Fichier des expulsés et de leurs amis
par Philippe Ladame
mardi 22 août 2006
L’été est souvent propice aux mesures douteuses. Le Ministère de l’Intérieur vient de profiter de l’été 2006 pour faire un nouveau pas vers 1984 [« 1984 » est le titre du roman dans lequel George Orwell décrit l’instauration d’un système de surveillance et de contrôle totale de la société et de ses membres.]
Sur le site de RFI, Myriam Berber signale l’annonce au Journal Officiel du 18/08/06 de la création par le Ministère de l’Intérieur d’un nouveau fichier informatisé des personnes expulsées de France et de leurs contacts, nommé ELOI.
« Pour l’essentiel, ce fichier conservera, pendant trois ans après l’expulsion de la personne concernée, un certain nombre de données, dont le nom, la date, le lieu de naissance, des photographies d’identité et les langues parlées. (...) Le fichier conservera également des informations sur celui qui héberge un étranger en situation irrégulière assigné à résidence, ou encore sur les visiteurs d’un étranger placé en rétention administrative. »
L’arrêté du Ministère de l’Intérieur précise que ce fichier ne pourra faire l’objet d’interconnexion avec d’autres et que les destinataires des informations stockées seront « individuellement habilités et dûment désignés. » Mais il ne prévoit aucune modalité de contrôle de ces maigres garanties.
Il peut paraître surprenant que la CNIL [CNIL : Commission Nationale Informatique et Libertés], saisie de la demande en mai 2006, ne se soit pas opposée à un tel dispositif qui prévoit, dans son article 6, que l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés... ne s’applique pas. Cet article 38 dispose, dans son premier alinéa, que « Toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement » et on aurait pu s’attendre à ce que la CNIL en exige l’application, au moins pour les hôtes ou visiteurs.
La responsable de la Direction des Affaires juridiques de la CNIL, Sophie Vulliet-Tavernier, explique la chose ainsi : « la CNIL avait deux mois pour rendre son avis. Compte tenu des moyens limités dont elle dispose et du nombre croissant de dossiers dont elle est saisie, la Commission n’a pu rendre dans les délais qui lui étaient impartis par la loi d’avis motivé. Au terme de la loi, faute de réponse de la CNIL, l’avis est donc favorable. Le Ministère de l’Intérieur a fait application de la loi et a mis en place son fichier. »
PS : Vous trouverez sur Citron Vert (où cet article a été publié) l’arrêté publié au JO du 18/08/06, signé, pour le ministre et par délégation, par S. Fratacci, « directeur des libertés publiques » (ça ne s’invente pas !)