A quoi servent les partis politiques ?
par Michel DROUET
lundi 8 juin 2015
Le PS et l’ex-UMP viennent de tenir leurs congrès et à entendre et lire les médias qui relayent complaisamment cet entre soi politique, on pourrait avoir l’impression que tout va bien ou que tout ira mieux demain dans notre pays.
Que représentent aujourd’hui les partis politiques ?
Pas grand-chose étant entendu qu’il ne faut pas confondre militants et sympathisants. Les premiers sont en chute libre dans les deux partis dits « de gouvernement », usés par les années de pouvoir, le non renouvellement des leaders et les promesses non tenues. Tout juste la moitié des militants de ces deux partis ont voté lors des congrès et les communicants ont tout de suite porté la bonne parole de la victoire des lignes majoritaires, de la confiance, voire du renouveau. Quant aux sympathisants, ils désertent de plus en plus les urnes, quand ils ne vont pas faire un tour ailleurs attirés par des promesses qui ne seront pas tenues non plus.
Le Président de la République lui-même a entretenu la confusion entre sa fonction au service de tous les français et les positions prises par le parti, pourtant à cent lieues de ses promesses de campagne : « Je salue l’esprit de responsabilité des militants. Nous sommes rassemblés pour réformer la France ».
Pas mieux du côté de l’ex-UMP, où le ripolinage du parti répond davantage à la volonté de mettre sous le tapis la poussière des affaires Bygmalion et autres et à mettre à nouveau sous immunité l’ex et sa cohorte de casseroles judicaires, que d’émettre la moindre proposition politique novatrice.
Au total, ce sont environ 170 000 adhérents, soit environ 50 à 60 % des adhérents de ces deux partis (ce qui en dit long sur les malaises internes à ces formations) qui se sont exprimés, de manière très cadrée, qui représenteraient l’opinion des Français.
L’article 4 de la constitution indique que « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage ». Ce rôle qui leur est imparti n’est plus exercé, et les récents résultats de la participation aux élections, en chute libre, sont là pour prouver que les partis jouent désormais un rôle de repoussoir dans l’opinion publique.
D’où provient cette dérive ?
L’affaiblissement du politique est patent depuis que les nations se sont effacées devant l’Europe dont la responsabilité est mise en avant à chaque décision susceptible de froisser les nationaux. Je ne défends pas l’idée selon laquelle il ne faudrait pas coordonner, harmoniser les politiques nationales serait foncièrement mauvaise, mais force est de constater que les mesures sociales, fiscales ou celles relatives à la circulation des capitaux sont largement oubliées ou bien systématiquement alignées sur le moins-disant. Comment promettre que demain on rasera gratis comme l’a fait M. Hollande lors de son discours du Bourget, quand on sait qu’on ne pourra pas tenir ses promesses ?
Seuls le libéralisme, la mondialisation, l’affairisme financier et la pression sociale ont droit de cité et les partis dits de gauche s’enfoncent lentement mais sûrement vers le magma centriste-libéral. La droite, symbolisée par l’ex-UMP, placée devant la même équation glisse peu à peu vers le populisme d’extrême droite à défaut de pouvoir s’opposer à l’hydre supra national.
Il faut voir comment la pensée unique européenne dirige aujourd’hui cet espace, au point que ses représentants foulent à leurs pieds les décisions démocratiques des pays (cf la Grèce, aujourd’hui, l’Espagne demain ?) renforcés par leur précédent du traité européen mis au suffrage en 2005. Dehors les peuples ! La gouvernance mondiale est à l’œuvre, elle n’est pas démocratique, juste fondé sur des escroqueries programmatiques présentées par les partis politiques lors des élections et passées à la broyeuse juste après.
Quel est donc le rôle des partis politiques ?
Si on comprend bien qu’ils ne servent pas à grand-chose compte tenu d’une gouvernance effective non élue qui préside à nos destinées en privatisant les profits et en socialisant les pertes, les partis ne peuvent plus être dans la proposition, mais dans le suivisme.
S’ils ne servent plus à grand-chose, sinon à expliquer l’inexplicable en proclamant que demain tout ira mieux, ne négligeons pas toutefois les avantages qu’ils retirent de leur position, outre les financements publics payés par nos impôts.
Entrer dans un parti lorsqu’on est jeune, brillant et une étiquette « ENA » sur le front et le carnet d’adresse qui va avec peut déboucher sur une brillante carrière. J’utilise sciemment le terme de carrière puisque tout est organisé pour ne pas laisser tomber un membre de ces coteries, et même lorsque l’un d’entre eux aura trop tapé dans la caisse ou magouillé lors des élections, on pourra toujours compter sur la faconde des avocats voire de la complaisance de la justice pour éviter au délinquant d’avoir à quitter la carrière prématurément. Le cumul des mandats organisé par les bénéficiaires eux-mêmes procède de cette idée de carrière entre les collectivités locales, l’Assemblée Nationale, jusqu’à la scandaleuse maison de retraite qu’est le Sénat. Au besoin, une nomination au tour extérieur pour la Chambre des Comptes ou les corps d’inspection de l’administration permettra à son bénéficiaire de bien vivre ;
Les étiquettes « ENA, HEC, Polytechnique, et autres » ne préparent pas par ailleurs à la contestation mais plutôt au conformisme, si utile lorsque leurs titulaires voudront répondre aux sirènes du privé.
Pour les moins bien lotis en matière de diplômes, être dans un parti peut signifier pouvoir également faire carrière dans l’assistanat parlementaire, dans les cabinets des collectivités locales ou servir de sésame pour trouver un poste dans des entreprises qui travaillent avec l’administration. « Le réseau », là également est mortifère et débouche sur des compromissions et dépenses inconsidérées de l’Etat ou des collectivités locales.
Les partis sont de fait devenus une sorte de pôle emploi pour ses membres, mais pas avec les mêmes règles que celles appliquées aux salariés ordinaires…
Enfin les partis servent à tenir le terrain, et là ce sont les petites mains bénévoles qui sont à l’œuvre au service des grands hommes de gauche ou de droite et de leur idéologie unique. Inutile de dire que la conviction tend à s’émousser et les visites de cages d’escalier les distributions de tracts dans les boîtes à lettres diminuent avec le temps au bénéfice des « réseaux sociaux » qui compensent si bien l’absence de présence physique et de débats contradictoires dans les salles d’écoles.
Voilà ce que sont devenus les partis aujourd’hui : des machines à compromis à défaut de porter des propositions réalistes et surtout tenables, des castes qui protègent leurs membres, à défaut de s’occuper des plus faibles, des communicants à défaut d’écouter la parole citoyenne.
Autant dire que nous ne nous préparons pas des lendemains qui chantent, et ce n’est pas le vote obligatoire qui règlera le problème de l’abstention.