Haute saison pour donneurs de leçons

par Bruno Hubacher
jeudi 4 mai 2017

L’entre deux tours de la présidentielle française se présente comme un remake du duel Clinton Trump. Après l’éviction du progressiste Sanders, sous la pression des médias, deux candidats avec une faible légitimité concourent à la fonction suprême, laissant derrière eux deux partis politiques en décomposition.

Dans un éditorial du 1er mai, Edwy Plenel, co-fondateur du site d’information sur internet « Mediapart », lance un vibrant appel pour la démocratie en appelant à voter pour le candidat « socialiste » Emmanuel Macron, tout en précisant ne pas adhérer à son programme.

Après une longue diatribe contre les politiciens de tous bords, à commencer par les anciens présidents Jacques Chirac et son référendum sur le traité de la constitution européenne, travesti en traité de Lisbonne, son successeur Nicolas Sarkozy, pour finir avec François Hollande le sortant, qui ont tous contribué à faire le lit du Front National. Monsieur Plenel, en vantant son bilan et celui de « Mediapart » de lutte contre le FN, enfonce des portes ouvertes, une stratégie qui ne mange pas de pain.

Connaissant bel et bien les enjeux à l’aube du premier tour, a-t-il, dans les colonnes de « Mediapart », analysé en profondeur, ne serait-ce qu’une fois, le programme du mouvement la « France insoumise » ? Il aurait eu le temps de le faire, car le mouvement s’était lancé dans la bataille avec une bonne année d’avance par rapport aux autres factions. 

Sans y adhérer intégralement, un point en particulier aurait dû néanmoins le faire réfléchir, celui de la convocation d’une constituante, pierre angulaire de l’instauration d’une VIème République et clé pour une démocratisation de la vie publique française, la seule arme contre le Front National. Pendant que la presse française « in corpore », et en violation de toute déontologie journalistique, a tiré à boulets rouges sur le mouvement de la « France insoumise », « Mediapart » a préféré instaurer une plateforme « neutre » en couvrant l’ensemble des candidats, déontologie oblige.

Il m’attriste donc d’autant plus de lire la suite de son exposé, dans lequel Monsieur Plenel traite Jean-Luc Mélenchon d’« apprenti sorcier » en lui reprochant de « transformer un succès collectif en défaite personnelle ». A l’instar du reste de la presse française il fait dans la désinformation, car le « modus vivendi » en cas de défaite à l’issue du premier tour était écrit noir sur blanc, disponible à tous les journalistes. Les voix des citoyens n’appartiennent pas aux responsables politiques. Ce n’est pourtant pas compliqué à comprendre.

Il faut croire que si, car Monsieur Plenel continue sa diatribe, en traitant le mouvement des insoumis de « gauche radicale tétanisée, plongée dans le désarroi, la confusion et le doute et en reprochant à sont leader une « absence de pédagogie antifasciste, se croyant vainqueur à la manière d’un joueur de casino qui aurait raflé toute la mise sur un coup de dés ». Quel mépris pour les jeunes français en quête de perspectives d’avenir qui s’y associent. Si c’est la façon à Monsieur Plenel de se venger du refus d’interview de la part de Monsieur Mélenchon, c’est que c’est lui qui joue un jeu dangereux.

Edwy Plenel affirme que « Nous (les médias) n’aurions jamais imaginé à quel point cette campagne présidentielle, où rien ne s’est passé comme le prévoyaient éditorialistes, experts et sondeurs ». Vraiment ? Sur son blog « investig’action le journaliste d’investigation belge Michel Collon soutient une autre thèse, thèse qui, certes, ne se vérifiera sans doute jamais, mais qui vaut tout de même le détour, car pas totalement invraisemblable.

Sous le titre « 2017 le coup d’état » Michel Collon désigne le président François Hollande et son homme de confiance, le Secrétaire Général de l’Elysée, Pierre Jouyet comme instigateurs d’un scénario digne de Hitchcock.

Voyant sa cote de popularité et celle de son premier ministre s’effondrer suite à la cure d’amaigrissement et de dérégulation bruxelloise, il fallait au président François Hollande une « solution de rechange », pour poursuivre son « œuvre de convergence et d’intégration » à l’Europe, faute de pouvoir se représenter à sa propre réélection.

Celle-ci s’appellera Emmanuel Macron, un produit marketing en quelque sorte, nourri au biberon du néolibéralisme par ses maîtres Alain Minc et Jacques Attali, qui, par ailleurs, considère la fermeture de l’usine « Whirlpool » à Amiens « un détail », un peu à l’instar du fameux détail de l’histoire d’un certain Jean-Marie Le Pen. Le dauphin crée aussitôt son mouvement « En Marche », un mouvement, plutôt qu’un parti politique, car moins soupçonneux de politique politicienne, et, surtout, à l’écart du parti socialiste.

Et la primaire socialiste ? Une farce. La défaite du premier ministre candidat et son ralliement immédiat au mouvement de l’ancien ministre de l’économie, suite à sa défaite, accompagné d’une flopée de ministres et haut dignitaires socialistes, rassure l’aile libéral du parti. Avec une victoire à la Pyrrhus, piégé par les siens, il ne reste à Benoit Hamon plus que de ramasser les miettes.

En ce qui concerne la droite, les candidats Sarkozy et Juppé sont tous les deux hypothéqués par d’actuelles et anciennes affaires, tandis que le candidat Fillon, peu suspect de malversations, apparaîtrait comme la cible à abattre. On sait que certains journalistes prennent très à cœur leur devoir d’investigation et il suffit de les rendre attentifs à certaines irrégularités pour susciter leur curiosité. Il s’avère, par la suite, que l’emploi fictif d’assistants parlementaires, une pratique, tacitement tolérée par l’ensemble de la classe politique depuis longtemps, devient soudainement un crime majeur. Pour dissiper d’éventuels soupçons de traitement de faveur on a fait un exemple en faisant sauter également un député de gauche.

L’opération semble avoir été bien préparée. Un premier sondage à propos d’un hypothétique candidat Emmanuel Macron est commandé par le quotidien « Le Monde » en janvier 2016, sondage qui donne un avantage au dauphin de Pierre Berger, par rapport à Manuel Valls et François Hollande, à 22%, pour se situer, en moyenne, à 17% pendant toute l’année 2016. Au mois de janvier 2017 sa cote de popularité bondit de 7 points à 24% pour arriver à 26% au mois de mars, le plaçant en tête de tous les sondages. De là à soupçonner le candidat « En Marche » d'une quelconque proximité avec les instituts de sondage n’est sans doute que pure calomnie.

Sachant que la politique d’austérité et la dérégulation du marché du travail gardera le Front National bien au chaud il était prévisible que la guilde des rédacteurs en chef et responsables politiques de toute couleur appelleront à la fibre républicaine (Michel Collon) à l’issue du premier tour.

Monsieur Plenel se saisit du révolutionnaire Léon Trotsky, le fondateur de l’armée rouge, et son opposition au « sectarisme stalinien qui divisait la gauche ». Il aurait mieux fait de citer la révolutionnaire polonaise Rosa Luxemburg, une fervente critique de la révolution bolchévique, car le projet de Jean-Luc Mélenchon est également résolument pacifiste, dans la lignée de Jean Jaurès, bien français celui là. 


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