ne devrait vivre une expérience aussi éprouvante que l’ascension de l’Everest, effectuée en compagnie de son vidéaste Hugo Lorentz et du sherpa Kussang. « C'était horrible » au plan physique, a-t-elle confié au journaliste de L’Équipe Timothée Thomas-Collignon. Et tout aussi éprouvant au plan psychologique du fait des cadavres rencontrés en chemin vers la cime. « J'ai vraiment eu peur de mourir. Quand tu vois des morts et que tu sais que tu peux tomber (...) c'est traumatisant. Si tu as un quelconque problème d'oxygène ou autre en haut, tu n'as aucune chance de survie. »
Accrochée à son objectif en « mode automatique » pour ne pas se laisser submerger par les émotions et par la souffrance endurée sur le géant népalais, la jeune femme a surmonté les épreuves dans le froid glacial himalayen, au prix de quelques gelures aux doigts et aux orteils, soignées dans un hôpital de Katmandu. C’est là, par téléphone, que Constance Schaerer s’est confiée au journaliste du quotidien sportif. Là qu’elle a conclu son interview en disant : « Je suis contente d'être allée au bout de ce projet [d’ascension de l’Everest], et de pouvoir montrer aux enfants de l'asso[ciation] que tout est possible dans la vie, malgré la perte d'un parent. »
Une belle leçon de vie, non seulement pour tous les garçons et les filles confrontés à la perte d’une mère ou d’un père dont ils auraient encore eu tant besoin pour se construire, mais d’une manière générale pour chacun(e) d’entre nous. Rappelons-nous à cet égard l’aphorisme de Saint-Exupéry : « L’homme ne se découvre que lorsqu’il se mesure à l’obstacle. »
* L’Indonésie, où se trouve le Puncak Jaya, est un pays dont le territoire est, au plan géologique, partagé entre l’Asie et l’Océanie. Ce qui soulève parfois des controverses, mais n’enlève rien au défi que constitue l’ascension des Seven Summits.
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