Boire ou s’enrichir, il faut choisir
par olivier cabanel
mercredi 11 juillet 2012
Depuis le 1er juillet, le conducteur qui n’a pas son éthylotest dans sa voiture est en infraction, et à partir du 1er novembre, il aura une amende de 11 € si à cette date, il en est démuni. lien
Mais quel sera le sort du président de l’association qui est à l’origine de ce nouveau dispositif discutable ?
En effet, l’entreprise qui a emporté la plupart des marchés n’est autre que la société Contralco, et elle compte parmi les membres de son personnel un certain Daniel Orgeval, qui est chargé de mission de cette entreprise (lien) lequel est aussi le président de l’association en principe à but non lucratif « association I-Test ».
Au sein de son association, il a donc mené un lobbying d’enfer, et a décroché le jackpot, puisqu’aujourd’hui, c’est chose faite, et il n’est pas le seul dans ce qui ressemble à un conflit d’intérêt puisque son vice président est aussi le directeur général de l’entreprise Alcolock France, fabricant d’éthylotest, tout comme Bertrand Jermann, lui aussi vice-président, et patron de l’entreprise Ethylo, Pierre Elefteriou vice président, et président de l’entreprise Pelimex, importateur d’éthylotests, Patrick Deprez, le trésorier de l’association fermant la marche, cumule cette fonction avec celle de président de l’entreprise "Objectif prévention", importateur d’éthylotests.
En poussant l’enquête plus loin, on trouve chez les adhérents d’autres proximités avec le petit monde des entreprises qui vendent des éthylotests. lien
Ces gentils lobbyistes avaient leurs entrées à l’Assemblée Nationale, comme on peut le constater sur ce lien, puisque le 1 septembre 2011, ils venaient plaider leur cause lors d’une table ronde intitulée « mission d’information relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière ».
Le décret du 28 février 2012 rendant obligatoires les éthylotests dans les véhicules est donc le fruit de leur travail. lien
Si on va un peu plus loin, on pourrait aussi s’intéresser à l’activité précédente de cet ingénieux personnage qu’est Daniel Orgeval, puisqu’il était vendeur de radars de contrôles routiers.
L’affaire des éthylotests est juteuse, puisqu’elle concerne 38 millions de véhicules, et que les 2 éthylotests obligatoires dans chaque voiture, vont rapporter aux fabricants 76 millions d’euros tous les deux ans, suivant la date de péremption, puisqu’au delà de cette date, il faut renouveler le stock.
Les motards sont aussi concernés, et cela représente tout de même 2 millions de motos, soit 4 millions d'éthylotests supplémentaires.
Ajoutons que la demande en éthylotests ne se limite pas aux frontières du pays, et que de la Russie au Maroc, les clients se multiplient, obligeant Contralco dont le chiffre d’affaire est de près de 7M€, à porter sa production de 2 à 5 millions d’éthylotests par an, puisque les ventes concernent 70 pays. lien
C’est donc un marché juteux : 13 millions d’éthylotests avaient été vendus en 2008, représentant un chiffre d’affaire de 5.663 K€, et la nouvelle décision devrait faire gonfler considérablement la petite entreprise. lien
Du coup, ce coup de maître fait des envieux, et les arnaques se multiplient, telle cette offre sur le net qui propose des alcootests chimiques en livraison gratuite dans toute la France, à 4,99 € pièce, alors que le « ballon » coute habituellement 1€.
Daniel Orgeval s’en désole, son association ayant repéré pas moins de 150 offres litigieuses, et déclare : « nous avons affaire à des mercenaires qui se jettent sur ce marché ». lien
Pourtant d’après Daniel Orgeval, la société Contralco devrait décupler son chiffre d’affaire grâce à la vente d’éthylomètres rendus obligatoires. lien
Tout ça ressemble furieusement à un conflit d’intérêt, puisqu’une association agissant à but non lucratif permet d’enrichir les présidents, vice présidents, trésoriers etc …qui sont aussi les membres plus ou moins impliqués dans l’entreprise qui les fabrique.
Qu'importe, Daniel Orgeval, avec sa double casquette de président d’I-test et de salarié de Contralco affirme « il n’y a pas de conflit d’intérêt ».
Le candidat Hollande, interrogé le 25 avril 2012 par la Ligue contre la violence routière, déclarait : « cette mesure d’auto dépistage (…) n’est pas toujours adaptée. La très grande majorité des accidents est le fait de conducteurs qui savent être au-dessus de la limite légale. J’ai d’autres réserves en ce qui concerne la fiabilité des éthylotests chimiques qui risquent d’induire en erreur le conducteur ».
François Hollande appelait à ce moment à « une large concertation ».
Aura-t-elle lieu ?
La loi sera-t-elle abrogée ? lien
Au-delà de ces agissements dont la légitimité pose question, il faut aussi s’intéresser à l’association de lobbying, qui serait soumise à la loi dite de 1901.
Or, malgré toutes les tentatives, il n’apparait à aucun moment le nom de cette association dans les registres officiels. lien
Tout ça a énervé quelques citoyens, dont ceux de la ligue des conducteurs, lesquels ont lancé une pétition pour protester.
Dénonçant la répression routière, devenu selon eux « un alibi pour faire fructifier un business qui rapporte des millions d’euros chaque année à de grandes entreprises bien placées » et responsable de la suppression de permis à 90 000 personnes par an, provocant à 60 000 d’entre eux la perte de leur emploi. lien
La FFMC, (fédération française des motards en colère), a pris ça avec humour, et propose sur ce lien un éthylotest original. lien
Il faut ajouter que l’efficacité du dit éthylotest est contestée par les professionnels, lesquels affirment que le seul éthylotest valable est l’éthylotest électronique.
Un avocat, Jean-Baptiste Iosca a obtenu la relaxe d’un automobiliste contrôlé avec 1,4 gr d’alcool dans le sang, en prouvant la non fiabilité des tests d’alcoolémie. lien
En tout état de cause, il apparait aujourd’hui que l’éthylotest chimique ne fait pas le poids face à l’éthylotest électronique.
Il résiste mal aux variations de température, devenant carrément défectueux s’il est confronté soit à une température supérieure à 40°C, et il en sera de même lorsque les températures seront trop basses.
Or une voiture restée en plein soleil en été, atteint rapidement les 60°C. lien
Pourtant Contralco conteste la fragilité de son produit, affirmant qu’il résiste « au-delà des limites annoncées ».
Pour le CISR, (comité interministériel de sécurité routière), il n'y a pas photo : il juge les éthylotests électroniques « plus fiables et plus performants que ceux type chimique ». lien
La France est d’ailleurs l’un des derniers pays d’Europe à utiliser l’alcootest chimique, les autres états lui préférant l’électronique. lien
"la ligue contre la violence routière" va plus loin, affirmant : « il est possible de se demander si la présence d’éthylotests dissuaderont véritablement les personnes alcoolisées de prendre le volant ».
Finalement, ces éthylotests obligatoires n’auront d’autre résultat que d’enrichir quelques petits astucieux, et de plomber un peu plus le pouvoir d’achat des français, sans la garantie d’une réelle efficacité.
Mais le plus amusant de toute cette affaire de gros sous n’est-il pas la découverte d’une loi, parue en 1970, rafraîchie en 2000, puis 2003, rendant obligatoire la possession d’un éthylotest dans chaque véhicule ? lien
Laissons le mot de la fin à cette Héraultaise qui avec beaucoup de bon sens a déclaré : « on est des pigeons. Je ne m’en servirai jamais. On sait tous si on a bu plus de 2 verres ». lien
Comme dit mon vieil ami africain : « on ne traverse pas la jungle avec un ticket de zoo ».
L’image illustrant l’article provient de « planet.fr »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Adresses intéressantes :
Ligue de défense des conducteurs, 116 rue de Charenton,