De l’identité Démocratique

par Yannick Comenge
mardi 2 février 2010

Le débat de l’identité nationale est un débat du passé. Notre société a manqué le vrai débat d’avenir, celui de l’Identité Démocratique.

Le constat. Le débat sur l’identité nationale a marqué les esprits en France. La République venait tempêter sur un sujet qu’on croyait enterré depuis la fin du XIX siècle qui avait émaillé sporadiquement autour des années sombres de l’entre deux guerre. On pensait qu’on ne pouvait plus utiliser décemment ce sujet pour enflammer les cotés sombres d’une citoyenneté souvent taraudée par des temps rétrogrades, frileux et disharmoniques. En effet un corps social moderne n’a pas besoin de gaspiller son énergie dans des débats d’arrière-garde. Avec ses rebonds sournois, l’identité nationale a amplifié d’autres péripéties qui se sont invités volontairement ou non sur la scène médiatique. On aura parlé de burqa et de minarets. Au même moment certains se seront félicités de l’excellente tenue des digressions « fluidifiées » dans les préfectures, autre symbole manqué de l’identité. Débattre dans les préfectures sachant que le français moyen considère ces lieux comme des sites de corvées et d’embrouilles administratives ou de sanctions douloureuses voire injustifiées. Débattre ensuite sur des sites gouvernementaux dont quelques impertinents ont démontré que les commentaires étaient systématiquement en adéquation avec les attentes d’un pouvoir obnubilé par une forme de « candeur officielle sur un sujet bien politicien à la base ». Fallait-il débattre ou non ? La question a été avancée par bon nombre d’historiens, de journalistes et penseurs connus ou à connaître. Que soit sous l’égide de l’appel de Médiapart (1), que ce soit sur l’interrogation concernant la problématique des papiers d’identité lancée par la Ligue des Droits de l’homme (2), la réponse est non. Cette question d’identité était inopportune. Il y eu ces « insolences citoyennes » proposant une journée de grève des sans papiers, ces invisibles cantonnés à des taches dures et harassantes… Ce même mouvement de fond ayant pris de l’ampleur propose un autre regard sur l’identité française qui emploie au jour le jour des hommes dans une irrégularité kafkaïenne. Jusqu’à cette anecdote concernant ces ouvriers sans papiers qui encore récemment officiaient à l’assemblée nationale…
 
Mais d’un seul jet, la conscience française a répondu avec raison qu’on ne pouvait pas présenter ce sujet, en prenant en compte le désastre républicain et les renvois fétides que certains politiques pouvaient insuffler à la sphère civile. Cet intellectualisme qui traversa notre société ira jusqu’à inaugurer un Ministère de la Décolonisation et des droits fondamentaux (3). Idée faisant échos à ce cinquantième anniversaire de la libération de moult pays africains. Idée faisant échos à une autre vision de l’identité de chacun. Idée aussi rappelant les nouvelles forme de colonisation : firmes transnationales cupides captant les ressources des pays, pouvoirs installés par les pays paternalistes, ensuite des courroies de transmission aux sombres destins comme celui de l’Union pour la Méditerranée ou l’on sait qu’en coulisse les grands du CAC40 sont allés se partager des territoires et des occupations futures. Donc, l’identité nationale vient se heurter non pas à l’homme africain qui n’est soit disant pas assez rentré dans l’histoire, ni à ce bon musulman qu’on rêve à droite sans casquette. Ce débat s’est heurté à l’irrésistible Histoire universelle et à la vie des idées. Elle a été laminé par un village afghan déboulonné à Calais et reconstruit finalement à Paris : avec les déboires qu’on connaît… les préfectures et l’Ofpra distribuant des demandes d’asile à des analphabètes parlant uniquement le pachtoun ou le dari incapables de connaître leur droit et donc reconduit par charter dans le futur…
 
Plus loin dans le débat, l’Europe s’est même émue de l’ampleur du désastre. Le pays des droits de l’homme avait à nouveau failli. On s’écharpait comme des marchands de tapis, épinglant ainsi des propos, devenus risibles sur le moment, d’un ministre parlant de racines auvergnates ou plus encore de palabres d’un ancien président sur l’origine ethnique incertaine d’un jeune sympathisant. Un débat très à droite et particulièrement trouble, renvoyant dos à dos des partisans libéraux aux coté de maniaques de la France « blanche ».
 
L’identité nationale a divisé les français et permis à un parti dominant de rassurer un électorat de plus en plus radicalisé face à un mouvement démographique de grande ampleur conduisant à une France laïque d’origine culturelle bigarrée, riche de sa diversité. L’identité nationale a donc choqué. Qu’en est-il vraiment au sein des partis de gauche sur ce sujet. Lamentablement on aura eu les premières réponses concernant la Marseillaise à fredonner en classe, le drapeau qu’on doit honorer comme chez l’oncle Sam sans conviction…
 
L’identité Démocratique. Une réponse à l’identité nationale aurait pourtant été simplissime. A l’identité nationale, passéiste, ringarde et décalée pour notre siècle, une réponse à l’avenir commun qui nous rassemble est l’identité démocratique. Avec deux résonances, européennes et nationales.
 
Parler d’identité démocratique française c’est mettre l’accent et diriger simplement un grand axe de réflexion permettant d’en finir avec les penseurs du XIXème siècle. L’identité démocratique est probablement la notion qui empêche les lignées de Maurras en herbe de pourrir un débat digne sur ce qu’est un citoyen français, un démocrate français et enfin un homme pris dans le mouvement européen. Parler d’identité démocratique c’est effectivement partir d’un creuset laïque ferme et considérer la question de la France comme celle d’un rassemblement républicain fort avec des objectifs communs. De ce débat qui n’a pas eu lieu, on aurait pu rebondir largement sur la couleur du drapeau, sur l’histoire passée, le devoir de mémoire face à la France qui a fauté, qui a sombré mais aussi la France qui s’est remise debout pour créer une Europe ou des idéaux fraternel.
 
L’identité démocratique est donc le jalon qui permet de figer un moment de débat et de fraterniser pour une cause au delà des simples désirs spirituels, religieux, pécuniaire. Rappelons les propos de Régis Debré dans son ouvrage sur les valeurs fraternelles. Une fraternité est soit « pour », soit « contre ». L’identité démocratique c’est le débat assumé d’un passé et un fort mouvement au-delà de celui de l’identité nationale. Il est une « fraternité pour » dans le sens de Debré.
On imagine donc la démonstration de cette construction démocratique. Une histoire d’influence. Grecs, Romains, Renaissance, enfin toutes les végétations d’idées qu’on peut retrouver dans un recueil de type « contre histoire de la philosophie » qui pourrait s’intituler Contre Histoire de la démocratie. Cette identité démocratique rejaillirait symboliquement avec Influences de Lumières, des idéaux Maçonniques… d’hommes libres avec Deleuze ou Foucault. Il y a dans cette identité démocratique ce premier homme de Camus et aussi ce silence de la Mer d’un Vercors. Il y a cet écho de Thomas Moore « utopisant » et clamant une « simple life » dans un sens serein. L’identité démocratique est donc le débat que notre société doit aborder pour se façonner dans sa diversité. Elle est le moyen de réunir, de fraterniser. C’est la modernité de notre époque pour construire la suivante. Il est dommage que notre élite puisse être passé à côté de cela. Mais j’y pense, une nouvelle s’y engouffre. Cette élite n’a pas forcément des diplômes bling-bling mais elle a un sens des valeurs humaines, fraternelles. C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui. L’identité démocratique est l’avancée intellectuelle de notre société.
 
(1) http://www.mediapart.fr/journal/france/021209/lappel-de-mediapart-nous-ne-debattrons-pas
(2) http://www.ldh-france.org/Vous-etes-Francais-Prouvez-le
(3) http://anticolonial.net/
 

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