Beethoven contre Napoléon

par Pale Rider
jeudi 18 juin 2015

La défaite de Waterloo il y a deux cents ans est une victoire contre la tyrannie. Ce devrait donc être aussi celle de la France. Hélas, notre République est encore globalement fière du tyranneau qui mit toute l’Europe à feu et à sang pour sa gloire personnelle. Comment se fait-ce ?

 En 1803-1804, Ludwig van Beethoven écrivit une symphonie devenue célèbre par son ampleur inusitée : la Troisième Symphonie dite « Héroïque ». Initialement, elle était dédiée à Bonaparte. Les étrangers épris de la philosophie des Lumières voyaient dans ce jeune général français un des principaux leaders de l’élan révolutionnaire. Beethoven, qui avait décidé d’écrire la musique qu’il voulait que le public entende et non l’inverse, avait donc fait à la fois honneur et confiance à Bonaparte par cette dédicace.

 Hélas, il dut vite déchanter. Car lorsque ledit Napoléon Bonaparte fit adjoindre à son prénom le titre d’empereur, Beethoven entra dans une de ses colères légendaires et s’écria : « Ce n’est donc rien qu’un homme ordinaire ! Maintenant, il va fouler aux pieds tous les droits des hommes, il ne songera plus qu’à son ambition ; il voudra s’élever au-dessus de tous les autres et deviendra un tyran. » « Symphonie dédiée à Bonaparte » se transforma donc illico en : « Symphonie dédiée au souvenir d’un grand homme. » La tyrannie du petit Corse s’avérant hélas inévitable, Beethoven composa plus tard « La bataille de Vitoria » pour se réjouir d’une défaite napoléonienne en 1813.

Gare d’Austerlitz…

J’ai toujours faite mienne cette colère beethovénienne, bien qu’étant citoyen d’un pays dont la capitale ne se repent pas d’avoir baptisé plusieurs de ses avenues et bâtiments du nom des complices et des victoires de cet aventurier. Paris conserve fièrement, dans ses plus beaux quartiers, le souvenir d’un grand homme d’État dont les diverses Républiques continuent d’honorer la mémoire, bien qu’il ait été le fossoyeur de la Première. Place d’Italie. Gare d’Austerlitz. Rue d’Ulm. Pont d’Iéna. Avenue de Wagram. Et j’en passe, et des plus sanglants, de ces massacres infligés à des voisins dont la France égorgea les fils et les compagnes. Jusqu’en Russie, où la Grande Armée reçut une pâtée magistrale (mais une avenue à sa gloire)...

 À Berlin, à ma connaissance, aucun nom de rue ou de ville ne chante les hauts faits du nazisme. Mais ne nous plaignons pas si un jour, dans une ville allemande, on crée un boulevard Adolf Hitler, une avenue Goebbels, une Erwin Rommel Bahnhof, un pont du IIIe Reich. Et qu’on n’aille pas me rétorquer que Napoléon, à la différence du moustachu, nous a légué le Code qui porte son nom (et qui ne fait pas la part belle aux femmes, soit dit en passant) : le cher Adolf n’a-t-il pas légué à nos cousins germains la Wolkswagen (« voiture du peuple ») et les Autobahn ?

 Quant à Leningrad, elle est redevenue Saint-Petersbourg. Et même Stalingrad (je viens de le vérifier) a été rebaptisée Volgograd ; le nom de Stalingrad lui a été redonné pendant un seul jour de 2013 pour commémorer l’héroïque résistance de la ville, 70 ans plus tôt, contre l’envahisseur nazi. Écartons l’hypothèse de voir son prochain nom être Poutingrad…

Petit acte de résistance

 On l’aura compris, Pale Rider considère que le 18 juin 1815 est un aussi beau jour que le 18 juin 1940. Pour en fêter le deuxième centenaire, il vient de se commander la pièce commémorative de 2,50 € frappée par nos frères belges (http://www.europemint.eu/crbst_8.html).

 La France étant « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » (Article 1 de sa Constitution), le culte de Napoléon n’a plus de raison de subsister et il n’est donc pas antipatriotique de commémorer la bataille de Waterloo avec les sujets des royaumes d’Angleterre et de Belgique. On n’est pas à un paradoxe près.


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