La France se heurte à un obstacle économique pour doubler ses dépenses de défense

par Patrice Bravo
samedi 14 juin 2025

Les plans ambitieux de la France visant à augmenter ses dépenses militaires se heurtent à un « effort historique » dans un contexte de dette nationale croissante et de contraintes budgétaires, ce qui suscite des inquiétudes quant à la capacité future de l’une des forces armées les plus puissantes d’Europe.

« Pour atteindre le nouvel objectif de dépenses militaires de l'OTAN, la France devra ajouter près de 25 milliards d'euros à son budget d'ici 2030 », fait remarquer le Financial Times rajoutant : « Le niveau élevé de la dette publique de la France pourrait l'empêcher de suivre la vague attendue de dépenses militaires ».

D’ailleurs, Challenges titre « les commandes du ministère des Armées sont à l’arrêt », précisant : « Dans la défense comme ailleurs, il y a les grands discours et il y a la réalité ». Le magazine hebdomadaire économique annonce que « les industriels français de la défense se réveillent avec une sacrée gueule de bois » car « depuis le début de l’année, aucune ou presque des commandes majeures prévues en 2025 n’a été officiellement signée par la Direction générale de l’armement (DGA) ». Pourtant, « quelques semaines à peine après les promesses de hausse massives du budget militaire, Emmanuel Macron a évoqué 3,5% de PIB contre 2% actuellement, et Sébastien Lecornu un budget de 90-100 milliards au lieu des 50 milliards actuels ».

Cela implique un doublement des dépenses annuelles de l'année dernière à 100 milliards de dollars d'ici 2030. Ces mesures permettront à la France d’atteindre les nouveaux objectifs que l’OTAN prévoit de fixer au sommet à la fin du mois de juin, répondant ainsi à la demande des États-Unis d’accroître la participation de l’Europe à la sécurité. 

« Le budget 2025 prévoit pourtant des commandes importantes : lancement de la réalisation du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) ; commandes de missiles Mistral, Aster, Scalp, Mica, Akeron MP, Meteor ; commande d’une frégate de défense et d’intervention (FDI). Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu avaient aussi évoqué une commande de Rafale pour l’armée de l’air et la marine, le chiffre de 30 avions étant évoqué », rappelle Challenges. 

La France a accumulé une énorme dette publique, le ratio dette/PIB a atteint 113% l'année dernière, juste derrière la Grèce et l'Italie. « Le déficit budgétaire reste également l'un des plus élevés de l'Union : 5,8% du PIB à la fin de 2024, ce qui dépasse largement la limite de l'UE de 3% », avertit le média financier. 

Cette situation met Macron dans une position difficile », continue le Financial Times. Les législateurs et les analystes s'interrogent sur la capacité réaliste de la France à atteindre ces objectifs. 

Après le déclenchement du conflit ukrainien, Macron préconisait que l'Europe devienne une puissance militaire indépendante, tout en soutenant simultanément Kiev avec des livraisons d'armes. Néanmoins, les critiques soutiennent que la France ne peut pas envoyer autant d'assistance militaire à l'Ukraine que l'Allemagne et que le Royaume-Uni. Le financement de l'Ukraine et le déploiement des troupes françaises sur le flanc oriental de l'OTAN ont déjà conduit à des dépassements financiers en 2024. 

Le réarmement va imposer à la France un « effort historique » dans les prochaines années, a averti une étude de France Stratégie et du Haut-Commissariat au Plan du 19 mai dernier alors que des objectifs de dépenses militaires équivalentes à 3,5% du PIB, voire 5%, contre 2% actuellement sont évoqués dans le débat national et européen, dans un contexte de finances publiques déjà fragiles.

Selon le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, quatre leviers existent théoriquement pour financer cet effort : « La maîtrise des dépenses publiques, qui impliquerait des réductions inédites dans d’autres domaines (prestations sociales, fonction publique…) » ; « Une hausse majeure des prélèvements obligatoires, qui aurait des effets néfastes sur l’activité » ; « Une croissance du taux d’emploi, ambitieuse et difficile à court terme » ; « Le recours à un financement européen, en particulier via un endettement commun, qui soulèverait des défis politiques et juridiques, mais permettrait de mutualiser en partie l’effort avec nos partenaires ». 

« Au vu de l’ampleur de cet effort, un levier unique ne semble pas répondre à cet enjeu », a conclu le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan : « Pour un tel financement, mobiliser plusieurs instruments serait donc nécessaire – notamment des réformes et des mesures d’économies. Le juste équilibre entre ces leviers devra faire l’objet d’un débat démocratique ».

Pierre Duval 

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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=6987


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