Débat, LEN, et CSA : pause café !

par Pascal Cohet
jeudi 5 avril 2007

Effervescence chez Agoravox : Carlo Revelli révèle un projet d’organisation de débat entre candidats sur internet. Les délais sont serrés, il va falloir faire vite. Mobilisation générale, tout le monde est sur le pont. Thierry Crouzet fait une première proposition d’organisation. Pour autant, il serait peut-être intéressant de marquer une courte pause, le temps d’étudier la situation avec un peu de recul...

Première remarque : quels participants ? Si l’on en croit cette vidéo de François Bayrou sur le blog de Quitterie Delmas, il s’agirait d’inviter "les quatre candidats".

Premier problème : si on compte bien, il en manque huit.

Deuxième remarque : toujours dans la même vidéo, François Bayrou indique : "Les règles du CSA font que si on invite les candidats à un débat, il faut qu’ils soient douze... et donc je dis dans ces cas-là il y a une solution très simple, organisons ce débat sur internet". Si l’on fait abstraction de la première remarque, il n’y a pas encore de deuxième problème.

Troisième remarque : Thierry Crouzet propose : "Les images du débat seront en open source, accessibles en direct et en différé".

Deuxième problème : là, on rentre sans doute dans l’illégalité.

Il est donc temps de revenir au projet de loi LEN qui "prévoyait initialement de définir la communication sur internet (la "communication publique en ligne") comme un sous-ensemble de la communication audiovisuelle, avec comme conséquence de placer l’ensemble du Net français sous tutelle du CSA et de le soumettre à son pouvoir de régulation..." comme le bilan du quinquennat publié par la Ligue Odebi le rappelle.

Cette menace de tutelle avait à l’époque provoqué une "cyber-révolte contre le CSA", face aux pressions, la position de défense adoptée fut : "Le CSA n’a qu’à s’occuper de ce qui le concerne par vocation, la radio et la TV, y compris, pourquoi pas sur le Net. Pas plus, pas moins."

Par la suite, la solution implémentée dans la loi a consisté à définir un "linteau" : la communication au public par voie électronique, s’appuyant sur et comprenant deux piliers : la “communication audiovisuelle” (radio et télévision quel que soit le support de diffusion), et la “communication au public en ligne” (partie publique de l’internet).

La LCEN dit aujourd’hui :

"On entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique."

"Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d’une suite ordonnée d’émissions comportant des images et des sons.

"Est considéré comme service de radio tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d’une suite ordonnée d’émissions comportant des sons."

III. - Après l’article 3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :

"Art. 3-1. - Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité indépendante, garantit l’exercice de la liberté de communication audiovisuelle en matière de radio et de télévision par tout procédé de communication électronique, dans les conditions définies par la présente loi.

"Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radio et de la télévision ; il veille à favoriser la libre concurrence et l’établissement de relations non discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services ; il veille à la qualité et à la diversité des programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ainsi qu’à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises. Il peut formuler des propositions sur l’amélioration de la qualité des programmes."

Donc, Net ou pas Net, là n’est pas la question : est de la télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public. Et donc à première vue la solution proposée : "Les images du débat seront en open source, accessibles en direct et en différé" ne passe pas, en tous cas pas le direct.

Soit tous les candidats et les débats peuvent être streamés en temps réel, soit c’est du podcast a posteriori. La question a été posée très récemment à Dominique Baudis lors du colloque convergence numérique/convergence juridique au ministère de la Communication. Sa réponse a été claire : pendant la campagne présidentielle, sur internet, le CSA s’occupera uniquement de ce qui est défini comme de la radio ou de la télévision.

Voilà donc la solution au deuxième problème généré par la deuxième et la troisième remarque. Continuons à creuser :

Quatrième remarque : depuis le début de la campagne, les candidats utilisent internet. Et les médias en parlent. Mais ni les uns ni les autres ne parlent comme il se devrait d’Internet. A ce jour, seul le PCF a exprimé spontanément un programme clair et complet en matière de logiciel libre et de libertés numériques, qui démontre objectivement une sérieuse maîtrise du sujet.

Troisième problème : on verrait assez mal qu’un débat sur internet ne soit pas l’occasion pour les candidats de répondre aux questions posées sur le logiciel libre et sur les libertés numériques, et encore moins que le premier parti à avoir publié une position sur le sujet y soit mis de côté.


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