Interdiction de sourire

par Anne-Caroline Paucot
mardi 28 août 2007

Juillet 2015. Depuis l’interdiction de sourire dans les aéroports et les gares, les procès-verbaux pour animations faciales non autorisées se multiplient. Et si cette fiction devenait réalité ?

Je viens de refaire mon passeport. Alors que j’apportais les pièces, l’employé de la mairie m’a accordé son plus beau sourire pour me dire qu’elle est désolée mais elle ne peut pas accepter ma photo car elle est non conforme aux règles en vigueur depuis mai 2006. Ce rejet vient d’une légère ouverture de la bouche qui donne à mon visage une expression amusée. Cette minime mise en mouvement des zygomatiques est contraire au règlement qui précise que : « L’expression du visage doit être neutre et la bouche fermée. » Outre avoir le faciès d’un cafard, il faut aussi avoir une tête dénudée posée bien droit sur des épaules à la même hauteur, porter des lunettes fines et ne pas avoir les yeux rouges.

Si ces nouvelles normes sont particulièrement contraignantes, elles le sont pour une soi-disant bonne cause : la reconnaissance faciale. Ces nouvelles photographies permettront d’identifier des personnes grâce aux mesures de différents points de leur visage (comme la distance entre leurs deux yeux ou entre leurs narines). Vous passez devant la caméra et la machine confirme que vous êtes bien le possesseur du passeport.

Si cela s’arrête là, il n’y a pas lieu d’en faire un fromage. Mais quand on assiste au développement des caméras de surveillance, on peut s’inquiéter. Si on continue dans cette logique sécuritaire, il n’y a aucune raison que ces caméras de surveillance ne fassent pas le lien avec les fichiers biométriques et identifient toutes les personnes qui se déplacent dans son champ de vision.

Après cette première étape, il suffit qu’un jour, une affaire terroriste fasse monter l’adrénaline sociétale pour qu’on applaudisse la décision d’un gouvernement de nous interdire de sourire dans un lieu public. D’impassibles forces de l’ordre dresseront ensuite des amendes pour animations faciales délictueuses.

Sachant que si on nous enlève rires et sourires, le propre de l’homme, on devient des bêtes, il y a quelques raisons de craindre ce probable futur.


Lire l'article complet, et les commentaires