Le syndrome de Cologne : l’irruption soudaine d’une même technique d’agression sexuelle

par Gérard Dahan
samedi 16 janvier 2016

Le 5 janvier 2016, un scandale éclatait en Allemagne qui n'a pas fini d'avoir des conséquences. Dans la nuit du 31 décembre 2015 au 1er janvier 2016 près de la gare de Cologne et dans d'autres ville d'Allemagne, d'Autriche, de Suède et de Finlande, de nombreuses jeunes femmes se sont fait agresser sexuellement, insulter, voire violer et voler, alors que les forces de polices étaient dépassées et ne saisissaient pas l'ampleur de ce qui se passait sous leurs yeux.
Le lendemain, les forces de police décrivaient la nuit comme plutôt calme.

Depuis, chaque jour qui passe le nombre de plaintes grossit et mardi 12 janvier elles s'élevaient à 561 dont environ 40% à 45% pour agression sexuelle. Dans la même soirée des faits identiques utilisant la même technique se sont produits dans environ 12 villes allemandes à Hambourg (133 plaintes déposées au 10 janvier), Dusseldorf (41 plaintes dont 11 pour agressions sexuelles), Bielefeld (plusieurs plaintes pour agression sexuelles dans une discothèque), Stuttgart, Dresde, Leipzig, Francfort, Nuremberg, Hansbach, ainsi qu'à Zurich (Suisse demi-douzaine de plaintes), à Salzbourg (Autriche, dizaine de plaintes) et Helsinki (la police avait été avertie et 121 plaintes ont été déposées) en Finlande.

Lundi 11 janvier, 19 suspects avaient été arrêtés dont 14 de nationalité Algérienne ou Marocaine. Mercredi 13 janvier la police annonçait que 50 suspects avait été identifiés en majorité des demandeurs d'asile d'Afrique du nord.

Nous ne reviendrons pas sur les faits pendant cette nuit qui ont été abondamment commentés, mais sur les questions que pose cette simultanéité et cette multiplicité d'utilisations géographiques d'une même technique d'agression inconnue en Europe.

Cette simultanéité ne peut manquer de poser plusieurs questions :

1. Pourquoi la police a-t-elle fait le black out ou à cherché à minimiser ces évènements ?

2. Les agressions sexuelles dans plus d'une dizaines de villes européennes ont utilisé une même technique inconnue en Europe d'où vient-elle ?

3. Comment se fait-il que la même nuit dans plus d'une dizaine de villes Européennes, des agressions identiques se soient produites ?

4. Ce protocole d'agression sexuelles des femmes utilisant la masse est-il devenu une technique permettant d'allier impunément vol, agression sexuelle, viol et insultes ?

5. Comment cette technique d'agression s'est-elle diffusée et dans quelles intentions ?
 

 

1. Pourquoi la police a-t-elle fait le black out ou à cherché à minimiser ces évènements ?

Il semble qu'à cette question, il y ait au moins 3 réponses.
D'une part, il semble que la police ne se soit pas rendu compte de l'ampleur de ce qui se passait sous ses yeux.
D'autre part, elle a été dépassée, impuissante devant l'effet de foule. Il semble qu'elle se soit plus préoccupé des jets de pétards qui l'inquiétaient et qui ont peut-être servi de diversion.
Enfin, comme souvent lorsque des musulmans ou des nord-africains sont en cause, les responsables de la police ont craint les accusations de racisme et ont minimisé les choses pour éviter les polémiques et les accusations de racisme même si elles n'en saisissaient pas encore toute l'ampleur.

 

Une technique déjà utilisée en Suède en 2014 et 2015

Il semble par ailleurs que des agressions sexuelles identiques se soit produites durant 2 étés en aout 2014 et 2015 lors du festival rock « We are Sthlm » en Suède près de Stockholm. C'est ce que révèle le quotidien suédois « Dagens Nyheter » lundi 11 janvier 2016. Déjà lors de ces évènements les victimes avaient évité de porter plainte et la police avait tout fait pour étouffer les faits de crainte d'être accusée de racisme.
En Aout 2014, plusieurs plaintes avaient été déposées dont une pour viol. Les suspects étaient des jeunes hommes d'origine étrangère arrivés en Suède en tant que mineur souvent d'Afghanistan. L'organisateur parle de « groupes de garçons, qui entourent des filles et les harcèlent. Quand nous avons vu des premières indications de ce qui se passait, nous avons d’abord pensé que ça ne pouvait pas être vrai. »[1]

En 2015, pour éviter que ne se reproduise le même phénomène, les organisateurs tentent de prendre des mesures, agents de sécurité, bénévoles et 200 suspects étaient expulsés du périmètre durant les 5 jours du festival. Mais les organisateurs sont à ce point dépassés qu'ils pensent même séparer les filles des garçons.
La police choisit de ne pas rendre publiques ces informations. Des policiers, sous couverts d’anonymat, parlent d’une culture du secret. Quand les délinquants sont d’origine étrangère, on préfère étouffer l’affaire.

Le chef de la police du quartier de Stockholm concerné, confirmait qu'il cherchait à éviter les descriptions de suspects pouvant déclencher des accusations de racisme. [2]

Les évènements de Cologne ont donc par contrecoups, révélé et déclenché une vive polémique en Suède sur la gestion de ces évènements en 2014 et 2015 et la police a récemment confirmé avoir caché l'arrestation d'une centaine d'hommes « d'origine étrangère ».[3]

 

2. Les agressions sexuelles dans plus d'une dizaines de villes européennes ont utilisé une même technique inconnue en Europe d'où vient-elle ?

Tout le monde a reconnu la manière de procéder d'isolement et d'encerclement des femmes par un groupe d'hommes que nous avons découvert en 2012 et 2013 en Egypte place Tahrir.
On sait que les relations sexuelles hors mariages sont fortement condamnées dans les pays musulmans et que les frais très importants nécessités par un mariage obligent les jeunes hommes - à moins d'avoir une fortune personnelle - de repousser la date de leur mariage souvent après 30 ans. C'est notamment l'explication classique du harcèlement sexuel en Egypte.

Mais au-delà de la frustration sexuelle, cette technique a une histoire.

L'association « HarassMap » se penche sur ce phénomène des agressions sexuelles en Egypte depuis son origine. Si le harcèlement sexuel populaire est un phénomène très répandu dans les rues égyptiennes, ce procédé a semble-t-il commencé a être instrumentalisé comme technique intentionnelle d'humiliation des femmes par la police à partir de 2005.
 
Le « harcèlement sexuel collectif » est connu dans les pays arabes sous le terme de « taharrush gamea ». Il semble avoir été utilisée pour la première fois de façon intentionnelle en 2005 par la police égyptienne ayant engagé des "baltigiyya » (des voyous) pour tenter rabaisser l'image de manifestantes en les humiliant. C'est plus tard, vers 2011 et la révolution égyptienne que cette technique s'est sophistiqué et a intégré l'isolement des femmes par la formation d'un anneau d'hommes autour d'elles qui les isolait et les entrainait pour les agresser ou les violer. [4]

Alam Wassef, éditeur, membre du collectif OPantiSH (Operation Anti Sexual Harassment), déclarait en 2013 à propos de l'Egypte qu'on pouvait parvenir à distinguer selon le mode opératoire, si les attaques étaient commanditées ou s'il s'agissait de harcèlements populaires spontanés : 

« Dans le premier cas, les attaques sont simultanées, très intensives, et peuvent commencer "par exemple à 9 heures, pour se terminer tout d’un coup à 23h30". "Dans le cas des attaques spontanées, ajoute-t-il, il est plus facile d’intervenir, car les agresseurs sont moins déterminés. Selon Aalam Wassef, ces agressions sont pilotées par les Frères musulmans. Elles étaient commanditées par les militaires et la police sous le régime de Moubarak. "Il faut voir à qui elles profitent", précise-t-il. Ces agressions servent à jeter le discrédit sur les manifestants. »[5]

 

A l'époque, l'utilisation de cette technique de harcèlement collectif était attribué aux sympathisants des Frères musulmans mais aussi à la police. Ces propos d'instrumentalisation des attaques avaient été confirmés par Stéphanie David qui dirigeait au Caire le bureau Maghreb et Moyen Orient de la Fédération Internationale des droits de l'Homme (FIDH) sans en confirmer les auteurs.

Le centre égyptien pour les droits de la femme estimait lui à l'époque qu'il y avait en Egypte 55 viols par jour.
 

3. Comment se fait-il que la même nuit dans plus d'une dizaine de villes Européennes, des agressions identiques se soient produites ? 

Très clairement pour le moment il semble que personne ne sache répondre à cette question.

Très vite le ministre allemand de la justice, Heiko Mass déclarait dans les colonnes du journal "Bild-Zeitung" :

« il ne fait pas de doute que les agressions étaient « planifiées ». « Personne ne me fera croire que, lorsqu’une telle horde se retrouve pour commettre de tels crimes, cela n’a pas été

coordonné. Il semble bien qu’on ait cherché là une date précise et la perspective de vastes rassemblements » pour commettre ces actes. » [6]

Cependant les propos du ministre ont été jugés trop affirmatifs d'autant que l'enquête ne semble pas conforter ces hypothèses et il a été incité à revenir sur ses propos.
On parle donc juste de « rendez-vous qui auraient été donnés sur les réseaux sociaux » par des groupes de réfugiés et de migrants.
Plusieurs commentateurs ont exclu la possibilité d'un complot, l'énormité des moyens nécessaires à une organisation de cette ampleur en interdirait la possibilité.

« ce type de comportement peut profiter des répercussions de certains discours extrémistes misogynes islamistes radicaux : toutes ces femmes laïques, modernes, occidentales, trop libres sont des "prostituées". Dans ce raisonnement, il est licite pour certains islamistes djihadistes et radicaux de leur manquer de respect, voire de les violer car elles ne sont pas respectables et "n’appartiennent à personne" puisque non contrôlées par un mari un frère ou un père. (...) Plus l'islamisme radical monte, plus on est frustré et plus les femmes non-islamiques deviennent des défouloirs. » [7]

Si ces commentaires généraux peuvent sembler justes, cela n'expliquent cependant pas l'utilisation coordonnées de la même technique en provenance d'Egypte. Nous ne parlerons donc pas de complot, mais de coordination.

 

4. Ce protocole d'agression sexuelle des femmes utilisant la masse est-il devenu une technique permettant d'allier impunément vol, agression sexuelle, viol et insultes ?

Là encore pour le moment nous n'en sommes qu'aux hypothèses. Il est clair que l'effet de foule est utilisé comme protection des auteurs, comme satisfaction de frustrations, comme l'occasion de vols et peut-être également comme technique d'humiliation.
Il est également probable que les auteurs ont escompté sur le manque de réactions compte tenu de la difficulté de porter plainte pour ces motifs.
C'est ce qui se passe en Egypte (où les plaintes pour agressions sexuelles et viols sont très faibles), c'est ce qui s'est passé en Suède en 2014 et 2015 et c'est ce qui a failli se passer à Cologne.

On se souvient d'ailleurs que place Tahrir en Egypte, quand en 2012 Caroline Sinz envoyée spéciale de France 3 était prise à partie puis entrainée de force par la foule et violée.[8]

Déjà à l'époque, la jeune femme témoignait du manque de solidarité et de soutien.
La journaliste insista pour en parler dans le Soir 3, y fut autorisée mais seulement « avec du recul et en termes choisis et pudiques », et on lui demanda de ne pas employer le mot « viol » mais « agression sexuelle », terme qu'elle utilisa dans la vidéo.
 

Peut-être est-ce aussi nos sociétés qui sont interrogées par le « syndrome de Cologne » dans leur volonté de masquer et de ne pas rendre compte de ces évènements ?

 

5. Comment cette technique d'agression s'est-elle diffusée et dans quelles intentions ?

Si on s'en tient aux témoignage plus haut, les attaques de Cologne et des autres villes pourraient avoir été coordonnées. En 2013 en Egypte, on évoquait les Frères musulmans, ce qui ne semblent pas dans leurs habitudes. Mais depuis les Frères musulmans ne sont plus au pouvoir en Egypte, sont enfermés et pourchassés par le régime du général Al-Sissi et on pourrait tout-à-fait penser (ils l'ont fait à plusieurs reprises dans le passé) qu'ils ont pu changer de stratégie.

 Chacun pense bien évidemment à l'utilisation des agressions sexuelles et des viols comme arme de démotivation et d'humiliation des populations dont les exemples sont nombreux dans l'histoire.[9]

Mais nous savons également que l'islam radical (qu'il soit représenté par Daech, les Frères musulmans ou l'AKP d'Erdogan) développe en Europe[10] une stratégie consistant à chercher à radicaliser les communautés musulmanes. Cette radicalisation passe par l'accroissement de la stigmatisation et par l'exercice de pressions sur ces communautés.
Dans le cas présent on peut effectivement faire l'hypothèse que ces agressions pourraient viser la stigmatisation des communautés musulmanes et le rejet de l'islam par les sociétés européennes pour accélérer la radicalisation de leurs communautés musulmanes.

De nombreuses voix se sont élevées en France comme en Allemagne pour mettre en garde contre la récupération du phénomène par l'extrême droite et le danger de la stigmatisation des communautés musulmanes et elles ont raison.
Mais qui instrumentalise qui ? Par ailleurs, doit-on par crainte de la stigmatisation et d'éventuelles accusations de racisme ou d'islamophobie, occulter des évènements aussi graves ?
Les suites politiques du « syndrome de Cologne » répondront à cette question.

De son côté la police déclarait mercredi 13 janvier qu'elle travaillait sur 2 pistes l'une concernant la mafia marocaine sévissant dans la région de Cologne et recrutant des réfugiés pour leur faire commettre des délits et d'autre part sur la technique de « l'antanzen » une technique de détournement de l'attention pour commettre un vol à la tire.

Des explications assez peu convaincantes. On voit assez mal, ce que ces agressions sexuelles multiples ont à voir avec les techniques de vol à la tire et pourquoi dans ce cas ces agressions se sont reproduites à l'identiques dans autant d'autres villes allemandes et européennes.

 

[1] Libération, 11 janvier 2016, "Comme Cologne, Stockholm touchée par une vague d'agressions sexuelles" http://www.liberation.fr/planete/2016/01/11/comme-cologne-stockholm-touchee-par-une-vague-d-agressions-sexuelles_1425711

[2] Libération 11 janvier op. cit.

[3] RTL 11 janvier 2016, http://www.rtl.be/info/monde/europe/apres-cologne-stockholm-avoue-avoir-cache-l-arrestation-de-100-hommes-pour-des-agressions-sexuelles-sur-des-ados-785415.aspx

[4] Angie Abdelmonem, « Reconceptualizing Sexual Harassment in Egypt : A Longitudinal Assessment of el-Taharrush el-Ginsy in Arabic Online Forums and Anti-Sexual Harassment Activism », Kohl : A Journal for Body and Gender Research, vol. 1, no 1,‎ été 2015, p. 23-41

[5] BFMTV 5/7/2013 "Agressions sexuelles en Egypte : phénomène de société ou instrument politiques ?" http://www.bfmtv.com/international/agressions-sexuelles-egypte-phenomene-societe-instrument-politique-550838.html

[6] Libération 10 janvier 2016, op. cit.

[7] Atlantico, 15.1.2016 http://www.atlantico.fr/decryptage/agressions-sexuelles-cologne-et-europe-nord-ces-delicates-questions-que-souleve-caractere-simultane-attaques-matthias-beerman-2538111.html

[8] Slate, 5.12.2012, "La journaliste de France 3 Caroline Sinz violée en Egypte et censurée sur son viol http://www.slate.fr/lien/65783/journaliste-caroline-sinz-viol-place-tahrir-france-televisions

[9] Vanessa Fargnoli, Viol(s) comme arme de guerre, Éditions L'Harmattan,‎ mars 2012

[10] considéré comme le ventre mou de l'occident.


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