Devoir de compétence

par C’est Nabum
mercredi 5 octobre 2016

Le fossé se creuse.

Alors que de récentes études évoquent le calamiteux bilan de l’éducation prioritaire qui n’a jamais permis de gommer les inégalités de la naissance, du niveau social, des conditions de vie, j’ai eu à aider un jeune garçon qui commence sa troisième après avoir terminé la classe précédente avec les félicitations du conseil de classe dans un collège rural très tranquille.

 On peut légitimement penser que cet élève n’est pas en difficulté scolaire, qu’il dispose de conditions acceptables pour effectuer sa scolarité, qu’il trouve chez lui un appui satisfaisant pour être accompagné et aidé. C’est fort heureusement le cas de beaucoup d’enfants. Pourtant, ce jour-là, notre jeune ami avait un exercice à faire à la maison qui le mettait en échec. Sa mère, après avoir lu l’énoncé, se trouva elle aussi dépourvue devant la demande professorale.

Contrairement aux idées reçues, les élèves n’aiment guère rendre copie blanche. Chacun s’applique à satisfaire aux obligations qui émanent de l’école. Les devoirs sont à ce titre une préoccupation souvent quotidienne pour beaucoup de familles et d’enfants dans ce pays. Il serait légitime de s’interroger sur le bien fondé de cette surcharge de travail pour les parents après une journée de labeur si l’interrogation ne portait pas alors sur l’iniquité de cette pratique.

Cet exercice était manifestement inaccessible à une famille ordinaire. Il fallait utiliser des concepts complexes, manier les fractions comme objets mathématiques autonomes intégrant la proportionnalité au sein de chaque partie : je constate que vous perdez pied ! De plus, ce merveilleux exercice usait d’un vocabulaire spécifique à la mer, inconnu par beaucoup de terriens. Voilà un parfait exemple des travers de l’Éducation Nationale.

On fit appel à mes lumières. Le vieil instituteur fut fort heureusement capable de résoudre le problème mais se montra en difficulté pour expliquer non pas le résultat, mais la procédure de résolution et surtout les préceptes mathématiques qui avaient permis d’atteindre celui-ci. Je voyais le garçon acquiescer pour me faire plaisir sans vraiment comprendre. J’enrageai de la vacuité d’un tel devoir, si seuls des parents, encore baignés dans l’univers mathématique, peuvent trouver la réponse !

Notre école se plaît à confier à la famille la meilleure part du travail. Ce sont les parents ou les aidants qui se coltinent les apprentissages, les recherches, les exercices véritablement difficiles. C’est la meilleure manière de mettre sur la touche une grande partie de la cohorte scolaire. L’école ne faisant alors que renforcer les inégalités. Les professeurs, souvent issus des couches sociales favorisées, reproduisant ce qu’ils ont connu.

On peut s’indigner ! On peut encore interdire les devoirs à la maison ou les encadrer comme c’est souvent le cas dans les réformes : comme jamais les règles ne sont respectées, autant pisser dans un violon. Il ne faut jamais changer radicalement de point de vue, cesser de regrouper les élèves par classes sociales, cesser de confier aux familles le travail qui n’est pas fait à l’école ; il est absolument nécessaire d' organiser la journée de l’élève autrement et de mettre les enseignants devant leurs responsabilités dans le désastre actuel.

Autant dire que rien ne se fera. Le mammouth va s’ébrouer, donner quelques coups de défenses corporatistes et piétiner les principes républicains. L’égalité des chances est une illusion dans cette belle maison. C’est, pire que tout : une idée totalement étrangère au corps enseignant. J’en sais quelque chose : j’ai vécu à la marge de ce système et je l’ai bien observé de ma place de relégation.

L’école a un devoir de justice sociale et de tels exercices bafouent la mission de notre grande maison. Ce travail à la maison n’émanait pas des nouveaux programmes : il était clairement de la seule responsabilité d’un professeur qui pensait bien faire et qui ne faisait là que creuser le fossé éducatif. J’espère qu’il aura écho de ce coup de gueule pour changer son fusil d’épaule. Je doute pourtant qu’il y ait quelque chose à faire : la pression des familles existe elle aussi pour que les écarts sociaux et culturels se pérennisent.

Fractionnellement sien.

L’énoncé : le marnage désigne la différence de hauteur entre la basse mer et la pleine mer qui suit. On considère qu’à partir du moment où la mer est basse, elle monte de 1/12 du marnage pendant la 1° heure,, de 2/12 lors de la seconde, de 3/12 pendant la troisième et la quatrième heure, de 2/12 pendant la cinquième et de 1/12 lors de la dernière heure. Au cours de ces heures, la mer est supposée régulière.

À quel moment la montée de la mer atteint-elle le quart du marnage ?

À quel moment la montée de la mer atteint-elle le tiers du marnage ?

 


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