Arno Klarsfeld, véritable médiateur de la République...

par Jean-Louis Lascoux
mercredi 5 juillet 2006

Pour conduire sa politique, le ministre de l’Intérieur fait appel au service de l’avocat Arno Klarsfeld, qu’il a nommé médiateur national.

Par principe, un médiateur est impartial  : il ne prend pas parti ; il est neutre : pas de solution contraignante  ; pas de préjugé... Arno Klarsfeld, fortement engagé politiquement, aurait-il depuis peu développé les qualités et acquis les compétences nécessaires à la médiation ? Tout d’abord, logiquement, en admettant que ce poste ait une légitimité institutionnelle, ne devrait-il pas être placé sous l’autorité du médiateur de la République* ?

Par ailleurs, s’agissant d’enfants scolarisés en France, quid du rôle du défenseure des enfants, poste auquel Mme Dominique Versini vient de succéder à Mme Claire Brisset ? En effet, inscrits dans nos écoles, les enfants et leurs parents ne sont-ils pas des administrés ?

Soyons clairs : la mise en place de ce médiateur fait figure de système détourné. Cet acte ne saurait être cautionné par les professionnels de la médiation. Il consiste à inscrire la médiation dans une politique d’exclusion. Politique de perdant(s). Et quand bien même nous pouvons voir fleurir la médiation partout dans les jardins à la mode, ceci ne saurait justifier l’implication d’un homme de droit dans cette démarche très contestable.

En l’occurrence, ce "médiateur national" a des fonctions de "porte-parole" et de "rappel à la loi" qui ressemblent à celles du médiateur du Procureur de la République. Quoique du côté des "médiateurs pénaux", les choses soient claires, et que les compétences soient dans un cadre juridique précis.

Arno Klarsfeld a obtenu la mission d’instruire selon des critères à la fois sociologiques, familiaux et culturels, les cas d’admission au séjour des étrangers en situation irrégulière et parents d’enfants scolarisés et, en conséquence, de faire appliquer la politique gouvernementale visant le système élitiste de l’immigration sélective ("choisie"). Il devrait rendre compte de son activité d’ici la rentrée de septembre. Toutefois, des associations se mobilisent pour enrayer un système qui considère massivement un type de personnes comme un "problème".

A peine nommé par le ministre de l’Intérieur, l’avocat Arno Klarsfeld a été clair sur sa ligne de conduite et ses a priori : « On ne peut pas régulariser tous ceux qui sont scolarisés. Le simple fait d’avoir pénétré illégalement sur le territoire avec un enfant ne peut être créateur de droits. ». La motivation politique a ses raisons... Et lui qui, en 2003, s’est engagé dans les garde-frontières de Tsahal, une unité israélienne qui participait à l’occupation illégale des Territoires palestiniens...

Le "médiateur du ministre de l’Intérieur" a été tout aussi clair sur ses préjugés en adoptant un critère « d’attaches fortes avec la France » ; lui qui a obtenu à sa demande la nationalité israélienne, il sait de quoi il parle, lorsqu’il affirme un "fort attachement"... à la nation française ! Comment imaginer qu’il puisse regarder avec le moindre discernement la situation d’une famille d’origine palestinienne, par exemple ?

Enfin, l’élitisme, cheville ouvrière des discriminations, s’exprime au travers de son seuil de tolérance qui concerne les enfants "bien notés" à l’école... Imaginons la charge culpabilisatrice qui pèsera sur les enfants mal notés.

Bref, l’ordre des avocats a décidément fort à faire pour clarifier la relation des avocats avec l’exercice de la médiation.

Mais, pour conclure, n’y-a-t-il pas ici une provocation à la désobéissance civique ? C’est en tout cas la manière dont le perçoivent des associations, tel le Réseau Education sans Frontière qui se mobilise, tels les Justes parmi les nations, en s’engageant à donner asile aux familles et enfants qui risquent d’être expulsés.
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* Notons quand même que l’épithète "national" tend à signifier que ce médiateur de circonstance aurait des compétences plus étendues que celles du médiateur de la République. La référence à la nation est en effet toujours plus forte que la référence à la République.

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A connaître aussi, le parti pris de cet avocat engagé pour la reconnaissance des "bienfaits de la colonisation" : rapport publié sur le site de l’UMP


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