Ces e-meutes que l’on ignore

par Guillaume Buffet
jeudi 23 mars 2006

Je ne suis pas juriste. Je ne suis pas lobbyiste. Je ne revendique aucune expertise dans le domaine des droits d’auteur ou de la musique. En revanche, (je) on m’interroge beaucoup ces derniers temps sur l’impact des technologies de l’information et de l’Internet sur la société du futur (proche). Pour aider des candidats à l’élection présidentielle à définir leur programme. Pour comprendre des évolutions, créer des entreprises, des fonds d’investissements ou... écrire des bouquins. (1)

Hier matin, j’étais à l’Assemblée nationale. Audité par un député avec d’autres "experts" des NTIC pour comprendre "ce qui se passe". Quelques minutes avant le début de la réunion, je postais ce billet en clin d’oeil sur la loi DAVDSI. Billet écrit grâce à la lecture de cet article d’Estelle Dumont sur ZD Net.

Le temps de ma réunion, et ce sont plus de 200 commentaires tranchants qui furent postés sur ledit article d’Estelle. Tranchants, voire violents pour beaucoup. Impressionné, je me suis lancé dans une recherche rapide sur les moteurs ou blogpulse. Ils montrent que depuis 24h, les blogs se déchaînent non pas contre la loi DADVSI, mais contre ceux qui l’ont votée. Qu’ils ne demandent pas le retrait, mais conspuent les auteurs. En première page des résultats de blogpusle (recherche DADVSI), on trouve ce matin un lien vers ceci :
« [ ...]Il ne nous reste plus qu’à assa*** les sénateurs pro Dadvsi en espérant que les autres facent (sic) leur job »"(2). Copier-coller ce lien me fait froid dans le dos. Et pourtant, ce billet, qui dépasse certainement la réalité de la pensée de son auteur, est symbolique de ce qui se passe autour de cette loi.


La loi piétinée

Les émeutiers du Web ne se déchaînent pas contre la loi, car de cette loi, ils se foutent. Ils la piétinent déjà. Ils en ricanent. Ils savent (eux) qu’elle n’a pas de sens et qu’elle ne pourra pas être appliquée. Et avec elle, c’est toute la représentation de l’Etat qui part à la décharge. Je ne multiplie pas les liens, mais, de grâce, faites un tour sur ces blogs. Allez lire ces commentaires. Depuis les plus "respectables" aux plus anonymes. Vous vous rendrez compte que ce qui se passe aujourd’hui dans le monde virtuel est autrement plus grave pour notre avenir que ce qui se passe dans les rues de Paris.

Car si nos étudiants manifestent contre le CPE, en demandent (pour certains d’entre eux) le retrait, c’est un signe d’inquiétude. C’est une demande faite - avec véhémence, certes - mais une demande faite à leurs représentants. En respectant - globalement - la loi et ceux qui la créent. C’est un processus démocratique normal et sain.

La fin de la légitimité
Dans le même temps, les « e-meutiers » anti-DADVSI montrent les signes d’un désintérêt -d’un mépris- total pour la chose publique, et ceux qui nous représentent. En résumé : « Nos députés n’ont rien compris au phénomène de la musique en ligne ? Je m’en fous. Tous des incapables. C’est tant mieux, je continuerai à vivre seul dans mon coin, ils ne peuvent rien contre moi ». Et ceci est très grave, car ici se trouve le germe d’un mépris total de l’Etat, de ses représentants, et donc de la démocratie, qui porte en lui un risque considérable de dérèglement total du système. Nos représentants n’ont plus aucune légitimité aux yeux de leurs électeurs. Sans légitimité, plus de respect possible.

Messieurs les sénateurs, ce qui se passe aujourd’hui autour de cette loi dépasse très largement les histoires de gros sous et de petits larcins autour de la musique. Je n’avais jamais entendu d’appel au meurtre contre vous. Quand une génération bafoue ses représentants, il est temps de réagir. Non, la loi DADVSI n’est pas une "bonne loi". Car elle crée un fossé qu’il sera difficile, très difficile de combler par la suite. Un fossé entre les citoyens et la loi. Un fossé entre les citoyens et ceux qui ne les représentent plus.

(1) Chef d’entreprise... et citoyen, je suis persuadé que nous avons tous notre rôle à jouer pour faire en sorte que les choses avancent en France... ou dans le monde. Impliqué dans le monde associatif et humanitaire, je suis aussi administrateur de Club Sénat, un think tank ayant pour vocation de "rendre la France plus performante avec les technologies innovantes", en rapprochant parlementaires, chercheurs et entrepreneurs. A ce titre, je souhaiterais aider la prise de conscience de nos élus autour du phénomène décrit ci-dessus. Pour y arriver, j’ai besoin de vous. De vos idées, de vos réactions, de vos propositions.

(2) Je ne crée volontairement pas de lien vers le blog à l’origine de ce billet. Mais la phrase est directement reprise, fautes d’orthographe comprises.

 

Crédit Photo : Nicolas Gosset 

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