De la Vistule* au vestibule

par C’est Nabum
mardi 6 janvier 2015

Une petite place pour le conteur ....

Requête pour un petit coin tranquille.

Monsieur Le Maire d'Orléans, j'ai l'honneur et le bonheur de solliciter de votre bienveillante clémence, mon petit coin de paradis pour honorer ma dame Liger lors du festival qui lui est consacré tous les deux ans en votre bonne ville. Bonimenteur de Loire, j'avoue ne pas trouver, jusqu'alors, ma place dans le grand Barnum que représente votre manifestation, au fleuve royal, dédiée.

Je ne puis vous reprocher l'immense succès qui récompense cette idée qui fut vôtre et qui restera à jamais votre héritage pour notre ville. Grâce à vous les gens d'Orléans se sont à nouveau tournés vers la rivière, ont effacé les angoisses passées et les craintes qu'on leur avait glissées à l'oreille. L'immense succès populaire des éditions précédentes, sans équivalent sur la Loire et les autres fleuves en Europe, atteste de la pertinence de votre initiative.

Cependant, si je viens ici quémander ma petite part de pierré, c'est que le raconteur d'histoires ne trouve pas oreilles à son écoute dans l'immense agitation qui embrase nos quais fin septembre lors des années impaires. Le conteur ne peut rivaliser avec l'animateur bavard et sa sonorisation surpuissante. Celui qu'on prétend parfois poète, ne peut se faire entendre dans l'immense foule qui se presse autour des marchands du temple.

Je peux comprendre que la foire commerciale batte son plein et attire plus le chaland que mes modestes Bonimenteries, que les animations tonitruantes satisfont bien plus la foule que mes récits intimes, oniriques ou historiques. Il y a des évidences contre lesquelles il est impossible de lutter. Je ne serai pas un Don Quichotte ligérien s'en prenant aux moulins à eau de notre Loire.

J'aimerais cependant qu'il existe un lieu paisible, un petit vestibule à mémoire, un endroit à l'écart du tumulte ambiant où les véritables passeurs de Loire puissent emporter dans leurs récits, les sincères amoureux de la rivière. Qu'il y ait en ce grand Festival, un humble espace de transmission de la passion, serait, à mon sens, un bienfait pour ceux qui veulent véritablement découvrir et non pas seulement se divertir.

Comprenez, monsieur l'édile, qu'il n'y a ni forfanterie ni moquerie dans cette envie de conter la Loire quand d'autres y feront grand tapage. La foule n'est pas encline à se taire pour des baladins de mon espèce, les rêveurs et les transmetteurs de savoir. Je ne suis d'ailleurs pas le seul souffleur de vent qui, présent sur le quai, ne parvient pas à se faire entendre. Il semble nécessaire de faire petite place pour la parole ligérienne dans le grand brouhaha d'une fête plus gourmande que savante.

C'est pourquoi, je ne doute pas que vous nous accorderez ce petit vestibule, ce modeste cagibi, pour exprimer notre passion pour les mots et les légendes fluviales. Les fées et les korrigans, les elfes et les lutins, les mages et les mariniers d'antan ne sauraient avoir leur place sur un podium ou bien une scène. Ils ont besoin d'intimité, de sérénité et de calme pour se laisser approcher par le cœur.

Je sais d'autres hurluberlus qui me relaieront dans cet espace sensible, dans ce lieu de parole et d'émotion. La transmission orale a ceci de particulier, qu'elle ne peut rivaliser avec les décibels du spectacle contemporain. C'est à vous que revient le privilège de déchirer le rideau d'indifférence, afin d'ouvrir ce petit coin des parleurs ; mariniers, chanteurs, poètes, historiens, conteurs et naturalistes vous en seront reconnaissants.

Et parmi la foule immense qui se presse, il se trouvera toujours des curieux et des gourmets, pour prendre le temps de s'offrir un détour en pays de parole. Le temps n'est peut-être plus aux veillées au coin du feu ; la magie de ces instants n'a pourtant pas disparu. Nous sommes quelques-uns qui voulons maintenir cette petite flamme ; offrez-nous cette belle opportunité ! Et si nous trouvions une place sur le lit même de notre passion commune, nous serions comblés au-delà du possible.

Si vous doutiez encore du sérieux de cette sollicitation qui a naturellement revêtu la seule forme que je connaisse vraiment, prenez donc la peine de venir écouter mes histoires. Je ne doute pas un seul instant, que, pour être échevin, vous n'en avez pas moins conservé votre âme d'enfant. Si vous vous laissez prendre aux mots enjôleurs du bonimenteur, alors accordez-lui ce qui fera son bonheur :ce petit coin tranquille lors de votre Grand Festival.

Ligériennement vôtre.

 

* La Pologne sera l'invité d'honneur du plus grand rassemblement européen de la marine fluviale qui aura lieu à Orléans du 23 au 27 septembre 2015. Nabum y aura-t-il enfin sa place ?


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