En marche vers une abstention record ?

par Michel DROUET
mercredi 15 décembre 2021

La pré-campagne présidentielle bat son plein, mais il est un sujet dont on parle peu, celui de l’abstention. Peut-on raisonnablement penser que ce scrutin sera épargné par ce phénomène alors même que ni le corps politique aux pouvoirs restreints par son asservissement à la doxa économique, ni son organisation, ne semblent être à la hauteur des attentes ?

La primaire des sondeurs

En ce moment on fait croire au bon peuple qu’il existe un débat en brodant et débattant à longueur de chaines d’info et en exagérant la portée de « primaires » qui réunissent au plus quelques dizaines de milliers de participants déjà acquis à une cause. Chaque nouvelle primaire apporte son nouveau champion qui, c’est certain, va bénéficier d’un bond dans les sondages, en attendant le prochain... Les primaires sont comme les sondages, elles ne concernent qu’un faible échantillon même pas représentatif du corps électoral, d’où les gueules de bois prévisibles à la lecture définitive des résultats et surtout du taux d’abstention.

Des politiques qui vivent en vases clos

Les partis sont désormais atomisés en mouvements aux frontières idéologiques incertaines ou micros partis aux noms fumeux, prompts à se saisir de sujets dans l’air du temps, en évitant de parler du fond. Chacun revendique et clame haut et fort sa singularité pour pouvoir « peser dans le débat » selon la formule consacrée. Quant aux promesses électorales, on en connait désormais la valeur, surtout quand leur avenir est gagé sur de vagues promesses d’économies ou d’impôt supprimés ou créés, c’est selon.

Dans ces conditions, considérer les électeurs en faisant le pari de l’intelligence est illusoire. Pour les présidentielles, on cherche surtout à les débaucher par la radicalité du propos, voire en tordant le cou à l’histoire, pas en essayant de les convaincre avec un projet cohérent susceptible de changer les choses. On parle aussi de « maison commune » ou de « rassemblement » en mettant de côté les divergences qui ne manqueront pas de voir le jour une fois les élections passées.

Du national au local, la même entourloupe

Localement, c’est le même phénomène, avec en plus une organisation territoriale du pays qui saupoudre les responsabilités dans une myriade d’organisations aux pouvoirs limités (le fameux mille-feuille) qui « communiquent » beaucoup, mais pas toujours entre elles, et alourdissent les processus de décision, quand elles ne les bloquent pas par des oppositions politiques stériles. C’est le fameux « temps long » qui aboutit souvent à des surcoûts, comme vient de le dénoncer la Cour des Comptes.

Il n’existe plus ni gauche, ni droite, ni centre, seulement des produits tête de gondole qui se disputent un marché électoral juteux. Il est de bon ton désormais de se revendiquer écolo et d’utiliser de l’encre verte pour les professions de foi pour racoler quelques voix. Jamais le fossé n’a été aussi grand entre les clabaudeurs de la politique et le corps électoral, en panne de récit national.

Les invités au festin

Tout cela favorise le microcosme qui gravite autour des élus. Entre assistants parlementaires réels ou fictifs, chef de cabinets et adjoints, chargés de mission, responsables de communication ou secrétariats de groupes dans les différentes assemblées nationales ou locales, à tel point qu’il semble difficile d’en mesurer le nombre ainsi que la masse salariale versée, sans compter les avantages en nature et les marchés de communication pour publier les revues à la gloire des « grands hommes ». Il serait injuste de ne pas parler du secteur économique en général qui profite de ce système éparpillé. A tous les niveaux ce sont vos impôts qui payent cette gabegie : pourquoi se gêner ?

Parlons d’autre chose…

Tout ce beau monde ne représente qu’un groupement d’intérêt électoral visant à préserver son statut, son poste ou ses bénéfices et n’a qu’une idée en tête, préserver ses intérêts propres, pas forcément s’occuper du petit peuple.

Reprenons trois sujets, parmi d’autres, que sont la mobilité, le logement et le travail, et posons-nous la question de savoir si la pauvreté du débat, les petites phrases, les empoignades qui font le bonheur de médias, les segmentations électorales et l’émiettement territorial, sont à même de déboucher sur de véritables avancées dans ces domaines majeurs…

A force de créer des écrans de fumée, d’imputer la faute à l’autre, l’opposant politique, l’immigré, le chômeur ou le fonctionnaire qui coûtent cher à la société, de promettre tout et n’importe quoi, on en viendrait presque à oublier les questions essentielles. 


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