Communication en temps de crise, Quelle stratégie ?
par siberlie
mardi 21 février 2012
« Il ne peut y avoir de totalité de la communication, Or la communication serait la vérité si elle était totale. »
Cette citation de Paul Ricoeur exprime bien ce rapport complexe entre la communication et l’exigence de vérité prônée par les sociétés.
La communication a pris une ampleur certaine dans l’ensemble des démocraties modernes, les stratégies de communication ont ainsi intégré progressivement le monde de l’entreprise, les médias et enfin le pouvoir politique. Ce dernier a d’ailleurs entrepris une forte modernisation de ses stratégies de communication, si bien qu’aujourd’hui, tous les partis politiques mettent en œuvre d’importants budgets en la matière.
Malgré tout les bons sentiments que l’on peut donner a tout et un chacun, le champ politique est, par essence, fait de paraitre et de rhétorique, sous discipline donc, tant les sciences dures et la philosophie sont fondés sur la notion de vérité et de raison. Une critique des hommes doués pour discourir pas si neuve : déjà dans la Grèce antique, les sophistes étaient critiqués par Platon. Il voyait en eux des développeurs de raisonnement dont le but est uniquement l’efficacité persuasive et non la vérité.
Cette stratégie communicative, repose donc sur la prise en considération et l’influence des sentiments des foules, de l’audimat, des statistiques et des effets de modes. Cette stratégie passe ainsi par la prise en compte des valeurs de notre société : en ce sens, un parti jugé dépassé serait immédiatement évincé du processus décisionnel.
Pour être en adéquation avec son époque, chaque personnalité politisée doit suivre les changements de la société, elle doit « vivre avec son temps ». Notre société, bourrée de différences, en termes de sexe, d’âge, de couleurs de peau, d’idéologies, de sexualités et de religions s’est en quelque sorte complexifiée. La communication aussi, le décideur doit aujourd’hui « rassembler » et représenter chaque individu souhaitant se voir représenter dans le miroir des sphères du pouvoir.
Autrefois positionné sur une opposition Patronat – Travailleurs, le débat Français, depuis la fin des années 80 et la célèbre « fin de l’histoire » décrite par Fukuyama, a écarté le prisme de la lutte des classes par la pacification des rapports sociaux.
Auparavant tourné vers de forts marqueurs idéologiques, le débat s’est majoritairement transformé en une lutte des différences. Cause presque légitime, si l’on entend la volonté des personnes à bénéficier du noble principe égalitaire fondant notre république, et à ne pas se retrouver en situation d’exclusion.
Une stratégie pour lutter, en adéquation avec son temps, tant le syndicalisme de type ouvrier ne semble pas pouvoir s’immiscer dans les réalités du monde du travail.
Mais une stratégie pas si inutile pour le pouvoir. Parler des individus selon leurs différences, (couleur de peau, sexualité,) mais jamais en tant qu’individus économiques soumis à des fonctions classiques de salariés et de consommateurs, peut paraitre être une stratégie du moindre cout. Soit : diviser un groupe d’individus selon ses différences, tout en oubliant les fonctions sociales de ses membres.
Une stratégie qu’a très bien compris notre monde moderne, politiciens, entreprises, médias, et pouvoir politique – en tête, prônent la logique de l’apparence par l’icône.
Ces idoles de la diversité comme de la parité, cachent la misère sociale, soit globalement : Harry Roselmack pour TF1, Laurence Parisot au Medef et autres chartes pour la diversité…
Une logique d’apparence donc, modernisant l’image du patronat et du pouvoir politique, pour mieux faire passer l’augmentation du cout de la vie, sujet moins vendeur, ou bien encore la question des salaires non étalonnés sur l’inflation pourtant croissante.
Pas de luttes sociales sérieuses car impossibles, du fait de l’individualisme des acteurs, précarisation accrue des travailleurs par le développement des Cdd et des contrats intérim. Ne pénalisant pas les catégories sociales aisées pourtant vivement représentées dans les médias et le monde politique, mais en majorité, ouvriers, agriculteurs et personnes des quartiers défavorisés. Crise allant en s’aggravant, que les classes moyennes Françaises seront les premières à subir.
En résumé une logique de promotion des différences dans le processus décisionnel qui consiste à identifier les Français selon leurs origines et leur sexe. Or, la logique redistributive sérieuse, Ce qu’on pourrait appeler naïvement, « être de Gauche » voudrait plutôt qu’on les juge selon leur statut social, et promeuvent leur intégration au système décisionnel sans les distinguer selon leur sexe ou leur lieu de résidence.
Cette logique de paupérisation touche en premier lieu les territoires péri et extra urbains ; le monde rural constitué de paysans que la politique agricole commune ne suffit plus à faire vivre, et les habitants de banlieues que le reflet des médias et la délinquance ne font qu’enfoncer.
Ainsi, si les nouveaux français de banlieues sont en partie, des « noirs » et des « arabes », ( termes impropres et presque vulgaires devant les multiples trajectoires culturelles de chacun), ils sont avant tout un peuple déclassé, sous-équipé en capital social, soit comme le disait Marx des « sous prolétaires ».
Cette population résidant dans les quartiers populaires, autrefois protégée par le syndicalisme ouvrier et la conscience de classe. Aujourd’hui promue ou décriée par l’exaltation des différences.
Ces stratégies de communication battent d’ailleurs leurs plein en ces périodes pré-électorales. Les candidats à la présidentielle, évoluants dans une ambiance complexe de crise économique aggravée, sont avides de sujets permettant d’occuper l’espace de discussion, mais jamais ceux évoquants l’économie sérieuse.
Candidats qui auront cette fois, beaucoup de mal a éviter l’épineux sujet des solutions permettant la solvabilité des états. Un enjeu compliqué, et très sérieux, tant notre système monétaire contemporain semble complexe et structurellement épuisé.
En effet depuis que la quantité d’argent n’est plus garantie par la présence physique des éléments (autrefois l’or), permettant aujourd’hui à un organisme financier par la logique du célèbre « ce sont les crédits qui font les dépôts » de créer informatiquement l’argent de plus de 30 fois ses réserves réelles en monnaie.
Une fuite en avant de la création monétaire dont les états ne sont pas insensibles, en effet, le premier poste de dépenses de l’état est aujourd’hui la charge de la dette, devant l’éducation nationale. Non pas la dette elle même qui pourrait représenter légitimement l’ensemble des dépenses d’investissements réalisées années après années par l’état, mais bien l’ensemble des intérêts versés aux différentes banques et organismes de prêt.
L’emprunt public soumis à intérêt, annulant de fait la notion de crédit public à des taux très proche de zéro, (solution pourtant préconisée par le peu révolutionnaire Michel Rocard dans un article du Journal Le Monde ).
Le droit a un état d’avoir le pouvoir régalien de création monétaire. Reforme qui donnerai le moyen concret de ne plus verser les 60 milliards annuels de la poche des contribuables directement dans les profits colossaux des principaux organismes détenteurs de notre dette.
Un enjeu majeur donc, qui ne doit pas se retrouver noyé dans la rhétorique politicienne.
Question sérieuse, que les partis, œuvrant au débat présidentiel auront, espérons le, l’honnêteté de se saisir.
Simon Berliere