Étienne Chouard : « 80% des citoyens soutiennent les Gilets Jaunes et 80% des citoyens sont favorables à l’institution du RIC ». CQFD

par Vera Mikhaïlichenko
samedi 1er décembre 2018

Comment sortir par le haut de la crise des Gilets jaunes, c'est-à-dire en obtenant un résultat substantiel, un changement majeur ? Étienne Chouard a peut-être la solution.

Destitution ? Dissolution ?

Le 25 novembre, François Asselineau, président de l'UPR, a proposé sa solution pour sortir de la crise. Il a remis une lettre à la députée LREM Laetitia Avia afin de lui demander de lancer la procédure de destitution du Président Macron, conformément à l’article 68 de la Constitution.

Dans un article du 29 novembre, le JDD nous explique pourtant que "la procédure n'a aucune chance d'aboutir" :

« Pour être examinée, la proposition de résolution sur la destitution doit être motivée et signée "par au moins un dixième des membres de l'assemblée devant laquelle elle est déposée". Théoriquement, 58 députés pourraient donc demander que soit examinée une demande de destitution d'Emmanuel Macron. Mais la requête n'aurait aucune chance d'aller plus loin. En effet, La République en Marche est majoritaire à l'Assemblée. Or, le rejet de la proposition de résolution par l'une des deux Assemblées met forcément un terme à la procédure. Le processus a été construit pour qu'il ne soit pas utilisé pour des motifs politiques. "Il n’est pas question ici de juger la politique menée par un Président mais d’apprécier son rôle comme gardien de la Constitution", confirme le constitutionnaliste Didier Maus.

François Asselineau, lui-même, est bien conscient de l'impossibilité, pour cette procédure, d'aboutir : "On s'en fiche que ça ne débouche jamais. Le principal, c'est que ça serait fait. Pour la première fois dans l'histoire, un président de la République en exercice aura vu des députés mettre en oeuvre cette disposition." »

Ce n'est donc vraisemblablement pas demain la veille que nous assisterons à cette scène...

Sans commentaire..#giletsjaunes #Macron pic.twitter.com/A6UTOFYxPu

— Gilles Bo (@bo_gilles) 23 novembre 2018

Si la destitution n'est, semble-t-il, pas à l'ordre du jour, la dissolution de l'Assemblée nationale serait, elle, à peu près inévitable, si l'on en croit l'ancien ministre de l'Éducation nationale Luc Ferry. C'est ce qu'il a déclaré sur LCI le 29 novembre :

84 % des Français soutiennent les Gilets jaunes. Jamais un mouvement de contestation n'avait bénéficié d'un tel appui populaire. En outre, suite au discours d’Emmanuel Macron mardi, 78 % des Français l'ayant écouté n’ont pas trouvé le chef de l’État convaincant. C’est le pire niveau enregistré après une intervention ou annonce de Macron. "La parole présidentielle ne semble plus imprimer dans l’opinion", note à ce propos France Info.

Les Gilets jaunes posent un lapin au Premier ministre

Le 30 novembre, Édouard Philippe, quant à lui, a reçu un véritable camouflet de la part des Gilets jaunes, avec lesquels il devait s'entretenir. Seuls deux "Gilets Jaunes" se sont en effet présentés vendredi à la réunion de concertation avec le Premier ministre. L’un d’eux a même rapidement quitté l’entretien, protestant contre le refus du Premier ministre que la discussion soit filmée et retransmise en direct à la télévision.

Jason Herbert, le Gilet jaune en question, a précisé qu'il s'était présenté à cette réunion "en son nom propre", car il n'avait pas de mandat pour représenter le mouvement dans son ensemble. Ce Charentais de 26 ans a par ailleurs expliqué qu'"il n'attendait rien de cette réunion" et qu'il venait "par courtoisie". Le jeune homme était arrivé à Matignon vers 14h30, une demi-heure après l'horaire prévu. Depuis l'annonce du rendez-vous jeudi matin, le cabinet d'Édouard Philippe n'a jamais été en mesure de dire qui et combien de personnes seraient reçues.

Selon le journaliste Serge July, co-fondateur du quotidien Libération, "la situation que vit Edouard Philippe est inédite. Ça n’est jamais arrivé qu’un Premier ministre de la Ve République fixe un rendez-vous à un mouvement (Les Gilets Jaunes) et qu’en gros personne ne vienne. Ce lapin-là, je l’ai jamais vu", a-t-il déclaré sur LCI. 

Un Président largement désavoué, un Premier ministre snobé, qu'un Gilet jaune vient voir par simple courtoisie, sans rien en attendre... ça sent le sapin pour ce gouvernement.

Au diable les représentants !

A noter que le Gilet jaune que l'on a médiatisé, à sa sortie de Matignon, et qui a dénoncé des pressions de la part d'autres Gilets jaunes, façon de ternir quelque peu le mouvement, n'est pas n'importe qui : Jason Herbert est journaliste et membre de la CGT et de la CFDT, selon La Charente Libre, qui a étonnamment supprimé son article peu de temps après l'avoir publié :

"Jason Herbert n’a pas une mais deux étiquettes syndicales ! CFDT-journaliste d’un côté, CGT territoriale de l’autre ! Le Charentais a réussi à devenir porte-parole national des gilets jaunes malgré son étiquette syndicale CFDT… journaliste, qui plus est. Sacrée exploit. Mais dans le cadre des élections professionnelles de la fonction publique, à GrandAngoulême où il s’occupe de la com’ de la médiathèque, le jeune homme se présente sur la liste… CGT. Scrutin le 6 décembre,

Communicant, journaliste et gilet jaune à la fois, encarté CFDT et CGT dans le même élan, le jeune Charentais va finir par avoir un emploi du temps de ministre."

RIP la Macronie, vive le RIC !

Avec les Gilets jaunes, nous avons affaire à des citoyens qui ne veulent pas céder leur parole à des représentants. Certains y voient leur faiblesse, d'autres leur force. C'est le cas d'Étienne Chouard, qui a publié le 29 novembre un texte sur son site personnel, intitulé "Réflexions sur ce magnifique élan populaire des #giletsjaunes : il ne faut pas accepter d’être représentés, il faut apprendre à constituer" :

"Je crois que, si ce mouvement populaire des #giletsjaunes est représenté, il sera rapidement trahi et dévoyé : quel que soit leur mode de désignation (élection ou tirage au sort ou autre), les représentants ne seront pas achetés, bien sûr, mais INTIMIDÉS ET TROMPÉS (malgré leur honnêteté et leur bonne volonté) par un pouvoir qui sait très bien corrompre, à huis clos, par la PEUR et par le MENSONGE, plus que par l’appât du gain : tout ce qu’il faut au pouvoir pour corrompre cette révolution grandissante de gilets jaunes, ce sont des représentants.

Alors que, si ce mouvement sait refuser toute forme de représentation, il reste insaisissable (et donc invulnérable), ce qui lui donne le temps de faire monter, par éducation populaire, le niveau de conscience et d’exigence au sein de CHACUN des simples citoyens qui composent le mouvement.

Il faut que, sur les ronds-points et sur tous les points de rassemblement, les électeurs se transforment TOUT SEULS en citoyens constituants, de façon autonome, sans sauveur, sans leader, sans intellectuel de référence, toutes personnalités qui seraient autant de talons d’Achille pour discréditer le mouvement.

Cet immense mouvement est une chance historique, pour une *multitude* d’électeurs infantilisés, de se métamorphoser SANS L’AIDE D’AUCUNE AUTORITÉ MORALE RASSURANTE en *peuple* de citoyens dignes de ce nom, c’est-à-dire en constituants.

La colonne vertébrale de ce mouvement volontairement désorganisé (pour rester incorruptible) devrait être une et UNE SEULE IDÉE forte et radicale, qui serait une bonne cause commune, vraiment commune et vraiment capable à elle seule d’entraîner ensuite tous les bouleversements nécessaires de justice sociale.

À mon avis, cette idée centrale et décisive devrait être : « CE N’EST PAS AUX HOMMES AU POUVOIR D’ÉCRIRE LES RÈGLES DU POUVOIR ; SI ON VEUT UNE VRAIE PUISSANCE POLITIQUE POPULAIRE, IL NOUS FAUT UNE VRAIE CONSTITUTION, ET IL FAUDRA APPRENDRE À L’ÉCRIRE NOUS-MÊMES. »

Les gilets jaunes semblent, ces jours-ci, choisir le RIC (référendum d’initiative citoyenne) comme cause commune et c’est déjà tout à fait inespéré et enthousiasmant — même si ce sera sans doute insuffisant (car le fait d’avoir acheté TOUS les médias permet aux puissants d’intoxiquer l’opinion et donc de dévoyer tous les RIC). C’est déjà un pas immense vers la métamorphose en constituants que d’être d’accord pour faire de l’institution du RIC une priorité nationale non négociable.

De la même façon qu’il ne faut surtout pas élire une assemblée constituante (parce que l’élection est une démission), il ne faut pas accepter d’être représenté : il faut exiger de voter.

ÉLIRE N’EST PAS VOTER, c’en est même la négation. Un citoyen digne de ce nom vote lui-même les lois auxquelles il consent à obéir.

Bon courage à tous, le peuple uni ne peut pas perdre : restez soudés sur l’idée.

Étienne Chouard.

#pasdedémocratiesanstirageausort
#pasdedémocratiesanscitoyensconstituants

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PS : la multiplication des gilets jaunes posés sous les pare-brises des autos est très spectaculaire à la campagne et TRÈS MOBILISATRICE, c’est vraiment une chouette idée 

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PPS : si on mélange la revendication du RIC avec d’autres revendications, c’en est fini du RIC ! Les élus savent parfaitement que le RIC est une arme redoutable pour le peuple contre leur tyrannie, et je pense que les politiciens et les « journalistes » préféreraient tous mourir plutôt que l’accepter… DONC, si on défend plusieurs revendications, le RIC sera évidemment mis de côté et enterré par nos maîtres et nous serons « Gros-Jean comme devant »… ALORS QUE nos maîtres ne pourront pas nous tromper de la sorte si le RIC est LA SEULE REVENDICATION, absolument prioritaire et non négociable. Ils ne peuvent pas avouer pourquoi ils détestent le RIC.

Fil facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10156749878392317&set=a.10150279445907317&type=3&theater 
"

Le 24 novembre, il avait déjà publié ceci sur Facebook :

"Comme Léo, je trouve que ce formidable élan de révolte populaire des « Gilets Jaunes », contre le racket des prétendues « élites », ne peut servir à quelque chose QUE SI tous ces citoyens POLARISENT leurs volontés sur UNE SEULE CAUSE COMMUNE, bien choisie, radicale, décisive.

Or, puisque 80% des citoyens soutiennent les Gilets Jaunes ET QUE 80% des citoyens sont favorables à l’institution du Référendum d’Initiative Citoyenne, il me semble que c’est une occasion en or pour défendre cette idée à la fois très simple et très profondément révolutionnaire du RIC (révolutionnaire **SEULEMENT SI ce sont de simples citoyens et pas des politiciens qui en écrivent les règles**, naturellement, car vous savez bien que, si ce sont des élus qui l’instituent, ils écriront un fake RIC, comme l’actuel article 11 de notre anticonstitution).

Il me semble qu’aucun oligarque, aucun journaliste vendu aux riches, aucun collabo du système de domination parlementaire ne pourra trouver à redire publiquement à cet objectif très évidemment démocratique et irréprochable (« le peuple uni réclame le RIC, le vrai : en toutes matières »). Ils seront obligés de bredouiller de mauvaises excuses pour le refuser et leur malhonnêteté se verra plus que jamais au grand jour, comme par l’effet d’un puissant révélateur.

C’est la première fois, je crois, que je change mon image de profil, et je le fais parce que je trouve ce signe de ralliement intelligent et puissant, opportun. Il devrait devenir une priorité absolue pour les révoltés en jaune, à mon avis :

LE RIC EST UNE BONNE CAUSE COMMUNE DE RÉSISTANCE À L’OPPRESSION

Étienne."

Les Gilets Jaunes se transformeront-ils en Gentils Virus ?

Les médias, le nerf de la guerre

Peut-être faudra-t-il d'abord passer par une étape intermédiaire, que nous suggère Jean Robin, éditeur exilé en Polynésie française, assez agaçant à bien des égards, mais qui n'a pas que de mauvaises idées. Il suggère notamment aux Gilets jaunes d'investir les médias, tant à Paris qu'en province, de manière non violente.

Une fois que tous les médias seront bloqués, les Gilets jaunes seront alors en position de force pour négocier une heure par jour de programmes à la télévision et à la radio publiques, que le peuple lui-même gèrerait de A à Z. Peut-être est-ce dans ce cadre-là que l'idée du référendum d'initiative citoyenne (RIC) pourrait être expliquée et promue.

Voici justement une série de vidéos sur le Référendum d’Initiative Citoyenne, appelé aussi d’initiative « Populaire », que l'on pourrait diffuser durant cette heure de télévision :

Un choc politique pour accoucher du RIC

Il est notable que le RIC séduise tant à l'extrême gauche, où l'on situe souvent Étienne Chouard, qu'à l'extrême droite, avec Henry de Lesquen, ou Yvan Blot dans son ouvrage La Démocratie directe : une chance pour la France. Il est à espérer que le RIC puisse aussi séduire entre les deux... la démocratie n'étant pas un idéal particulièrement extrémiste.

Dans une conférence prononcée l'an dernier, Yvan Blot (décédé le 10 octobre 2018) avait estimé que l'instauration du référendum d'initiative populaire ne pourrait pas survenir "à froid", mais probablement "à l'occasion d'un grand choc politique", comme cela s'est fait dans les autres pays (Suisse, Allemagne, Italie).

Et si les Gilets jaunes étaient ce grand choc politique ?


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