Du devoir de sauver le concours

par lecurieux
jeudi 15 novembre 2007

« Mon enfant, un jour tu deviendras fonctionnaire ! » : cette phrase n’est pas passée de mode, mais n’aurait-elle pas déjà perdu toute sa substantifique moelle ?

Tout le monde l’a lu ou entendu, des sondages ont été réalisés en ce sens : une majorité de parents souhaitent que leurs enfants ne connaissent pas le chômage et pour éviter cela, une seule solution, devenir « fonctionnaire ».

Etre fonctionnaire pour assurer la sécurité et la stabilité de sa vie professionnelle. Vaste programme quand on pense à nos aïeux, autrefois ouvriers, agriculteurs ou commerçants, qui voyaient avec fierté leur fils devenir fonctionnaire. Le sens de l’Etat, le sens du service public, le sens des valeurs républicaines comme l’égalité.

Car l’égalité, c’est l’Etat français qui la leur a donnée par le biais du concours. Ce fameux concours, que le président de la République veut remettre en cause, en laissant le choix aux futurs nouveaux fonctionnaires entre le statut et le contrat à durée indéterminée.

Il ne s’agit pas de polémiquer sur une réduction du nombre de fonctionnaires ou de défendre un statut plutôt qu’un autre. Beaucoup de personnes, d’organisations sociales et syndicales, le font déjà avec plus ou moins de brio.

Non, dans cette histoire, la vraie question se situe dans les valeurs que représente notre Etat, la France. Car ne l’oublions pas, nos valeurs républicaines ont été faites par des révolutionnaires voulant en finir avec un Ancien Régime de la noblesse parvenue.

Au-delà de la reconnaissance des droits et des libertés individuelles, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pose les bases et les fondations d’un Etat français fondé sur la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. Trois mots utilisés par tous et toutes mais dont l’utilisation ne doit pas laisser indifférent.

Le fonctionnaire est donc recruté, au sein d’un corps ou d’un cadre d’emplois, par le biais d’un concours. Le principe du concours, qui permet d’assurer l’égalité d’accès aux emplois publics en application de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est la principale voie d’accès à la fonction publique.

Nos gouvernants, fraîchement élus, auraient-ils oublié que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen fait partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité ? Ou bien la rupture tranquille a-t-elle pour fondement idéologique le contrat à durée indéterminée du salarié de l’Etat.

Arrêtons d’opposer de manière systématique le fonctionnaire se protégeant tranquillement derrière son statut et le salarié du privé victime du tout puissant Code du Travail. Car tous deux ont la même marque de fabrique : « l’ Etat ».

Si les fonctionnaires ont obtenu un statut particulier, ce n’est pas pour obtenir plus d’avantages que les autres salariés. Bien sûr, autant dès le départ rester objectif et convenir que beaucoup ont su en profiter et qu’il est temps de mettre tout le monde sur un pied d’égalité.

Mais il ne faudrait pas oublier que la dualité des régimes public-privé repose avant tout sur la conception selon laquelle le service public s’appuie sur l’indépendance et la neutralité de celui qui l’exerce. Et l’indépendance et la neutralité du service public s’acquièrent par la faculté de l’Etat à permettre à toutes les personnes qui désirent travailler pour lui d’y parvenir. Et pour cela, il n’existe pas maintes et maintes solutions : le concours.

Le concours, outil d’un service public neutre, indépendant, égalitaire, mais aussi ascenseur social pour qui veut bien se donner les moyens d’y parvenir. Bien sûr, cet outil est loin d’être parfait et pourrait être adapté, réformé, modernisé, toutes les idées constructives étant bonnes à prendre.

Mais permettre au contrat à durée indéterminée de faire son entrée dans la Fonction publique revient à remettre en cause tous ces principes qui font la grandeur de la conception française d’un Etat démocratique.

La naïveté n’a pas sa place dans cette affaire et les citoyens français doivent rester conscients des conséquences du contrat à durée indéterminée dans le service public : clientélisme, favoritisme, inégalité et disparition de la neutralité du service public.

Est-ce bien cela que nous voulons pour notre pays, notre service public ?


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