Pourquoi la stratégie israélienne est vouée à l’échec ?
par Patrice Bravo
samedi 14 juin 2025
L’extrême agressivité du régime israélien et son objectif d’escalade régionale sont aujourd’hui avant tout liés à son refus de se voir imposer une campagne d’attrition, dans laquelle Tel-Aviv est résolument perdant. Pour autant et malgré l’effet médiatique, la stratégie israélienne est loin de l’emporter sur les capacités existantes de l’Iran.
La nouvelle agression israélienne contre l’Iran, visant cette fois-ci de multiples cibles militaires, et même nucléaires, de l’Etat iranien, constitue résolument une escalade majeure que Tel-Aviv cherchait à lancer depuis longtemps. Malgré tous les airs habituels de la prétendue grande efficacité – stratégiquement parlant il sera très difficile de pouvoir vaincre l’Iran.
Il est vrai que le régime israélien vise souvent les hauts responsables politiques, militaires et scientifiques de ses adversaires. Et jusqu’à présent il a réussi à en éliminer un nombre important, y compris lors des frappes toutes récentes. Cela grâce à un réseau de renseignement établi depuis de longues années avec l’implication de traîtres internes, en ce sens l’Iran n’est pas un cas isolé.
Ceci étant dit et malgré des effets immédiats sensibles, comme c’est évidemment le cas lors de pertes de hauts responsables militaires et scientifiques, d’autant plus que la tactique israélienne d’élimination ciblée est souvent mise en avant comme un exemple de grande « efficacité », la portée stratégique reste quant à elle très limitée, si ce n’est qu’à rechercher à tout prix une large escalade régionale et même internationale.
En effet, les éliminations de plusieurs hauts responsables du Hezbollah libanais, dont son leader charismatique Hassan Nasrallah, ont-elles permis au régime israélien de vaincre militairement le Hezbollah ? La réponse est non. Ont-elles permis à Israël d’occuper, si non pas la capitale libanaise Beyrouth, mais au moins le Sud Liban ? La réponse est à nouveau non.
Idem en ce qui concerne l’élimination de plusieurs responsables du Hamas palestinien, aussi bien politiques que militaires – cela a-t-il permis à Tel-Aviv de pouvoir prendre sous contrôle, et ce en tenant compte des massacres massifs de civils palestiniens, la bande de Gaza, un territoire non pas de plusieurs milliers de kilomètres, mais uniquement d’un peu plus que 300 km2 ? La réponse est également connue.
Plusieurs experts militaires russes affirment que la seule option pour l’axe Washington-Tel-Aviv-Londres et consorts à pouvoir vaincre l’Iran – serait de tenter à lancer une opération d’invasion terrestre de grande envergure. Chose quasi-inimaginable car ledit axe des nostalgiques résolus de l’ère unipolaire ne peut même pas se permettre une telle invasion ne serait-ce que des Houthis du Yémen – des alliés clés, parmi d’autres, de l’Iran. Que dire alors d’une telle opération contre l’Iran ? De facto impossible.
Bien sûr, les ennemis de l’Iran peuvent maintenir des frappes massives visant des cibles en territoire iranien. Pour autant, les autorités iraniennes sont au courant d’une telle option et si bien même que certaines cibles en sol iranien ont été ou peuvent être atteintes – nombres d’autres restent globalement inatteignables, notamment celles très profondément souterraines. Quant à l’élimination de personnalités iraniennes, militaires comme scientifiques, s’il s’agit effectivement de pertes sensibles pour l’Iran, la nation perse possède néanmoins encore de très nombreux cerveaux, dans tous les domaines stratégiques.
Pour ce qui est du réseau de traîtres internes collaborant avec l’ennemi – malgré ses capacités de sabotage, il n’est pas en mesure à pouvoir faire tomber les autorités iraniennes. Enfin, et pour ce qui est de la riposte de l’Iran. C’est un point très important. D’un côté, Téhéran possède toutes les capacités nécessaires pour faire très mal non seulement à son ennemi israélien, mais aussi aux alliés étasuniens, occidentaux et autres de Tel-Aviv se trouvant dans la région.
La question qui reste – le fera-t-il immédiatement ? Car dans la guerre d’attrition imposée par l’Iran à Israël, et malgré des pertes confirmées du côté iranien et de ses alliés régionaux, l’avantage n’est toujours pas en faveur du régime israélien. Après tout, le fait que les ennemis de l’Iran soient autant enragés confirme les analyses du passé. Quant au risque existentiel pour Israël auquel fait constamment référence le régime de Tel-Aviv – il est bien réel. Mais uniquement en raison de ses propres actions à l’échelle régionale.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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