Cocasseries de palais
par Voris : compte fermé
jeudi 15 novembre 2007
La justice recèle bien des bizarreries que les praticiens du droit glanent au fil des prétoires ou aux marches du palais de justice. Ces jugements singuliers ne font pas toujours jurisprudence. Voici un patchwork qui montre combien l’étude des décisions de justice a de quoi combler les esprits curieux.
Des affaires de famille à Rouen !
Voici deux affaires jugées par des juges de Rouen :
La prison peut raporter gros : Le Figaro en ligne du 6 novembre 2007 relate cette affaire d’un homme...d’affaires de Rouen qui a été incarcéré à tort pour le meurtre de sa femme. Ayant bénéficié d’un non-lieu définitif en mars 2004, il a été libéré et pourrait toucher une indemnisation de 539 719 euros. C’est du moins ce qu’a demandé le parquet général de la Cour de cassation pour ces 35 mois d’emprisonnement injuste.
"Dis tonton, pourquoi tu tousses ?" : Un oncle profitait de l’inconscience de sa nièce pour s’acheter des voitures de luxe qu’il mettait au nom de sa nièce dont il imitait la signature, ou au nom de sa société. Le tonton menait ainsi grand train, si l’on peut dire, jusqu’à ce que l’administration fiscale entre en action. Elle procède à des redressements fiscaux à la suite d’une verbalisation de l’oncle au volant du véhicule (ce qui rappelle un autre sketch de Fernand Reynaud...), véhicule somptuaire qui était immatriculé - pourquoi se gêner ? - au nom de la nièce domiciliée à une adresse qu’elle n’a jamais eue. La cour d’appel de Rouen a condamné le tonton indélicat et a accordé réparation à sa nièce qui se voit bien sûr également relevée des impositions et des sanctions fiscales.
(Cour d’appel ROUEN, 27 juin 2007, numéro JurisData : 2007-340049)
Filiation et brouillage de cartes :
Comment être grand-père et père en même temps...
The Guardian du 26 octobre 2007 raconte la situation d’un Britannique de 72 ans qui a accepté de donner à son fils et à sa belle-fille son sperme afin qu’ils puissent avoir un enfant. La Haute Autorité britannique en fertilisation et embryologie humaines (HFEA) s’est trouvée confrontée à une équation délicate : comment être grand-père et père en même temps ? La Haute Autorité a répondu que ce don ne va pas à l’encontre de la législation en vigueur. Le cas ne devrait pas se produire trop souvent car seulement 0,1% des donneurs auraient plus de 65 ans. Mais la loi britannique prévoit que l’enfant ainsi né aura le droit, à 18 ans, de connaître l’identité du donneur. L’enfant se trouvera alors en difficulté de se situer clairement dans une lignée de filiation : il sera à la fois le fils de son grand-père et le demi-frère de son père...
"Génial, j’ai deux mamans !"
Restons dans les histoires de famille : la cour d’appel de Paris a reconnu comme parents légitimes un couple ayant eu recours à la "gestation pour autrui". Les gestations pour le compte d’autrui ou grossesses de substitution sont interdites en droit français (loi bioéthique de 1994). Dans certains Etats, c’est autorisé : Grèce, Israël, Russie, Argentine, Chili, Canada. La loi de l’Etat de Californie, où se déroule cette histoire, autorise, sous contrôle judiciaire, la procédure de gestation pour autrui. Un couple marié californien a donc recours aux services d’une mère porteuse californienne. A l’issue d’une procréation médicalement assistée, des embryons, conçus avec le sperme du mari et les ovules de la mère porteuse, sont portés par cette dernière. Par jugement du 14 juillet 2000, la cour suprême de Californie a conféré à Dominique et Sylvie X, la qualité de père et mère des enfants à naître portés par Mary Ellen Z, la gestatrice, depuis mars 2000. Des jumelles naissent.
Après sept ans de poursuites judiciaires pour "enlèvement d’enfant" et "adoption frauduleuse", la cour d’appel de Paris a finalement jugé conformes les papiers américains désignant le couple comme les parents des jumelles. La non-transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l’intérêt supérieur des enfants, a estimé la cour. Cette décision, si elle n’est pas annulée en cassation, risque d’ouvrir la voie en France à un grand débat sur la gestation pour autrui.
Le curé sauvageon :
Un prêtre n’en pouvait plus de voir une oeuvre "blasphématoire" orner la totalité du choeur de la petite chapelle du XIe siècle. La fresque montrait un lion, un aigle, un taureau, et un ange, symbolisant les quatre évangélistes saint Marc, saint Jean, saint Luc et saint Matthieu. Mais voilà ! L’ange, vu de profil, laissait pointer ses charmants petits seins, et le taureau était trop sexué au goût de monsieur le curé, lequel considéra que cette oeuvre n’avait pas sa place dans ce lieu religieux. Le curé décida donc de passer à l’action en détruisant cette oeuvre impie. Il a été condamné par le tribunal de Tarascon.
(Affaire de l’abbé Michel Cicculo, curé de Saint-Étienne-du-Grès, Bouches-du-Rhône)
"C’est tout pour aujourd’hui..." comme disait Claude Piéplu, la voix des Shaddocks.