Ce que cache le soi-disant racisme antiblanc...

par tiptop
mardi 3 avril 2007

Faisons le point sur ce racisme « antiblanc » que ressentent certains de mes concitoyens et ressassent les plus démagogues de nos politiques. Est-il une réalité ? Et si oui qu’est-ce que cela cache ? D’abord la méfiance est de mise car trop souvent retourner le racisme est un réflexe des gens racistes.. C’est évidemment suspect car ces gens-là pratiquent l’amalgame antiblanc/antifrançais. Ils ne veulent pas voir que nous ne sommes plus une nation de « Blancs » et ce depuis la décolonisation et les politiques migratoires qui ont suivi. Pour autant, regardons les choses en face.

Il y a une certaine ironie à accuser certains Nord-Africains de racisme antiblanc car eux-mêmes se sont toujours considérés comme des Blancs par opposition aux Noirs africains. Leur société, tout comme la nôtre, a été hiérarchisée en fonction de la couleur de peau. Le racisme n’est pas toujours dirigé vers celui que l’on croit. En général il l’est vers les plus faibles. De plus quand on observe la société (je travaille dans une école en banlieue, je ne pense pas être le plus mal placé pour le faire) le terme est impropre car ce qui est palpable ce n’est pas un racisme antiblanc en tant que tel mais le rejet d’une citoyenneté qu’ils convoitent et qu’ils rejettent à la fois car ils sentent bien qu’on la leur refuse ( Il s’agit plus rarement du rejet d’une identité occidentale car comme tout le monde ils n’aspirent qu’à pleinement « consommer » et les plus radicaux d’entre eux en éprouvent de la honte.) On en vient donc à détester ce que l’on convoite car c’est jugé inaccessible. C’est le sens des sifflets au stade de France pendant la Marseillaise. Ce sont des « ici -ciens », comme dirait Debouzze, de deuxième et troisième génération qui ont sifflé, pas les immigrés de fraîche date encore porteurs de l’espoir d’une France accueillante. Je pose d’ailleurs une simple question à tous ceux qui somment ces derniers de « s’intégrer » : s’ils ne désiraient pas s’intégrer dans notre pays pourquoi sacrifieraient-ils tout pour y venir, souvent au péril de leur vie ? L’Occident nourrit encore les espoirs d’une vie meilleure mais la république ne consent point à les satisfaire. Le drame est là, nos beaux discours se retournent contre nous car devant notre magnifique triptyque Liberté, Egalité, Fraternité, nos immigrés et tous les candidats à l’immigration répondent chiche ! Mais nous nous défilons.

Le deuxième point sera de pointer que les émeutes 2005 n’ont pas été de nature raciale. Les casseurs ne se sont pas attaqués, sauf cas très particuliers et isolés, aux personnes, aux « Blancs » considérés comme tels mais aux symboles de la République et aux signes qui les renvoient à leur situation de relégation sociale.

Je conviens que le racisme anti-blanc puisse exister dans la communauté noire mais de façon très minoritaire. Certains estiment que leurs oppresseurs n’ont toujours eu qu’une couleur. Ce n’est pas tout à fait vrai bien sûr, mais ça se comprend aisément. C’est l’un des aspects d’un repli identitaire qu’on appelle la négritude (voir Négrologie de Stephen Smith, livre très critiquable par ailleurs). Il suffit de se balader dans les quartiers populaires des grandes villes africaines pour se sentir extra-terrestre. Les blancs là-bas sont bunkerisés et ne se déplacent qu’en 4x4 rutilants. Ces derniers prétendront le contraire mais en fait ils ne vont que dans certains quartiers (qu’ils croient populaires !). A Mokolo, au quartier de la Brique à Yaoundé, on ne voit quasiment jamais de Blancs. D’ailleurs là-bas, on m’appelait « le faux Blanc » car je marchais à pied... c’est amusant. Là où je veux en venir c’est que le « Blanc » sur le continent noir est presque invisible, il est fantasmé, essentiellement à travers les médias (occidentaux faut-il le rappeler) ; il représente la richesse, le pouvoir et, plus grave, le savoir et la culture comme si eux-mêmes n’étaient pas riches d’une culture et de traditions séculaires. Dans ce sens-là il y a un vrai racisme, inversé dirons-nous, qui consiste à penser que l’autre est supérieur. C’est de cela que meurt l’Afrique et qui fait qu’ils sont si dociles au pillage et à la mise sous tutelle de leur continent. Certains pensent encore qu’ils ne peuvent pas vivre sans l’Occident ; c’est du pain béni pour les profiteurs occidentaux et leurs complices africains. Ici on peut mesurer combien , et je pèse mes mots, la traite des Noirs, la colonisation et le néocolonialisme libéral constituent dans sa durée (plusieurs siècles) et en tant que phénomène historique ininterrompu, le plus grand crime commis à l’échelle de l’homme. Ce qui tue l’Africain ce n’est pas tant des conditions politiques et économiques déplorables que le sentiment d’infériorité qui s’est immiscé en lui après des siècles de servitude et de racisme. Je conclurai en disant toute mon admiration aux nombreux Africains qui restent malgré tout debout et dignes et ne tombent ni dans le repli identitaire (la négritude) et son corollaire le racisme antiblanc ou pire la dépréciation de soi. Je suis par exemple épaté que chez les Bamilékés (chez qui j’ai vécu) personne ne m’ait renvoyé à la figure les massacres perpétrés par les Français et les troupes d’Ahidjo pendant la guerre d’Indépendance. Le sujet est, il est vrai, refoulé et un peu tabou. Cela montre qu’il n’y a pas de fatalité à la haine . Malgré tous les maux évoqués les Africains sont toujours debout alors que des peuples entiers n’ont pas survécu aux conquêtes (les Indiens d’Amérique, les Aztèques, les Aborigènes...).

Tahar Ben Jelloun nous rappelle que le racisme est la chose la mieux partagée au monde. Soit. Comparons le racisme antiblanc et anti-ce-que-vous-voulez en nous plaçant du coté de ses effets . Imaginons qu’on me traite de « sale Blanc ». Quelles conséquences réelles cela peut avoir sur ma vie en dehors du légitime sentiment de colère ou de haine ? Maintenant mettons-nous maintenant à la place d’un Français de couleur... Au passage c’est le seul remède sérieux contre le racisme. Pour eux le racisme ce n’est pas seulement des mots, des humiliations ou des attitudes condescendantes mais des discriminations réelles en termes de logements et d’emploi qui auront des conséquences déterminantes sur leur vie. Quel Français de souche pourrait le supporter ? Le racisme est universellement condamnable mais il n’a pas le même poids quand on est dans la position des dominants ou des dominés. Historiquement d’ailleurs les théories racistes ne se sont développés que pour justifier des situations de domination. Les effets du racisme s’expriment sur le champ social de façon très différenciée et cela explique pourquoi dénoncer le racisme antiblanc n’est pas politiquement correct car il renvoie à une réalité postcoloniale. La « race » est encore et toujours un marqueur social et ce , malgré nos beaux discours. Le chemin sera long pour décoloniser les esprits.


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