Dimanche, vous ne voterez pas

par Michel DROUET
lundi 22 septembre 2014

Vous ne voterez pas parce que vous n’êtes pas conviés à la petite sauterie entre amis pour les élections sénatoriales. Cela se passera dans les Préfectures et seuls sont autorisés à voter pour le renouvellement partiel du Sénat les « Grands Electeurs », à savoir des Conseillers Municipaux (en fonction de la taille de la commune), des Conseillers Généraux et Régionaux et les députés de chaque département concerné.

A quoi sert le Sénat ?

Il participe à l’équilibre des pouvoirs et joue selon les dires de sénateurs un rôle de modérateur face à « l’emportement » manifesté parfois par les députés lors de l’élaboration de la loi à laquelle il participe également, c'est-à-dire qu’il a tendance à fortement modérer par ses amendements les textes votés à l’Assemblée Nationale. Autrement dit, le Sénat, joue souvent la carte du conservatisme et de la France éternelle à peu de frais puisque c’est l’Assemble Nationale qui détient le dernier mot en matière de vote de la loi.

Les Sénateurs travaillent également à l’élaboration de rapports qui s’empilent dans les armoires et qui ont peu de chance de voir leurs préconisations mises en œuvre et la meilleure preuve que tout se passe entre amis, c’est que ces rapports peuvent être élaborés conjointement par des sénateurs de différentes sensibilités politiques : autant dire qu’il y a peu de chance que ces rapports soient révolutionnaires et soient suivis d’effets, mais on passe le temps comme on peu.

Comment devient-on Sénateur ?

Pas étonnant donc que cette docte assemblée soit le refuge des recalés du suffrage universel direct, d’anciens ministres qui viennent améliorer leur retraite et de Maires ou de Conseillers Généraux en fin d’activité : une rente pépère, une rémunération enviable, des avantages en nature, un régime de retraite privilégié, le droit d’être absent et aucune obligation de résultat.

Mais ne vous y méprenez pas, être élu sénateur demande un harassant travail de terrain (une fois tous les 6 ans, il ne faut pas pousser tout de même…) qui consiste à aller voir les grands électeurs du Départements et à les convaincre de voter pour la bonne liste.

Une fois élu, c’est le jackpot puisqu’il ne vous restera plus qu’à arroser vos grands électeurs avec la réserve parlementaire pour entretenir la flamme et être réélu pour un second mandat, et à assister aux inaugurations et vins d’honneurs qui font le charme de nos campagnes à moins que, funeste destin, vous soyez rappelé à Dieu en cours de route compte tenu de votre grand âge.

Le Sénat est le représentant des collectivités territoriales

C’est écrit dans la constitution. Concrètement, tout projet de loi visant à diminuer le nombre de ces collectivités ou à les réformer a peu de chance d’être examiné avec bienveillance au Sénat. Les Sénateurs « enrichiront » donc le texte, c'est-à-dire qu’ils le videront de son sens jusqu’à le rendre inopérant. Au passage, ils n’oublieront pas de préserver les intérêts particuliers des élus qui sont rarement ceux des citoyens.

C’est ce qui vient de se passer avec le vote de la loi sur le nombre des Régions diminué par deux et dont les sénateurs ont maintenu le nombre global des Conseillers Régionaux ce qui nous donnera des assemblées régionales pléthoriques et les coûts de fonctionnement qui vont avec (indemnités, frais de déplacements, collaborateurs de cabinets et de groupes et constructions de nouvelles salles pour accueillir tout ce beau monde). Encore merci pour les économies !

A cette occasion, nous avons pu voir se constituer de saintes alliances entre communistes, radicaux de gauche et UMP pour voter en cœur les amendements nécessaires en rejetant les propositions gouvernementales : les loups ne se mangent pas entre eux et tiennent à continuer à régner sur leurs territoires en maintenant le petit peuple des élus locaux sous tutelle et aux frais des contribuables.

Le Sénat ne sert pas à grand-chose, en définitive.

Sinon à dépenser le budget de 347 Millions d’euros qui lui est alloué et dont l’utilisation n’est pas un exemple de transparence. Dernier évènement en date, le groupe UMP se faisait reverser les crédits non consommés pour la rémunération des collaborateurs des sénateurs pour arroser de manière tout à fait opaque des élus du parti.

Par ailleurs lorsqu’on constate que le Sénat a repoussé nombre de lois importantes proposées par le Gouvernement, qui ont pu être finalement être votées par les députés, on se dit qu’on perd un temps précieux qui serait utile au redressement du Pays en conservant ce système de double chambre avec un Sénat qui freine des quatre fers à chaque réforme.

Pas étonnant donc, que les Français (à 65 %) ne se sentent pas concernés par les élections sénatoriales.

Dimanche, tout change, mais rien ne change…

Il parait que la gauche va perdre la majorité au Sénat : la belle affaire ! Ce ne sera pas la révolution pour autant et les choses continueront à aller à leur train de sénateur avec toujours les alliances de circonstances pour préserver l’intérêt des sénateurs avant ceux des citoyens.

Un conseil, donc, vous pouvez aller tranquillement vous promener ou aller à la pêche et prendre un bon bouquin le soir au lieu de regarder les résultats à la télé. Cela vous évitera de revoir les mêmes momies qui commentent la vie politique française à chaque élection.


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