France Election (Nédap) oserait-elle s’adonner au jeu des demi-vérités ?

par Michel Monette
vendredi 3 novembre 2006

France Election (Nédap) est fâchée. Elle en a ras-le-bol et nous le dit sur son site Web : « Quelques personnes s’attachent à créer le doute et la crainte sur la sécurité et la fiabilité des solutions de vote électronique agréées par le ministère de l’Intérieur. » Oh, les vilains ! À vilain, vilain et demi.

La réplique de France Election y va d’un départ fulgurant : selon ce fabricant d’ordina... pardon de machines à voter, des spécialistes s’autoproclameraient... spécialistes. Elle est bien bonne. Surtout quand, parmi ces spécialistes autoproclamés, l’une (Chantal Enguehard) est maître de conférences en informatique au LINA, l’autre (Roberto di Cosmo) professeur à l’Université de Paris VII et membre du laboratoire PPP (preuves, programmes et systèmes) qui regroupe des chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants en informatique et logique mathématique.

Plus sérieusement, France Election a eu un léger trouble de mémoire en citant le second rapport (juillet 2006) de la commission irlandaise chargée d’inspecter ses machines à voter en Irlande. Certes, il est vrai que cette commission a recommandé l’utilisation de l’équipement électronique que Nedap a vendu à l’Irlande en 2004. Il est aussi vrai, ce que n’ajoute pas France Election, que cette recommandation est « subject to further work it has also recommended, but that it is unable to recommend the election management software for such use. » (CEV. Second report, page 193.)

« Que dire d’autre... informations déformées, incomplètes, sélectionnées... c’est de la désinformation. » Ce n’est pas de nous, cette dernière phrase. Jamais nous n’aurions osé écrire que France Election donne des informations incomplètes ou sélectionnées. Jamais, au grand jamais.

Jamais non plus nous n’oserions mettre en doute l’intégrité de l’institution électorale. Ce n’est pas nous, mais France Election qui écrit :

Un ticketing (sic) puis un dépouillement papier en parallèle du vote avec machine à voter est aisément falsifiable (rajout, remplacement ou retrait d’un ou de plusieurs tickets). Dès lors, il serait effectivement aisé de déstabiliser la confiance des électeurs le jour du scrutin en faisant croire à un disfonctionnement (sic) de la machine à voter, alors qu’un ticket à (sic) tout simplement disparu.

Il faudrait tout de même se brancher. Ou bien l’on accepte de confier l’intégrité du vote au « président et aux assesseurs, à l’aide de leur écran de contrôle » [car après tout ils] « restent toute la journée dans le bureau de vote pour contrôler le bon déroulement des opérations électorales », ou bien ceux-ci ne sont pas fiables, car des bulletins papier auraient bien pu disparaître avant le dépouillement. France Election s’en prend même à la fiabilité de l’imprimante.

Il n’y aurait donc que ses machines qui soient fiables à 100 %.

Nous le savons bien, que les machines sont infaillibles. S’il y a une différence entre le vote papier et le vote électronique, cela ne peut forcément qu’être le fait d’« une personne [ayant] accès aux bulletins papier [qui] en change ou en enlève un ou plusieurs [osant ainsi] perturber le déroulement des opérations électorales. »

France Election se permet même de faire un appel du pied : « Nous pensons que le ministère devra se positionner vis-à-vis du discours et du comportement de ces personnes. » Il serait bien de savoir ce que pense le ministère du dénigrement « des personnes ayant accès au papier ».

Au lieu de s’en prendre à celles et ceux qui demandent plus de transparence et des mécanismes de contre-vérification des résultats du vote électronique, France Election devrait les remercier. Imaginez un seul instant ce qui arrivera si le choix du second tour des présidentielles de 2007 en France ne tient qu’à une poignée de votes électroniques invérifiables.

À ne surtout pas faire lire aux dirigeants de France Election :
Philippe Astor. Vote électronique : progrès ou péril démocratique ?

À voir : Magazine 8-Fi - Vote électronique : élections au suffrage virtuel ?

 


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