Agissons pour qu’une loi pour la liberté d’information soit votée en France
par Horus
lundi 9 mai 2011
A l'attention de Mesdames et Messieurs les Députés
Il n'existe pas de loi en France qui permette au citoyen de s'informer sur les décisions prises au niveau des programmes scientifiques secrets, alors qu'il existe en Amérique le Freedom Of Information Act (FOIA, en français loi pour la liberté d'information), ainsi que dans 75 autres pays dans le monde, qui déclassifie les programmes secrets au cas par cas (1). Agissons pour faire voter une telle loi en France.
La liberté d'information en France et à l'étranger
Le Freedom Of Information Act est une loi signée le 4 juillet 1966 par le président américain Lyndon B Johnson et entrée en application l'année suivante. Fondée sur le principe de la liberté d'information, elle oblige les agences fédérales (CIA, FBI, NSA, etc.) à transmettre leurs documents à quiconque en fait la demande, quelle que soit sa nationalité. D'après un article récent, 75 pays dans le monde auraient une procédure type FOIA. Celle de la Suède est en vigueur depuis 1776, celle du Royaume Uni depuis 2005, et encore l'Inde, la Bulgarie, la Roumanie....
En France, c'est la Cada, Commission d'Accès aux Documents Administratifs, créée le 17 juillet 1978 qui est compétente en matière de mise à disposition des documents auprès du public. Mais celle-ci émet des avis défavorables ou irrecevables ou se déclare incompétente lorsque le citoyen français effectue une demande concernant des documents type secret par exemple. La circulaire du 2 novembre 2001 a établi des délais avant communicabilité des documents. Par exemple, le secret défense tombe après 60 ans, le secret industriel après 30 ans, etc. Puis la loi du 15 juillet 2008 rétrécit légèrement ces délais (50 ans pour le secret défense, 25 ans pour le secret industriel, etc.) mais crée le statut d'incommunicable pour ce qui concerne les armes de destruction massive (nucléaire, bactériologique, chimique). On le voit avec ces deux dernières lois, la France est loin du FOIA et demeure décidément réticente à toute forme de transparence. Pourtant, il est temps d'apprendre à partager le savoir...
Savoir et pouvoir militaire
Depuis longtemps, le savoir a été au service du pouvoir militaire. C'est le cas d'Archimède (287 av JC - 212 av JC) avec la conception de miroirs pour renvoyer les rayons du soleil sur la flotte ennemie, en passant par Galilée (1564 - 1642), protégé du Pape Urbain VIII, qui aurait travaillé pour le compte de l'arsenal de Venise, ou encore le grand alchimiste Isaac Newton (1643-1727) qui a lancé un concours national pour trouver un système pour que la Royal Navy puisse se déplacer avec plus de sécurité sur les mers et les océans (le résultat du concours fut l'invention d'une horloge insensible au tangage et au roulis(2)). Parallèlement, le nombre d'universités s'est mis à augmenter.
Lors de la Révolution française, d'autres grandes écoles et universités ont encore été créées. Les scientifiques se sont institutionnalisés. Par la suite, avec l'arrivée de la révolution industrielle et du complexe militaro-industriel, les scientifiques ont commencé à se professionnaliser. Puis arrive la Première Guerre Mondiale, avec la mise au point par des scientifiques allemands du gaz moutarde.
Ensuite la seconde guerre mondiale :
- 1936 création par Hitler du premier site de recherche développement secret : Peenemünde (pour
développer du V1 au V5)
- 1939, octobre, le physicien Heisenberg convainc Hitler de ne pas fabriquer la bombe atomique
- 1940 des scientifiques, après avoir développé le gaz mortel Zyclon B, proposent la solution finale à Hitler, qui accepte (3)
- 1942 lancement du plus grand programme de recherche secrète au monde : Manhattan Project en Amérique (la bombe atomique)
- 1944, juin, le débarquement a lieu. En avant de toutes les troupes avance la Mission Alsos pour récupérer les scientifiques allemands
- 1944, 15 décembre, Zürich, les américains tentent de tuer Heisenberg car ils sont persuadés qu'il travaille sur un projet de bombe atomique
- 1945, février Yalta : trois mois après la capitulation allemande, l'Armée Rouge doit marcher vers le Japon et la Mandchourie
- 1945, 15 juillet, le scientifique Oppenheimer fait exploser la première bombe atomique Trinity, et dit "Maintenant, nous avons connu le mal..."
- 1945, 16 juillet, les accords de Postsdam entérinent ceux de Yalta : l'armée rouge doit intervenir dès le 8 aout sur le Japon et la Mandchourie
- 1945, 6 août, envoi par le Président Truman de la bombe atomique 'Little Boy' sur Hiroshima (200 000 femmes, enfants et civils tués), suivie le 9 par une seconde, 'Fat Man', sur Nagasaki (150 000 femmes, enfants et civils tués). Les américains seront donc les premiers au Japon. Le scientifique japonais responsable de l'unité 731 d'expérimentations sur des cobayes humains (comme à Strasbourg et dans d'autres centres) négocie toutes les informations dont il dispose avec les américains pour retrouver sa liberté. Et il retrouvera sa liberté sans problème.
Au total et dans le plus grand secret, l'Amérique récupèrera 120 scientifiques du 3ème Reich (dont des nazis), la France en récupèrera 1200 (dont des nazis) et les Soviétiques plus de 5000 (dont des nazis) (4). Seule l'Angleterre ne voudra pas d'eux.
L'affaire Heisenberg : la fin de l'innocence
Ayant réussi à convaincre Hitler de ne pas construire la bombe, Heisenberg n'a pas eu de cas de conscience à affronter. Il n'a pas voulu la bombe, la bombe n'a pas existé (3). D'une certaine manière, nous pourrions en déduire que les Américains ont voulu la bombe et ils ont eu la bombe. Leur responsabilité est donc directement engagée. Celle d'Heisenberg, non. Il a passé la guerre à développer un projet de réacteur pour produire de l'électricité et a continué ses recherches fondamentales. Il a été fait prisonnier en avril 1945 par les Anglais qui l'ont enfermé avec 9 de ses collègues et leurs conversations ont été enregistrées (4). Lors de la nouvelle du 6 août (Hiroshima), tous les prisonniers sont étonnés, tous sauf Heisenberg qui expliquera à ses collègues, très précisément, comment les Américains s'y sont pris pour construire la bombe. Comme quoi il savait construire la bombe, mais il ne voulait pas la construire. A sa libération début 1946, il s'est trouvé séparé d'avec ses anciens collègues, pendant la guerre on l'a traité de juif blanc parce qu'il défendait les idées d'Einstein, et après guerre, le peuple allemand lui en a voulu de ne pas avoir construit la bombe atomique allemande. Tout cela l'a marqué. A la fin de sa vie, alors qu'un étudiant lui pose des questions en astrophysique, Heisenberg répond, contemplatif, "le ciel est bleu, et les oiseaux volent dedans...". Werner Heisenberg est peut-être le dernier scientifique libre et indépendant.
Avec Hiroshima et Nagasaki, le pacte savoir égale pouvoir est maintenant scellé
Avec la seconde guerre mondiale, la bombe atomique devient l'exemple absolu de la relation entre savoir et pouvoir. Celui qui sait construire la bombe atomique peut gagner la guerre. Savoir égale pouvoir. Et comme le pouvoir ne se partage pas, le savoir ne se partage pas. Des Ministères de la recherche sont créés dans les pays industrialisés. La recherche et développement (R&D) est maintenant systématiquement financée par les pays industrialisés, les scientifiques sont tous devenus des professionnels, et la recherche obtient des labels tels que confidentiel, secret ou très secret lorsque cela concerne des programmes civils, ou confidentiel défense, secret défense ou très secret défense lorsque cela concerne des programmes militaires. Les résultats de ces recherches ne sont pas publiés, et il faut attendre 60 ans depuis la loi de 2001 pour savoir ce qui a été fait plus d'un demi-siècle plus tôt. Pire, depuis 2008, les informations concernant les armes de destruction massive, comme le nucléaire militaire, le bactériologique ou le chimique par exemple, sont maintenant inaccessibles ("incommunicables").
Le savoir : bien militaire, bien industriel ou bien public ?
Aujourd'hui plus de 95 % des scientifiques travaillent soit pour l'industrie soit pour les militaires. Leur responsabilité est directement engagée dans des tas de domaines, de l'environnement à la menace de destruction de l'homme par l'homme. Mais ils vivent dans le déni. Ils refusent d'assumer leur responsabilité. Pourtant les programmes sont bien développés, les risques sont bien réels, notamment avec le nucléaire ou les manipulations génétiques. C'est donc à la communauté d'assumer ces risques pour eux. Mais cela ne peut être fait que si le collectif s'approprie les informations relatives à ces recherches. Le savoir est un bien collectif, c'est "notre bien le plus précieux" selon Einstein.
Freedom Of Information Act : une loi similaire en France ?
En 1966, l'administration américaine s'est dotée d'une loi sur la liberté d'information. Celle-ci stipule que tout citoyen du Monde peut demander n'importe qu'elle précision au Gouvernement des Etats Unis, et que celui-ci lui délivrera le document en question. Dans les faits, cela nécessite la création d'une commission qui étudie chaque demande au cas par cas, travaille sur une photocopie du document maître, qu'elle peut ainsi noircir au marqueur lorsque les informations sont trop sensibles, puis enfin photocopier et envoyer au demandeur. Ce fonctionnement a permis de savoir que les Américains ont expérimentés sur des cobayes Sud-Américains, la France a-t-elle aussi expérimenté sur des cobayes ? L'Amérique s'est lancé dans des programmes sur le contrôle de l'esprit, la France a-t-elle fait de même ? L'Armée américaine a travaillé avec des médiums, la France aussi ? Et les archives du GEPAN (Groupe d'Etude des Phénomènes Aérospatiaux Nonidentifiés) ? Une loi pour la liberté d'information permettrait aux chercheurs, aux historiens, aux journalistes, aux documentaristes, aux metteurs en scène, aux réalisateurs, ainsi qu'aux autres médiateurs et citoyens de bénéficier d'informations de première source pour vulgariser le contenu, et diffuser l'information auprès du grand public. Il est grand temps que la France se dote d'une telle loi afin que son peuple puisse enfin se tourner vers son passé pour se l'approprier, puisse mieux comprendre le présent et puisse également, et de manière collective, dessiner son avenir.
Pour signer l'appel : http://www.mesopinions.com/Agissons-pour-qu-une-loi-pour-la-libert%C3%A9-d-information-soit-vot%C3%A9e-en-France-petition-petitions-ec57e27e79d3682dcbf6e506a9233396.html
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Freedom_of_Information_Act
(2) http://www.louisg.net/E_navigation.htm
(3) Les Scientifiques, entre pouvoir et savoir , Jean Jacques Salomon, Ed. Albin Michel, 2006
(4) Affaire Paperclip, Linda Hunt, Ed. New York : St.Martin's Press, 1991
(5) Le Mystère Heisenberg, l'Allemagne Nazie et la bombe atomique, Thomas Powers, Ed. Albin
Michel, 1993
(6) Opération Epsilon, Charles Franck, Ed. Flammarion, 1993