Autour de la tour de Babel

par Pale Rider
samedi 18 mars 2017

Autour de la Clause Molière, on dit tout et n’importe quoi… Alors, autant en rajouter un peu et parler de la tour de Babel –car il y a un vrai rapport entre les deux.

On sait qu’il y a beaucoup de « travailleurs détachés » sur les chantiers, c’est-à-dire des ouvriers venus d’autres pays d’Europe, mais aussi d’Afrique, du Sri Lanka ou d’ailleurs, et qui ne parlent pas un mot de français à leur arrivée en France. De bons esprits, essentiellement de gauche, avaient fort justement protesté contre le dumping social que l’embauche de ces travailleurs sous-payés faisait peser sur la société. Mais maintenant, on hurle au protectionnisme xénophobe parce que certains présidents de Région demandent qu’on sache parler le français pour travailler sur des chantiers en France. Il est vrai que ces présidents sont seulement des élus de droite, que le Front National trouve qu’on devrait aller encore plus loin et que, comme par hasard, cette offensive survient à quelques semaines de ces Présidentielles pourries.

Bien-pensance mal placée

Mais ce n’est pas parce qu’une idée est émise par des gens dont les mobiles et la sincérités sont douteux qu’elle est à rejeter d’emblée. C’est typiquement le débat faussé à la française, où la langue de Molière ne sert même pas à s’exprimer clairement et où on entend derrière les mots au lieu d’entendre les mots eux-mêmes. « Ce sont des mesures racistes, discriminatoires et inapplicables », estime-t-on à Bercy ! Mais ces bonnes âmes gouvernementales qui font mine de s’indigner ont-elles déjà travaillé de leurs mains avec quelqu’un, par exemple à démonter et remonter une voiture ? Ont-elles imaginé comment il serait possible de se comprendre mutuellement avec quelqu’un qui ne parle pas la même langue ? Vous dites à votre collègue étranger : –Passe-moi un tournevis : ça urge !, et il comprend : –Ouvre-moi donc cette vis de purge ! Trois heures plus tard, le propriétaire de l’automobile termine sa vie dans un ravin. Adaptez cela sur un chantier où on manipule des ferrailles, des plaques de béton et d’énormes outils : le moins qu’on puisse dire, c’est que bien se comprendre est un facteur de sécurité.

On m’objectera que cette Clause Molière reviendrait à supprimer toute arrivée de main d’œuvre non francophone en France. Pas forcément. Le préfet Didier Leschi propose qu’on laisse trois mois aux ouvriers pour apprendre un minimum de français. Il suffirait que les inspecteurs du Travail vérifient tout cela –et qu’on ne fasse pas de compression de fonctionnaires dans cette corporation.

Francophones de tous les pays…

Mais le problème de fond est ailleurs. Car enfin, est-il illégitime de défendre la langue française en France (langue française bien malmenée sur AgoraVox et ailleurs) ? Allons jeter un coup d’oreille dans les milieux plus huppés, si on a peur de paraître méprisant envers les ouvriers. Geneviève Fioraso, quand elle était Secrétaire d’État chargée de l’Enseignement supérieur, avait autorisé quelques enseignements en anglais sur le territoire français, mesure déjà très contestable en soi. « Or, affirme Jean-Pierre Chevènement, j’apprends que 60 % des enseignements dispensés par Sciences Po le sont en anglais, pourcentage confirmé par les différents professeurs que j’ai interrogés. » C’est effectivement inadmissible, c’est de l’auto-colonisation ! François Bayrou et Jean-Luc Mélenchon ont raison de déplorer que le français capitule devant l’anglais même là où il a le statut officiel de langue internationale ! Il n’est pas étonnant que ce soient les Africains francophones qui soient les meilleurs défenseurs de la francophonie !

Babel

Et maintenant, la tour de Babel. On se reportera au 11e chapitre de la Genèse où cette histoire est racontée. Les hommes ont décidé de construire une tour qui atteindrait le ciel, c’est-à-dire le domaine du divin. Or, ce n’est pas du goût de l’Éternel qui trouve un moyen bien simple de faire capoter le projet : brouiller les langues entre les ouvriers. On ne se comprend plus : les travaux s’arrêtent d’eux-mêmes.

Au-delà de la notion de chantier proprement dite, on peut constater que la France est devenue une sorte de tour de Babel, dans laquelle on nous brouille l’écoute, et où les mêmes mots ne sont pas compris pareillement par tout le monde. On le voit très bien dans cette histoire de Clause Molière où on s’étripe sur des histoires de gauche et de droite au lieu de discuter sur le fond. Tout ça devient exaspérant et fait complètement le miel des partis extrémistes.

http://www.fondation-res-publica.org/Le-francais-en-France-cadre-legal_a1008.html


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