Identité nationale : l’ennui s’installe

par Michel Koutouzis
mardi 27 octobre 2009

 Il y a des moments où, je ne sais pourquoi, un sujet apparaît comme dépassé, vieilli, à contretemps. Il emporte avec lui tous ceux qui en parlent quel que soit leur point de vue. Hier, c’était le débat hier entre Moscovici, ex ministre des affaires européennes et Besson, le ministre actuel de l’identité nationale. Ils sont plutôt jeunes et bien portants et cependant, on aurait dit deux vieux messieurs discourant sur un sujet suranné. Il me semble, que si le sujet devient central, il ne fera pas un tabac. Sans doute la crise est passée par là aussi. En effet, le jour même, on apprenait que aux Etats-Unis, pays porté sur le drapeau et la mère patrie, des banquiers modèles, pensaient à voix haute aller travailler ailleurs, en l’occurrence aux banques européennes pour ne pas être amputés de quelques millions de dollars, oh pas grand chose - d’ailleurs je ne vois pas la différence entre 28 ou 32 millions par an -, amputation que l’administration Obama voudrait leur imposer. D’ailleurs n’est-ce pas l’argument central pour le gouvernement français, chaque fois que l’on discourt sur le bouclier fiscal ? Toutes ces élites économiques, nos artistes, nos amuseurs télé, nos brillants avocats, nos maîtres de forge recyclés à la finance, risquent de nous lancer un adieu sans états d’âme et s’installer ailleurs. Si des cours accélérés devraient avoir lieu sur le concept de nation, ils devraient être les premiers à y être invités. Par ce que les autres, les chômeurs et les smicards, ceux qui ne peuvent aller en Suisse même pas en vacances organisées, sont, comme les français moyens et autre retraités, condamnés à faire du sur place nostalgique, a ressasser des valeurs et des certitudes, qui ne bougent pas d’un trottoir ou d’une cité.  Cité-patrie, quartier-patrie, qu’on lâche le temps d’un samedi soir pour descendre, en RER, aux Halles les cosmopolites.

Hier encore, les « Parisiens » ont pris délibérément le TGV pour aller casser la gueule aux « Marseillais » (qui le leur rendront le temps venu), et on apprend que à Lille on organise des virées similaires à Valenciennes, les Lillois s’en vont à Vénissieux, bref le nationalisme du carré de maisons semble plus magnifié et caressé que celui du pays.

La sublime ministre des sports,  pense associer les supporteurs à une réflexion sur les violences, elle devrait avant toute chose leur dire que leur stupidité himalayenne égale à leur recherche désespérée d’adrénaline, les empêche de voir qu’ils s’entretuent pour des gladiateurs version « soft », apatrides et millionnaires, qui viennent du monde entier et qui repartiront, comme nos banquiers, à la première meilleure offre. Ce qui n’est pas le cas de tas de « travailleurs » et « travailleuses » venus, eux aussi d’ailleurs, et que l’on garde parcimonieusement en dehors de toute légalité républicaine et administrative pour ronger les quelques centaines d’euros qu’ils gagnent par mois. Eux, voudraient bien être français à part entière, mais de l’Etat Nation ils ne connaissent que l’administration des impôts et de la sécurité sociale.

A tous les joueurs forcenés de Nintendo, à tous les consommateurs de Nike ou de Lacoste (ce n’est qu’une question de classe supposée et phantasmatique), j’aimerais bien poser la question qui et où ils sont, eux qui sont perdus dans les marques et les chemins tortueux et artificiellement exotiques et dangereux de leurs consoles (quoi que le danger de devenir autistes est bien réel) avant même de m’essayer à la lecture de la lettre d’adieux de Guy Môquet.

Reste les étrangers, qui ont connu la guerre comme Manoukian et Môquet, qui fuient une situation invivable, qui, pour venir chez nous ont connu des paysages, des cultures, des pays et des situations qu’aucune imagination de nos adolescents attardés n’est plus capable d’imaginer et qui, eux, pourraient nous parler - comme nos soldats - du monde réel, terrible et magnifique à la fois. Mais eux on les chasse pour bien montrer que l’espace Schengen a des règles et des lois à respecter. Eux, qui viennent de fictions d’Etats pourraient cependant nous enseigner bien mieux qu’une patrie, pour l’aimer, pour lui pardonner, pour la mythifier, pour la respecter, il faut qu’on se respecte soi même. Tant que Jaurès ou Clémenceau seront revisités avec des arrières pensées et ne seront que des citations pour discours académiques et pompeux, l’ennui s’installera et la confusion entre l’extrêmement grand (l’Europe) et l’extrêmement petit (le quartier ou l’équipe de foot) rendront veine toute entreprise d’identification de soi.  


Lire l'article complet, et les commentaires