Borloo, le caméléon

par olivier cabanel
lundi 1er novembre 2010

Tout comme le caméléon, Jean Louis Borloo sait s’adapter à toutes les situations, et son parcours, de Mao à Sarko en passant par Lalonde, Bayrou et Tapie en est la preuve.

Ce chef scout, qui a fait ses armes à Janson de Sailly devient avocat peu avant les années 80, avant de rejoindre "Génération Ecologie" en 1990, qu’il va quitter pour d’autres voies. lien

« Génération Ecologie » a une origine intéressante. Elle a été crée par Brice Lalonde, avec l’aide de François Mitterrand, comme on le verra plus tard, (lien) afin de déstabiliser "les Verts" (Voir page 15).

Rappelons que Brice Lalonde à l’originalité d’avoir soutenu Mitterrand en 1988, Chirac en 1995, puis s’est rapproché d’Alain Madelin. lien

C’est la candidature de René Dumont en 1974 qui va faire rentrer pour la première fois l’écologie sur le terrain politique. lien

A l’époque, le mouvement est divisé :

Il y a ceux qui font de l’écologie de terrain, appelés « les diversitaires », clairement anti-nucléaires ;

Ceux qui veulent faire de l’écologie politique, qui ont pris le nom de MEP  ;

Et une troisième mouvance, celle des « amis de la terre », (dont Lalonde par une habile manipulation a pris la tête) (voir sur ce lien la page 13) qui propose une écologie plus diluée. Pour Lalonde, le nucléaire est un mal nécessaire. lien

Les 2, 3 et 4 mai 1980 les assises de l’écologie se tiennent à Lyon permettant la rencontre de ces trois mouvances. lien

Un vote va déterminer le leader provisoire du mouvement : ce sera Brice Lalonde, lequel porté par son mouvement, (les amis de la Terre) gagnera la bataille des voix.

Mais l’année suivante est prévue à Toulouse une rencontre complémentaire, et le pouvoir doit être réparti aux représentants des régions, devant remplacer Brice Lalonde.

J’ai eu l’honneur de représenter la région Rhône-Alpes, et de me rendre à Toulouse.

Mais à Toulouse, Lalonde refusant de passer la main, crée une fracture, et se retrouvera plus tard éjecté du mouvement, qui, en mai 1983, s’appellera finalement « les Verts ». lien

En 1988, Mitterrand, bien au courant de ce qui s’est passé, choisira Lalonde comme secrétaire d’état à l’environnement, puis ministre de l’écologie, afin d’affaiblir les Verts, tout en suggérant  aux français que Lalonde est un authentique écologiste.

Ce qui permettra à ce dernier, accompagné de quelques autres, dont Borloo, de lancer en 1990 « génération écologie », et d’obtenir  aux régionales de 1992, 7% des voix, soit autant que les Verts, semant la division dans l’électorat écologiste. lien

Mais revenons à Borloo.

De 1980 à 1985, il est l’avocat de Bernard Tapie, et il est classé par Forbes comme l’un des avocats les mieux payés au monde. lien

En 1989, il est se présente à l’élection de la Mairie de Valenciennes, sans aucune étiquette, et est élu avec plus de 76% des voix au second tour. lien

En 1990, il se retrouve élu, en deuxième position sur la liste centriste de Simone Veil au parlement Européen, alors qu’il est membre de "génération écologie".

Aux élections régionales de 1992 il mène une liste « indépendante » et obtient près de 12,5%, devançant "les Verts", et "Génération écologie", son ancien parti. lien

En 1998, il arrive en tête aux élections régionales avec l’investiture de l’UDF, et obtient le 2ème meilleur score derrière la Gauche plurielle, mais devant "les Verts" de Marie Christine Blandin.

Il adhère donc à la « nouvelle UDF » dont il sera le porte-parole, et devient directeur de la campagne de François Bayrou.

En 2002 il est élu député, sous la bannière radicale, laquelle participe à l’UMP (union pour la majorité présidentielle), et sera nommé ministre à la ville, la rénovation urbaine, puis ministre de l’emploi, du travail, et de la cohésion sociale, pour enfin devenir co-président du parti radical aux cotés d’André Rossinot. lien

En 2007, un petit mois avant le premier tour, il décide de soutenir Nicolas Sarközi et deviendra ministre de l’économie, des finances et de l’emploi dans le gouvernement Fillon, puis ministre de l’écologie.

Le radical Edgard Faure à qui l’on reprochait d’être une girouette répondait invariablement, « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent  ».

Rien donc de plus logique qu’à l’instar  d’Edgard Faure, jean Louis Borloo soit un «  radical ».

Rappelons que Faure aura fréquenté autant la gauche, que le centre ou la droite.

Il aura commis la performance d’être au parti radical en 1977, d’être élu député apparenté RPR en 1979, puis sénateur gauche démocratique en 1980, soutenant Giscard en 1981 et Chirac en 1988.

Les girouettes tournent donc autant aussi vite pour Borloo qu’elles tournaient pour Faure.

Aujourd’hui Jean Louis Borloo est pressenti pour remplacer François Fillion à la tête du gouvernement, (dixit Claude Guéant) mais c’est sans compter sur les attaques qui viennent de tous les cotés, y compris de celui qu’il pourrait remplacer (lien) et puis MAM se verrait bien aussi dans la place. lien

En effet Fillon n’a-t-il pas déclaré il y a peu « Borloo c’est un zozo  » ? Un membre du gouvernement estime que s’il est nommé à Matignon, il ne tiendra pas deux mois.

Et puis c’est sans compter sur les humoristes qui lui taillent régulièrement des costars.

Que ce soit par Stephane Guillon (lien), ou Nicolas Canteloup, qui l’épingle le 26 octobre dernier (lien), ou Les guignols de l’info Borloo se met au verre), il n’est guère épargné.

 C’est peut-être sa réputation d’aimer s’accouder au coin d’un bar, qui lui est la plus préjudiciable.

Il y a un an, il s’était plaint de cette caricature que l’on fait de lui, habillé comme l’inspecteur Colombo, avec la bouteille qui dépasse de la poche. lien

Il ne semble pourtant que l’image que les Français ont de lui ne soit pas infondée (lien)

Sur cette vidéo on le voit s’accrochant au micro de l’Assemblée Nationale (caler à 1,07).

Même son ami De Villiers l’affirme : «  Borloo boit au goulot  »

Serait-il plus proche des verres que des verts ?

Borloo se permet aussi des analyses pour le moins surprenantes, comme celle qu’il a proposé lors du 110ème congrès du parti radical, en se félicitant que son parti ait doublé ses effectifs.

Lorsque l’on connait l’importance toute relative de ce parti minuscule, il y a de quoi s’interroger sur la pertinence des propos de l’intéressé. lien

Lors d’une récente intervention, on voit bien toute l’ambigüité qui est la sienne : « sa réponse radicale élargie à d’autres amis  » est un modèle du genre. Vidéo.

Mais c’est peut-être dans le rôle de l’écolo de service qu’il est le plus discutable.

On le sait aujourd’hui, « Grenelle  » n’a été qu’une farce médiatique que le pouvoir a mis en place pour laisser imaginer qu’il s’impliquait dans la défense de l’environnement. lien

Sauf que Borloo assume tout : les autoroutes, la multiplication des lignes LGV (inutiles et chères), les concessions accordées aux producteurs d’OGM, et le nucléaire bien sur. lien

Alors que tout le monde sait l’échec du Grenelle, il continue d’affirmer que « c’est un changement historique ». il évoque l’autoroute ferroviaire qui, selon lui, est un succès, alors qu’elle est un fiasco (lien) la multiplication des lignes TGV, ou moment ou la SNCF, au nom de la rentabilité, ferme des lignes (lien) …etc.

Il faut écouter avec attention cette interview avec Audrey Pulvard, ou l’on voit la distance qu’il y a entre la réalité, et ses affirmations.

Le "sommet de Copenhague" est reconnu unanimement comme un échec lamentable, mais il est pour Borloo,  adepte involontaire de la méthode Coué, « un succès majeur  ».

C’est en effet bien dans l’art de la contradiction qu’il est le plus efficace.

Il a justifié les réquisitions contre les grévistes des raffineries en déclarant :

« Le rôle d’un gouvernement, c’est de garantir le droit de grève, de garantir le droit de manifester, de protéger les manifestants (…) mais en même temps, le droit de circuler, le droit de travailler sont des droits également important, donc il faut toujours faire la synthèse ».

On l’aura compris Borloo défend tout…et son contraire.

Il est tellement convaincu que sa place à Matignon lui est acquise qu’il a déjà pris les devants, et d’après Fillon, « il le fait passer pour un con  »

Borloo aurait même appelé certains conseillers de Fillon pour leur demander s’ils souhaitaient rester à Matignon, après le remaniement.

Il soigne sa communication, change de look, au point que ses collègues le surnomment maintenant « la banane  ». lien

Il a fait fermer le Musée de l’Informatique et celui du Jeu Vidéo, en haut de l’Arche de la Défense, provoquant le licenciement de 50 personnes.

Il veut utiliser ces lieux afin de pouvoir y organiser réceptions, cocktails et conférences.

Cout de l’opération : 17 millions d’euros, ( lien) auxquels il faudra ajouter la perte sèche de plus de 2 millions d’euros qu’entraine la fermeture des deux musées.

Pas de doutes, Sarközi et lui sont de la même école.

Car comme dit mon vieil ami africain : «  Suis le crocodile, et tu boiras de l’eau claire  »

L’image illustrant l’article provient de « ramses.lyonne-blog »


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