Au fil de l’Eau
par C’est Nabum
lundi 16 mars 2020
Semaine de la langue française et de la francophonie
Du 14 au 22 mars 2020
Étrange coïncidence que cette semaine de la Langue française entre les deux tours d’une élection municipale qui voit se déchirer ceux qui, lorsqu’ils sont au pouvoir, font partie des fossoyeurs de la langue surtout dans notre belle Métropole dont les services de communication ne cessent d’user de l’anglicisme à tout va.
Vous n’êtes pas sans vous souvenir que j’ai tenté vainement d’envoyer un message d’alerte à ce propos à des candidats qui ont d’autres chats à fouetter que la défense de notre magnifique langue. Eux, ils sont pragmatiques, ils cherchent à faire venir les touristes, ils ont besoin pour cela de slogans simplistes, de manifestations aux noms ronflants et anglophones. Le respect de la loi ne leur importe guère, ils font de la politique justement pour échapper à ces vulgaires contingences qui ne sont destinées qu’aux gueux.
Alors qu’entre les deux tours, on célèbre celle qu’ils vont joyeusement martyriser lorsqu’une liste aura pris le pas sur les autres, voilà bien un paradoxe qui me navre d’autant plus que le thème de cette année porte sur l’Eau, un domaine dans lequel les choix politiques sont souvent désastreux. Pourtant en la matière, eux qui savent merveilleusement nager en eaux troubles, se maintenir à flot en dépit des casseroles et des naufrages qui ont parsemé leurs parcours, ils devraient savoir se mouiller et oser des mesures limpides.
Hélas, les organisateurs de la semaine dans leur immense perspicacité ont perçu l’état réel de notre rapport à la langue en prenant l’expression « À Vau-l’Eau ! » dans la liste des 10 mots célébrés cette année. C’est bien parce que tout va à vau l’eau en matière de communication officielle qu’il convient de tancer ceux qui trahissent avec une obstination sans faille le Français.
Les dix mots ne vont tout de même pas tous concerner nos joyeux fêlons de la langue. Engloutir, ce verbe leur sied à merveille eux qui engloutissent des sommes importantes et mystérieuses dans une campagne électorale à grands frais de tracts, dépliants et autres journaux qui ont nécessité beaucoup d’eau pour leur fabrication. Le développement durable s’arrête à ce point d’achoppement qui continue toujours de faire barrage. Je me garderai bien d’ajouter les sommes englouties dans des déplacements qui sont au delà des mers, trop d’eau nous sépare alors de la chose municipale.
Ruisseler et fluide viennent justement se compléter dans une pratique politique où les adeptes de la fumeuse théorie du ruissellement restent droits dans leurs bottes, les pieds dans une matière qui est loin d’être fluide et limpide. Une pensée qui non seulement fait un grand Plouf mais qui plus est entraîne l’humanité dans les abysses.
L’Ondée ne sera pas facile à mettre en relation avec nos lascars. Ils sont davantage adeptes de la grosse averse, de la nuée ou bien de l’orage. La nuance ne leur sied guère même si pour les dépenses de campagne le liquide n’est jamais mal venu et semble, lui aussi, tomber du ciel. Une pluie d’argent en somme pour que l’eau continue de couler sous les ponts et les éventuelles passerelles.
La Mangrove et L’Oasis sont là pour ne pas oublier que le futur échevin prendra son bâton de maréchal pour aller de par le monde. C’est la spécificité des grandes Métropoles parait-il, que d’avoir ainsi besoin de siphonner le budget pour assurer la notoriété et la réputation de la cité. Avec la Mangrove nous prendrons le mal à la racine et l’Oasis nous évoque l’idée que certains resteront sur le sable.
Il reste Aquarelle qui permet ici de dresser un tableau limpide des turpitudes de nos joyeux aquaphiles. La Loire est dans tous leurs discours, elle coule semble-t-il dans leurs veines et il y a naturellement de quoi s’en réjouir si elle n’était pas une Loire de pacotille qui aurait tendance à falsifier son histoire pour ne devenir que le terrain de jeu d’une bourgeoisie qui rêve encore à sa grandeur passée. Une peinture à l’eau pour grosses huiles au pays du vinaigre, la messe est dite même si Jehanne a fini par périr dans les flammes.
Pour finir, il nous reste le dixième mot, cet adjectif rare et sans doute obsolète, ce qui lui confère un charme admirable : spitant. Seule l’équipe qui sortira gagnante de la joute à venir comprendra son sens lorsqu’elle sabrera le crémant de Loire à moins que trahison suprême, ce ne soit du Champagne. La boisson pétillante fera des bulles à l’instar de celui qui viendra discourir pour célébrer son succès.
Quant à votre serviteur, Bonimenteur de Loire, il sera une fois encore passé non pas au fil de l’eau mais de l’épée pour tenir des propos peu amènes sur ces nobles individus dont il convient de vanter les mérites pour rester à flot. Je gage que me voilà mal embarqué pour me retrouver sur scène en bord de Loire. Un paradoxe de plus pour les amoureux de la langue et ses homophonies.
Francophilement leur.
Enfin je crois bon de leur adresser un petit rappel salutaire qu’ils prendront j’espère comme une bouée de secours afin de modifier radicalement les pratiques locales :
La loi relative à l’emploi de la langue française précise :
Article 1 :
Langue de la République en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics. Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie.
Article 2 :
Dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire. [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 94-345 DC du 29 juillet 1994.]
La cellule événementielle de la mairie serait bien avisée à l’avenir de respecter cette nécessaire et indispensable loi de préservation de notre identité culturelle.