Et alors ?

par C’est Nabum
mardi 4 avril 2017

La parole est d’Or.

L’indécence c’est de l’argent …

Et alors ? Je fais ce que je veux et je n’ai de compte à rendre à personne, surtout pas à ma conscience qui aime à se cacher sous mes habits de jocrisse. Qui êtes-vous pour réclamer de moi un comportement exemplaire ? Je ne suis que le rejeton d’un système pervers qui fait de nous des monstres corrompus, des quémandeurs incessants, des mendiants majestueux. Tout est bon pour obtenir cadeaux et services, avantages et ristournes, prestations indues et salaires mirifiques. Notre monde n’est pas le vôtre : nous côtoyons les vrais grands de ce monde et il nous appartient de vivre sur le même pied qu’eux.

Et alors ? La morale n’a que faire dans ce jeu de dupes, cette course à l'échalote où les uns autant que les autres, nous leurrons, nous mentons, nous trompons, nous trichons, nous détournons joyeusement missions et rétributions pour notre seul plaisir. Vous devriez le savoir et ne pas jouer les vierges effarouchées. Pour en arriver là nous avons poussé sur le bas-côté nos petits camarades, poignardé dans le dos quelques vieux amis de trente ans, renié bien des convictions et vous voudriez que nous soyons des modèles de vertu ? Quelle blague !

Et alors ? Vous saviez pourtant que je suis le vainqueur des primaires. Que, dans ce combat à mort que j’ai mené dans ce merveilleux panier de crabes, je suis sorti vainqueur. Mes adversaires, les survivants, sont du même tonneau que moi ; n’attendez pas que je sois meilleur que ceux-là, sous l’affreux prétexte que j’ai prétendu moraliser la chose politique. Ce n’était qu’une formule creuse, fabriquée par ces conseillers en communication qui n’y entendent rien.

Et alors ? Vous voudriez que je paie de ma personne sans jouir pleinement des privilèges que me procure la bassesse de tous mes vassaux. C’est bien parce qu’ils pensent obtenir quelques avantages en retour que j’ai droit ainsi à ces cadeaux, ces emplois miraculeux, ces voyages lointains. Je ne suis pas responsable, pas même coupable, de la flatterie et du calcul de ceux-là. Ce sont eux qui sont à pointer du doigt ; moi je suis au-dessus de la mêlée et du tas de fumier.

Et alors ? Pourquoi devrais-je répondre sur le fond à des journalistes qui mangent dans les mêmes gamelles que nous, même s' ils ne doivent se contenter que de nos restes. Le peuple, quant à lui, nous a abandonné son droit à la vérité en votant pour nous. La voix ne donne jamais un droit de regard. Vous confondez tous la signification de ces mots si différents. Fermez-la, une fois que les jeux sont faits !

Et alors ? Je suis le plus fort, le plus beau, le plus vertueux. Je n’ai même pas à le démontrer : mes avocats se chargeront de faire éclater au grand jour la nullité de l’affaire. La procédure, messieurs les censeurs, c’est le bouclier de la canaille et contre cela vous n’avez que vos yeux pour pleurer. Je suis au- dessus des lois ; je suis la loi et je vous ignore royalement : c’est la fonction qui veut ça.

Et alors ? Pourquoi voudriez-vous que je sois meilleur et plus vertueux que tout ceux qui m’ont précédé dans la fonction à laquelle j’aspire ? Financements occultes, maîtresses logées ou protégées, pratiques douteuses et souvent délictueuses, recours à l’immunité pour différer ou enliser des procédures judiciaires ; longue est cette liste qui déshonore une démocratie si peu respectueuse des principes qu’elle est censée mettre en avant.

Et alors ? Mes frasques, mes frusques, les salaires que j’octroie aux miens, rien de tout cela ne vous regarde puisque vous découvrirez, au bout du compte, que si ce n’est pas normal, c’est tout au moins légal. L’essentiel est ailleurs : il est dans ce statut qui me place au-dessus de vos jugements, des vos remarques, de vos allusions oiseuses. Je suis l’élu, le porteur du projet, l’incarnation du renouveau et de l’espoir et en cela, tout m’est permis, tout doit m’être toléré. Je suis le sauveur, le recours, le petit jésus en culotte de velours.

Et oui, je ne suis que le parfait prolongement d’une monarchie en déliquescence, d’une classe politique peu recommandable et mes agissements ne méritent pas pareil acharnement puisqu'ils sont le lot commun d’une caste vérolée, consanguine, issue de la même classe sociale. Nous ne faisons que reproduire ce qu’ont toujours fait les élites. Alors, oui, je n’accepte pas qu’on vienne me faire des leçons ! Je n’en ai cure ; je suis inaccessible à vos griefs, à vos remarques, à vos concerts de casseroles, à vos indignations. Et quoi alors ? Vous voulez encore me tailler un costard. Sachez que je me paie votre gueule avec la plus magnifique condescendance. Alors, fermez le ban, il n’y a plus rien à dire ; je suis au dessus de vos misérables existences parce que je le vaux bien.

Risettement sien.


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