L’amende qui ne passe pas

par C’est Nabum
samedi 8 octobre 2016

Le racket municipal.

Un marché dans un quartier très populaire, une bulle d’espoir et de fraternité dans un endroit marqué par l’exclusion, la pauvreté et les comportements délictueux. Le temps du marché, les communautés se mêlent, les gens se parlent, la rue reprend ses droits. C’est un espace chamarré où les senteurs exotiques vous accueillent et vous enivrent. Nulle crainte, nulle pression, on s’y promène serein et curieux de ce cosmopolitisme heureux.

Hélas, point de parking pour venir y garer son véhicule. C’est un espace urbain dense qui voit le temps du marché sa disponibilité se rétrécir. Les visiteurs sont presque tous issus du quartier, rares sont les visiteurs un peu plus lointains. J’ai travaillé de longues années dans ce quartier et j’aime à m’y rendre, retrouver quelques anciens élèves qui ne manquent jamais de me saluer, faire des achats différents de ceux que j’effectue sur mon marché habituel.

Mais ce jour-là, la police municipale rôdait, impitoyable quand il s’agit d’agir à distance, sournoisement, à l’abri des regards. Ma voiture était garée sur un trottoir, j’avoue cette faute capitale, cette erreur scandaleuse. Je ne faisais qu’imiter tous mes autres collègues automobilistes, bien ennuyés pour trouver une place dans une telle densité. Mais le bras séculier de la ville ne doit pas supporter que des individus viennent briser le ghetto dans lequel on aime ici à laisser les gens.

L’amende est tombée. La sanction, la peine, le châtiment ; je ne sais quel vocable employer pour l’odieux crime qui fut mien. Les sbires d’un ordre impitoyable et municipal ont frappé, sans mesure, sans nuance. Il faut dissuader les braves gens de venir ici, de faire vivre un quartier qu’il convient de laisser périr. Les arrêtés anti-mendicité ne suffisent plus en Orléans, il convient de faire la chasse à ceux qui refusent la fatalité de la misère.

Centre trente cinq euros pour le prix d’un stationnement délictueux. On n’y va pas avec le dos de la cuillère pour les rois du caviar à la louche. Ici, il vaut mieux mettre en danger autrui en pratiquant de joyeux excès de vitesse que de laisser une voiture quelques minutes à l’arrêt. J’en reste sans voix. Je suis abasourdi et scandalisé par la somme. Pour moi, elle est déjà importante, elle va réduire mes possibilités financières ce mois-ci. Mais qu’en est-il pour les gens du quartier ? C’est du racket. Les policiers municipaux, à l’instar des bandits de grands chemins d’autrefois, dépouillent les gens avec l’assentiment d’une municipalité sans âme.

Je vais payer, il n’y a rien à faire dans une nation où désormais nous ne sommes que les vaches à lait d’un système honteux et inique. J’ai envie d’ajouter la diffamation à la faute de stationnement, dire leur fait aux responsables de cette grivèlerie officielle. Je ne crois plus en la justice. La même semaine, un juge blanchit EDF qui avait déversé du plutonium dans la Loire et je reçoit une amende de 135 euros pour un stationnement gênant. Je sais, il n’y a aucun rapport, simplement l’expression même d’une justice de classe et de caste.

Je maudis ceux qui cautionnent, qui osent pratiquer de tels tarifs, qui participent de près ou de loin à cette mascarade d’autant plus intolérable que nos joyeux virtuoses du carnet à souche ne viennent pas importuner les bourgeois qui se rendent dans les marchés plus européens de la ville. Je les insulte en pensée, qu’ils viennent me mettre aux fers si cela les chante ! Serait-ce une forme sournoise de discrimination ? Connaissant les quelques énergumènes qui inspirent la politique locale, j’ai de bonnes raisons de penser que le coup n’est pas fortuit.

Voilà j’ai déversé ma bile, je vais vider ma bourse et risque en prime quelques ennuis avec ces grands démocrates plus soucieux de pourchasser les braves gens que les délinquants en col blanc, les tricheurs fiscaux, les furieux du jet ski. Qu’on soit puissant ou bien misérable, il n’y a jamais le même traitement. Cent trente cinq euros pour quelqu’un au RSA, ont-il songé nos joyeux drilles de la forfaiture ce que ça représentait ? Il est vrai qu’ils ont place gratuite et stationnement réservé quand il se passe quelque chose dans la cité ?

Outrageusement leur.

Nullement garé sur un passage piéton, une place handicapée ou une piste cyclable j'ai payé le prix de l'adverbe Très

à 25 euros de supplément par lettre, il vaut son pesant de cacahouètes

Je conseille à l’avenir l’adverbe Extrêmement qui permettrait d’atteindre 310 euros

ou son camarade Particulièrement qui pousse le prix jusqu’à 435 euros

à moins qu’il ne faille aller jusqu’à Extraordinairement et ses 485 euros

 

Ne vous gênez surtout pas

 


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