Ils « débloguent » complètement
par C’est Nabum
mardi 11 décembre 2012
La folie des grandeurs.
La politique les rend tous déraisonnables ...
Il était une fois, dans une ville de notre beau pays, un petit groupe de blogueurs qui finirent par devenir fous. Comme l'immense majorité de leurs comparses, ils n'échappèrent nullement à l'indigence qui frappe cette activité souvent dérisoire et si peu audible. J'en sais quelque chose et demeure, tout comme eux, un anonyme pathétique qui prétend partager ses états d'âmes et ses opinions sur une toile universelle qui nous ignore totalement.
Mais ceux-là prétendaient changer le monde et le cours des choses dans leur environnement municipal. Ils se rêvaient d'un destin local, ils envisageaient leurs modestes billets comme des pierres dans le jardin du maire qu'il fallait bouter hors de là. Prétention immense, ambition démesurée. Si les journaux locaux ne sont pas beaucoup lus, il ne faut pas attendre que les blogs échappent à l'illettrisme dominant.
Forts de la petite poignée de lecteurs plus ou moins fidèles que nous réussissons tous à rassembler de par le pays, ils se pensaient capable d'exploits magnifiques, de prouesses médiatiques, de tempêtes éditoriales. Hélas, la réalité est toute autre, nos actions sont dérisoires, notre influence nulle, notre poids dans le débat local infinitésimal. Mais nos héros ne pouvaient se résoudre à pareille lucidité.
Ils se rêvaient, chacun de leur côté, en rivalité d'ego sans doute, les chantres de la modernité médiatique, de la réflexion qui allait bousculer les lignes et réveiller les consciences. Ils écrivaient pour prendre place dans le combat politique ! Belle illusion que voilà ! Les blogs ne sont que si peu de chose qu'il ne sert à rien de se croire chevalier blanc au travers de ce média dérisoire.
Pour être moi-même atteint de cet étrange virus, je sais pertinemment que le seul à bénéficier véritablement de cette discipline est le pauvre auteur en quête désespérée de lecteurs. Il s'évite tout au mieux séances d'introspection et s'il n'est pas trop maladroit, s'offre une pratique régulière de l'écriture qui n'est pas inutile.
Point de tout ça pour nos deux lascars. C'est avec les dents longues et l'ambition de jeunes premiers qu'ils envisageaient leurs bouteilles à la mer. Le premier se rêvait le chef d'orchestre de la blogosphère locale. Il usa d'une énergie incroyable pour regrouper les sites de ses confrères, pensant ainsi devenir le guide spirituel de la pensée rebelle.
Il s'offrit des revues de presse, il se filma, se mit en scène, se pressa partout en se donnant en spectacle. Il était incontournable, inévitable, indiscutable sans doute. Il était notre « Je suis partout ! ». Il mélangea alors le combat politique et cet exercice solitaire de l'écriture quotidienne. Il prétexta sans doute de l'immense succès de sa force de frappe médiatique pour se faire une place dans le grand parti d'opposition municipale.
Mais il avait épouse déjà en place. La dame déclara longtemps à l'avance qu'elle briguait la tête de liste dans la future bataille municipale. Promotion légitime si on regarde les années où elle se trouva bien seule pour essuyer les moqueries et l'irrespect monstrueux du premier magistrat en place. Prétention bien hâtive si on s'en réfère à sa véritable notoriété. Mais tel n'est pas le sujet.
Son époux fit alors, avec grand fracas, don de son blog et de son activité médiatique pour ne pas être taxé de confusion des genres (certains parleront d'agitation). Il fut même raillé par des moqueurs bien piquants, prétendant qu'ainsi il en montrait à la femme de notre bon président. Quand on est l'époux d'un grand de ce monde, il faut rester dans l'ombre. Puisqu'il y était, je ne vois pas pourquoi il a voulu en faire état !
Son camarade, vieux chroniqueur qui se pense sage alors qu'il n'est plus qu'une baderne dérisoire, imagina sans doute profiter de l'opportunité pour envisager secrètement place sur la prochaine liste. Lui aussi, pensant son aura aussi grande que son style peut être emphatique, se prévalait d'une multitude de lecteurs et d'un potentiel d'influence proportionnel à son taux de pénétration sur le secteur.
Ainsi le bonhomme se pensait susceptibilité de trouver grâce auprès d'un parti politique afin de trouver enfin cette place qu'il disputait aux militants au seul titre de sa capacité scripturale. Il attendait la reconnaissance locale au nom de ses billets acides, de sa verve et de la pertinence supposée de son point de vue éclairé.
Excédé par ce que je suppose être une fin de non-recevoir, à moins que son fond misogyne ne soit remonté à la surface, il assassina la pauvre candidate putative en un billet odieux, misogyne et malveillant pas plus lu que les autres du reste. Voilà ce que c'est que de ne pas reconnaître l'immense mérite d'un noircisseur d'écran, d'un virtuose arthritique du clavier. La conquête de la mairie s'annonce désormais fort délicate pour la dame. Son mari a fait vœu de silence, ce qui n'est pas trop grave et de sagesse, ce qui peut être bien plus compliqué. Elle s'est offerte le luxe d'un ennemi intime et rancunier, un contrarié de la dernière heure !
Quel vacarme supposé, quelle affaire d'état qui, à parler vrai, n'intéresse pratiquement personne dans cette bonne ville. J'ai eu vent de ces soubresauts de sémaphore, de ces délires égocentriques de pauvres blogueurs par hasard. Parce que j'ai parfois la même extravagante prétention d'être lu et l'impensable capacité à écrire n'importe quoi, je m'autorise ce billet à clefs verrouillées. Rassurez-vous , je ne suis pas dupe de la vacuité de notre démarche et ne viendrais jamais réclamer de participer à la vie d'une cité.
Blogueusement leur.