Enfin la démocratie ?
par Paul ORIOL
jeudi 1er décembre 2011
La démocratie représentative n'a jamais été à la hauteur de ses ambitions. Il n'est qu'à voir la place des femmes (autour de 20% à l'Assemblée nationale et au Sénat et l'absence quasi totale d'élus issus de la « diversité » ethnique » ou sociale. Le fait que, pour la première fois sous la Cinquième République, le Sénat a connu, cette année, un changement de majorité est une manifestation évidente de cette insuffisance démocratique.
Les institutions européennes ayant été mises en place par des pouvoirs nationaux qui ont défiguré depuis longtemps la démocratie, il ne fallait pas s'attendre à un résultat enthousiasmant. Mais les apparences étaient maintenues : les institutions européennes et les politiques européennes étaient le fruit de l'entente de gouvernements mis en place suivant des règles qui conservaient les apparences démocratiques minimales.
Quand, par inadvertance, ils ont consulté leur peuple, ils ont connu quelques déboires mais là encore les techniques juridiques « démocratiques » sont infinies et infiniment souples : là, on a fait revoter jusqu'à obtenir le résultat attendu, ici on prend une technique tout aussi « démocratique » en consultant les élus en sachant qu'ils adopteraient ce que le peuple avait directement refusé.
Les gouvernements, depuis des dizaines d'années, conduisent la même politique, la fameuse Tina (There is not alternative) de Margaret Thatcher qui produit certes des richesses mais qui sont réparties de telle façon qu'il y a, dans les pays riches, chaque jour plus de riches et aussi plus de pauvres. Et quand cette politique débouche sur la crise, ceux qui en sont responsables se chargent de la résoudre, toujours avec « Tina » et avec le soutien de tous les « compétents » et des médias !
Il faut sauver les richesses accumulées par les riches et continuer la politique qui a mené à la crise. Et si les peuples ne sont pas d'accord que peuvent-ils faire ? Remplacer un gouvernement Tina de gauche par un gouvernement Tina de droite, comme au Portugal ou en Espagne ? Ou quand politiques de droite (Berlusconi) ou de gauche (Papandréou) s'avèrent incapables de faire avaler la pilule sans casse, faire appel à un « compétent au dessus de tout soupçon ». Qui bien entendu va faire la politique demandé par les « guides » de l'Union européenne « merkozy » qui suivent les « marchés » et les agences de notation, responsables devant personne.
Quelle sanction a frappé les agences de notation qui, dans une belle unanimité dans l'erreur, n'ont rien prévue de la crise ? Quelle sanction a frappé les banques qui ont conseillé les gouvernements, y compris, dans le maquillage de leurs comptes ? Crise ou non, elles continuent de faire de substantiels bénéfices. De rémunérer légèrement au dessus du salaire minimum, leurs experts. Et de préconiser Tina !
Mais s'en prendre aux « technocrates » n'est pas suffisant. Car l'échec de Papandréou en Grèce, de Berlusconi en Italie, aurait du conduire l'opposition, de droite dans un cas, de gauche dans l'autre, à revendiquer des élections. Elle s'en est bien gardée. Elle a le même projet politique. Que le « compétent » fasse le travail. Elles pourront ensuite rejouer Guignol.
En France, nous avons de la chance d'avoir un président énergique. Qui devait aller chercher la croissance « avec ses dents ». Qui devait être le président du pouvoir d'achat. Qui... Qui, fort de ses succès nationaux, se permet d'intervenir en Italie ou en Grèce.
L'échéance approche. La campagne électorale donnera-t-elle au delà des Tina, de gauche, du centre ou de droite, un vrai choix aux électeurs ? En cas d'échec des politiques, il restera encore la possibilité d'avoir recours à un de nos « compétents ». L'ancien directeur du FMI n'est plus audible que pour des bagatelles. Reste l'ancien président de la Banque centrale européenne ou le toujours socialiste et toujours directeur de l'OMC ou pourquoi pas rappeler l'ancienne ministre que nous avons généreusement prêtée au FMI...
À moins que les peuples de France, d'Europe et d'ailleurs n'échappent au conditionnement et à la résignation... Encore faut-il ne pas se tromper dans l'indignation.
Car à défaut d'avoir les dents assez solides pour la croissance, l'haleine du président est dangereuse. Il n'y a qu'une politique possible, il l'a appliquée avec le dévouement qu'on attendait de lui et elle a échoué. Car elle ne marche nulle part, ni dans la zone euro, ni au Royaume-Uni qui n'est pas dans l'eurogroup, ni aux États-Unis, il ne reste plus qu'à chercher des coupables. Si ce ne sont pas les riches...
Alors on essaye de dresser les pauvres contre les plus pauvres. Ici et ailleurs. Le politiques de régression sociale sont de plus en plus dure. Et chaque État s'appuie et s'aligne sur ce que fait le voisin, toujours dans le même sens.
Malgré le bourrage de crâne contre les fraudeurs (les pauvres évidemment, les autres sont bien protégés), contre les étrangers (les pauvres bien sûr, pas ceux qui placent leurs dollars dans l'immobilier)... Cette tentative de transfert de responsabilité semble échouer pour l'instant. Elle reste néanmoins très dangereuse.
Ce détournement de la démocratie est de plus en plus largement ressenti et la revendication d'une démocratie réelle, ici et maintenant, s'étend un peu partout. Avec des révoltes contre les politiques suivies en France (sur les retraites), en Grèce, au Portugal, en Italie, au Royaume-Uni sans perspective de débouché politique. Ou des mouvements beaucoup moins classiques qui ont pris acte de cette absence de débouché comme en Espagne ou aux États-Unis sous des gouvernements de « gauche » : « Democracia, Real YA » à « Occupy Wall-Sreet ».
Ces mouvements sauront-ils trouver le chemin pacifique qu'ils cherchent vers une société démocratique plus juste ?