Est-ce la fin du service public ?

par olivier cabanel
vendredi 2 mars 2018

Depuis son élection, Macron 1er semble avoir décidé que toute entreprise publique se doit être rentable, à l’instar des entreprises privées, concept amorcé par ses prédécesseurs, faisant fi de l’idéologie qui a mené nos anciens à exclure la rentabilité ce que nous appelons, encore aujourd’hui, le service public... mais pour combien de temps ?

Ainsi, les hôpitaux se sont vus imposer un concept étrange, ils doivent être rentables...mettant en place des règles surprenantes, celles de ne garder un patient qu’un minimum de temps, celles de supprimer des postes au nom de la rentabilité...

Les couloirs de ces hôpitaux sont encombrés de malades, couchés sur leurs lits, attendant patiemment que leur tour vienne...

Idem pour la Sécurité Sociale, elle rembourse de moins en moins bien, poussant le citoyen lambda à se munir d’une assurance privée...et le message est bien passé, puisque la quasi-totalité de la population s’en est pourvue d’une, d’autant que la Sécu se trouve petit à petit désengagée de sa mission initiale...

La Poste est, elle aussi, passée sous les fourches caudines, et quitte à créer des stress, des burn-out, des dépressions, voire des suicides, se met à surveiller le personnel, prête à le punir s’il est trop lent... mais propose « en même temps » une aide (payante bien sûr) afin d’assister une personne en difficulté...

C’est aujourd’hui la SNCF qui est dans le viseur du chef de l’état, lequel pointe du doigt le déficit financier de l’entreprise publique, et décide qu’elle doit être rentable, afin de faire face à la concurrence décidée par l’Europe.

D’autres domaines publics sont menacés... la police, qui se verrait adjoindre des aides de réservistes, de pompiers, voire d’étudiants stagiaires, qui, lors du service militaire, devenu bientôt obligatoire, se devraient de mettre la main à la pâte.

Et ne parlons pas des prisons qui pourraient bien être demain privatisées...

Cerise sur le gâteau, Macron s’en est pris récemment à un autre service public, l’audio-visuel, affirmant qu’il était « la honte de la république »...alors que Radio France en général est plutôt bien notée...lien

S’agirait-il de mettre en coupe réglée un audiovisuel qui est fier d’une certaine indépendance, et de franc parler ?

L’édito de Serge Halimi, dans les colonnes du « Monde Diplomatique » ne dit pas autre chose. lien

Voyons ça dans le détail...

Si l’on commence par la Sécurité Sociale, il est probable que son déficit chronique soit prémédité, et depuis pas mal de temps...

Les  8 milliards d’euros de taxes liés au tabac ne sont pas reversés à l’institution sociale, pas plus que les 3,5 milliards prélevés sur l’alcool, ou qu’une partie non négligeable des primes d’assurance automobile, 1,6 milliards en l’occurrence...

Ajoutons-y pour la bonne bouche les 4 milliards d’euros qu’elle devrait percevoir soit pour les retards de paiements destinés aux contrats aidés... et on arrive à dépasser la coquette somme de 20 milliards. lien

Certains contestent ces infos, mais quoi qu’il en soit, la Sécurité Sociale a-t-elle mission d’être rentable ?

Prenons La Poste... s’il est vrai qu’il y a un déficit évident en ce qui concerne le courrier, depuis que le net, et sa farandole de mails, a permis une autre forme de communication... il n’en reste pas moins que l’expédition de colis progresse...et pourtant La Poste change de visage, elle devient une banque... elle adopte une stratégie basée sur le profit maximum, la performance, bien loin de l’idée de départ qui était tout simplement de « rendre service »...

Pour la SNCF, c’est la même logique : l’état a misé sur les lignes à très grande vitesse, obligeant la SNCF à y participer, même s’ils elles ne sont pas toujours rentables, diminuant d’autant les moyens financiers qui permettraient d’améliorer les voies historiques...et tant pis si des enfants trouvent la mort lors d’un passage à niveau défectueux...

La stratégie gouvernementale semble inspirée par le vieil adage : « si tu veux te débarrasser de ton chien, accuse-le de la rage »...et comme l’écrit Aurélie Filippetti, dans les colonnes de «  Challenges », Macron semble avoir décidé de déclarer la guerre à la SNCF.

Extrait : « alors qu’on commence à peine à voir les effets désastreux de la hausse de la CSG sur le pouvoir d’achat (...) alors que les conséquences sociales des ordonnances travail commencent à produire leurs catastrophiques plans de licenciements collectifs, pendant que l’hôpital exsangue appelle au secours, on attaque donc la SNCF, cette forteresse du service public. Que lui reproche-t-on au juste ? Une dette dite colossale, un statut des cheminots présentés comme ultra privilégié, et un impératif européen (...) la dette n’est que le résultat des choix absurdes imposés par les gouvernements à la SNCF du tout TGV... » lien

Pourtant, il n’y a guère de lignes TGV vraiment rentables, à part celle qui va de Paris à Marseille...lien

Pour la petite histoire, la SNCF se trouve mandatée pour réaliser un Lyon-Turin, jugé par la grande majorité des experts non rentable, et qui coutera au bas mot 30 milliards d’euros...et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...

Après avoir, suite au rapport Spinetta, menacé de « supprimer les petites lignes », le gouvernement a finalement reculé, donnant aux régions la responsabilité de maintenir, ou pas, ces lignes... lien

Comme les Régions ont vu leurs moyens diminuer drastiquement, tout comme les Conseils Généraux, ce sont elles qui finalement seraient poussées à prendre la décision.

Finalement depuis un certain nombre d’années, nos dirigeants semblent mener la même stratégie, consistant à affaiblir le service public, poussant le consommateur à choisir d’autres solutions, pour finalement arriver un jour à sa disparition complète.

Pourtant il serait bon de se souvenir comment ce service public a été créé et dans quel contexte.

Si l’on prend l’exemple de la sécu, elle a été entièrement bâtie dans un pays ruiné grâce à la seule volonté militante.

Il faut donner la parole à Michel Etievent, cet historien militant pour découvrir l’histoire de la création de la Sécu.

Tout commence en 1938, alors que la France compte 7 millions de salariés, donc 5 millions n’ont aucune couverture sociale.

Les 2 millions de « privilégiés » n’ont que de vagues mutuelles qui s’effondrent à la première grippe, quant aux autres, pour la majorité, ils ne se soignent pas, et en cas de maladie grave, ils attendent le pire...

Ces 5 millions n’ont pas non plus de retraite, et la seule retraite qu’ils auront, elle se trouve dans un cimetière.

Pour la petite histoire, aujourd’hui l’âge de la retraite a augmenté de 1 an et 4 mois depuis 2010... alors qu’une saine logique serait plutôt de le diminuer, histoire d’offrir du travail à ceux qui arrivent sur le marché... lien

C’est juste après la guerre qu’un groupe de 18 jeunes résistants créent le CNR, (Conseil National de la Résistance) à la tête duquel on trouvait Jean Moulin, décide d’en finir avec cette insécurité du lendemain, avec comme concept « cotiser selon ses moyens, et recevoir selon ses besoins »...il s’agit bien d’un acte de solidarité, de fraternité, l’un des symboles de notre République.

Et c’est le 4 octobre 1945 que nait la fameuse ordonnance qui institue le Sécurité Sociale...

A cette époque, le taux de mortalité infantile est de 100 pour 1000... 9 ans après l’instauration de la Sécu il passe à 30 pour 1000, et depuis 1915, le français a gagné 30 ans d’espérance de vie.

A sa création, Ambroise Croisat, ce fils d’ouvrier savoyard, avait eu des mots forts : « désormais, nous mettrons fin à l’insécurité du lendemain, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin, nous ferons de la retraite, non pas l’antichambre de la mort, mais une étape de la vie et nous ferons de la vie autre chose qu’une charge et un calvaire ».

Croizat, dès 1906, sera à l’origine d’une grève, portée déjà par des revendications pour la protection sociale.

Plus tard, après de nombreuses péripéties, ce communiste sera déporté au bagne d’Alger, puis libéré en 1943, rejoignant alors le général de Gaulle, dont le gouvernement provisoire est à Alger...lequel le nommera président de la Commission Travail, laquelle posera les bases du programme social du CNR. lien

Il est au centre de l’image.

C’est toutes ces institutions sociales que Macron semble décidé à déconstruire, à coup d’ordonnance et de passage en force, assurant que tout ça sera précédé par « des concertations »...

Mais qui peut le croire ?

Pour l’instant, le mouvement syndical est encore désuni, ou du moins semble avoir du mal à décider d’une action commune... les français semblent ne plus avoir la force de descendre dans la rue...

Mais qui peut prévoir l’avenir alors que nous allons vivre l’anniversaire de mai 68 ?

Comme dit mon vieil ami africain : « ce sont les trous creusés par les rats qui font tomber le cheval  ». 

L’image illustrant l’article vient de citoyenveilleur.canalblog

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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