Aux Français de juger !
par koz
lundi 4 décembre 2006
Jeudi soir, tard, s’est close après plus de deux heures de fond la séquence d’entrée en candidature de Nicolas Sarkozy. Oui, la "séquence"... Avez-vous, comme moi, admiré la célérité de ceux qui ont mis toute leur énergie à décréter l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy "ratée" ? Que ce soit le représentant ségoléniste de Lieu commun, Hugues - auquel je reconnais à tout le moins, outre la qualité de ses billets, le grand mérite de l’engagement, quand la position d’arbitre de touche est décidément la plus confortable - qui ne nous avait guère habitué à des réactions instinctives, ou encore certains anonymes de Yahoo Questions/Réponses... dont je me demande toujours à quel point leurs questions, au libellé si évocateur, sont "téléphonées" (de divers côtés, d’ailleurs)...
La séquence de l’annonce de la candidature a donc commencé par la publication d’un entretien dans la presse quotidienne régionale, choix appréciable en lui-même. Alors, effectivement, il a fallu compter sur la bonne volonté de certains de ses représentants pour s’empresser d’en transmettre le texte à un quotidien national, la veille de la parution prévue... Quand les intérêts politiques priment sur les intérêts professionnels... Mais soit. C’est tellement anecdotique.
Un non-évènement, nous répète-t-on, en boucle ? Dire que c’est un non-évènement, c’est une non-réaction, une non-information. Rappelons que mardi dernier, dans un article que je lisais déjà, on citait les conseillers de Sarko, selon lesquels :
« Ce n’est pas le geste d’être candidat qui compte, puisque personne ne doute qu’il le sera. Ce sont les raisons pour lesquelles il veut l’être. Il aura une heure et demie pour s’en expliquer. »
Nicolas Sarkozy aurait certes pu éviter d’annoncer "des surprises". Quand j’étais petit, l’évocation d’une surprise me faisait immanquablement songer à un grand vélo avec plein de petites lumières qui clignotent. Ma fille, elle, quand on lui promet une surprise, fonce dans la cuisine, parce qu’une surprise, ça se mange, nécessairement. Bref, annoncer une surprise ne peut que provoquer la déception tant les attentes sont différentes. Et j’ai comme l’impression que, par cette annonce dans la PQR, l’essentiel n’était pas de surprendre.
Pour autant, dans un élan dont je ne me permettrai pas de douter qu’il ait été spontané, certains se sont précipités sur la séquence "formelle" de l’annonce. Sur le fond, en revanche... On attendra certainement plus longtemps leur réaction.
Passons, précisément à ce long exercice que fut "A vous de juger". Contrairement aux esprits chagrins, je me réjouis à tout le moins d’une chose : que la séquence de déclaration de candidature ait incorporé un aussi dense engagement sur le fond. Engagement, le terme est le bon et, si l’on veut jouer le jeu de la comparaison, je préfère effectivement cette position à la posture sacrificielle consistant à "accepte[r] d’assumer cette mission de conquête pour la France et les épreuves qui vont avec", dixit Sa Majesté à Vitrolles.
La sérénité affichée de Nicolas Sarkozy, après un temps d’installation toutefois, ne l’a pas conduit à se départir de sa conviction personnelle. J’ai été frappé, à cet égard, de le voir s’animer particulièrement lorsqu’il en est venu à s’exprimer sur les questions économiques et sociales, lorsqu’il a quitté le domaine de la sécurité, ce qui n’est pas fait pour me déplaire car je préfère nettement l’entendre sur les autres sujets.
Un mot toutefois sur la sécurité, car la gauche martelle à l’envi le "mauvais bilan de Sarkozy". Elle aurait tort de s’en priver.
Je remarque toutefois qu’elle évoque systématiquement l’accroissement des violences à la personne. Alors, deux remarques préliminaires, de pure déduction : pourquoi choisir cette "sous-série", sinon parce que les autres stats ne cadrent pas dans son discours ? L’accroissement des violences à la personne indique-t-il seulement un défaut dans l’action de Nicolas Sarkozy ? Il s’agit de constater un accroissement de la violence de la société... En quoi est-il imputable à Nicolas Sarkozy ? Je ne doute pas que l’on me répondra que c’est la prétendue absence de politique de prévention, ainsi que ses déclarations... Mais dans ce cas, comment se fait-il que les atteintes aux personnes aient crû de 42 % entre 1998 et 2002 (contre 14 % entre 2002 et 2006) ? Si l’on ne peut imputer aux déclarations de Lionel Jospin et de Daniel Vaillant une responsabilité dans l’explosion des atteintes à la personne lorsqu’ils étaient aux responsabilités, comment se fait-il que l’on en impute une à Nicolas Sarkozy, dans une progression trois fois moindre ? Va-t-on nous expliquer qu’en quatre ans la politique de prévention made in Rue de Solférino n’a pas eu le temps de produire ses effets ?
Nicolas Sarkozy a en revanche évoqué le taux d’élucidation... La capacité des enquêteurs à retrouver les coupables, n’est-ce pas quelque peu plus révélateur d’un bilan ? En l’occurence, selon ses chiffres - et je ne les ai pas vu contester depuis qu’il les énonce, ce qui n’est pas nouveau - ce taux est passé de 25% à 33%...
Alors, laissez-moi conclure : merde (je m’essaie à la pensée synthétique).
Je ne vais pas retracer l’ensemble de l’émission, que vous retrouverez probablement sous peu là ou sur la sarkoTV de sarko2007 (annoncé dans l’après-midi). Mais quelques passages ont retenu mon attention, quelques expressions...
Ainsi lorsqu’il dit que "le drame, ce n’est pas de perdre son emploi, c’est de ne pas pouvoir en retrouver". J’approuve, j’adhère. Et c’est une révolution, de perspective salutaire. Non, il ne faut pas tout faire pour "sauvegarder" les emplois, dans une attitude défensive qui n’a jamais été la marque du dynamisme. En revanche, "tout" faire pour que l’économie, en mouvement, crée en permanence de nouveaux emplois, pour favoriser la mobilité personnelle. Pascale a-t-elle accepté l’offre d’emploi de monsieur Roux de Beyzieux ? Laval, ça peut valoir le coup.
Le contrat unique, associé à la sécurisation des parcours professionnels, est-ce vraiment à balayer d’un revers de la main, comme le font certains, pas un François Chérèque (dont je m’étais plu à souligner quelques convergences avec Sarko), certes, mais ceux à qui importe davantage la seule opposition politique ?
Autre expression, à cet égard, lorsqu’il souligne que le travail en France n’a jamais été aussi encadré, avec (je le constate moi-même) un Code du travail dantesque... et que les Français se sont rarement sentis dans une situation aussi précaire. Faut-il vraiment, dans ce cas, poursuivre dans la voie de la rigidification, de la "statut-ification" du travail ? A-t-on vraiment de bonnes raisons de penser que cela a montré une grande efficacité ? On me répond, et je l’entends, que ce n’est que par la confiance au sein des entreprises qu’on y arrivera... Certes. Qui serait opposé à la confiance ? Mais avez-vous vraiment le sentiment que le marché du travail soit soumis à ce jour à la loi de la jungle ? Et pourtant, sentez-vous les Français heureux et décontractés lorsqu’ils vont au boulot ? Alors, instaurer ce contrat unique et sécuriser non les contrats, mais les personnes, oui, j’ai franchement tendance à prêter l’oreille.
Enfin, faire des universités un grand chantier présidentiel, je crois que c’est nécessaire, indispensable, tout comme promouvoir les interactions avec les entreprises...
Ca, c’était la séquence d’annonce de la candidature complète. Je ne me souviens plus de celui ou celle qui évoquait la question de l’audience de l’émission, pour juger de la réussite de cette entrée en campagne... Rappelons que Ségolène Royal, au JT de TF1, a réussi la performance de plomber le journal comme jamais, en faisant perdre 1 800 000 téléspectateurs... Eh bien, ils l’ont, leur réponse :
L’émission politique de France-2, A vous de juger, a battu son record d’audience jeudi soir avec un numéro en présence de Nicolas Sarkozy, sa première apparition télévisée en tant que candidat déclaré à l’investiture présidentielle UMP, a indiqué vendredi la chaîne publique.
L’émission, qui a duré près de trois heures entre 20h50 et 23h45 [et non une demi-heure, comme un JT, ce qui est court, pour lasser ! (NDK)], a rassemblé plus de 5,1 millions de téléspectateurs en moyenne, avec une part d’audience de 24,2%.
“C’est la meilleure audience de l’émission A vous de juger depuis le début de sa diffusion le 6 octobre 2005“, souligne France-2.
Pendant la deuxième partie de soirée (à partir de 22h30), l’émission était en tête des programmes avec une part d’audience de 37,6%, et une pointe de 6,8 millions de téléspectateurs à 22h30.
L’émission a été suivie par un large public avec, en particulier, 21% des 25-29 ans et 27,5% des CSP+ (catégories socio-professionnelles supérieures), ajoute le communiqué.
Si c’est ainsi que ceux-là veulent mesurer la réussite d’une entrée en campagne, c’est tout mesuré ! Aux Français de juger, maintenant !