L’amie Mila

par olivier cabanel
jeudi 29 octobre 2020

Depuis l’assassinat sordide de Samuel Paty, ce prof décapité par un extrémiste musulman, on parle moins de cette étudiante, mis au ban par une partie de son établissement, et de ses « copains » d’école, menacée de viol, voire de mort... pourquoi ?

Le 18 janvier 2020, elle avait posté une vidéo sur internet, dans laquelle elle mettait en cause la religion islamique, ce qui lui a valu un terrible harcèlement venu d’anonymes internautes la traitant de tous les noms, et lui promettant d’étranges réjouissances, allant de lui « faire avaler ses organes, jusqu’à la défigurer à l’acide avant de la violer dans une cave », en passant par « une mise à nue en place publique », « l’enterrer vivante », et « mourir en enfer »...

Ces promesses l’ont fait placer sous protection policière, et quitter son établissement scolaire.

Le proviseur de celui-ci ayant remarqué qu’elle avait publié sur ses comptes des images humoristiques sur l’islam, avait demandé à ses parents « de faire enlever tout ça »... et ils se sont exécutés... ça n’a pas empêché ses détracteurs de la retrouver.

En effet, un peu plus tard, elle s’est trouvé un jour en présence d’un excité qui l’a reconnu, qui lui a promis le viol, et la mort, ajoutant : « que je ne te revoie pas, sinon je vais t’étrangler et violer ta mère », se vantant d’avoir énormément d’abonnés et de leur communiquer son lieu de vacances.

Ayant déposé une plainte au bureau de la police locale (à Malte, où elle passait des vacances), son agresseur a été arrêté, et mis en prison pour un an... avec sursis, et l’interdiction d’approcher sa victime.

Pas de quoi rassurer la jeune femme...

Ajoutons pour la bonne bouche que de nombreux établissements scolaires avaient refusé de l’accueillir...

Puis est venu le coronavirus, et on n’a plus entendu parler de cette sale affaire, jusqu’au 12 septembre, ou un jeune homme de 23 ans l’ayant repéré, a publié sur son mur FB 4 vidéos, dans lesquelles il l’a menacé des pires exactions... il faudra que plusieurs jours se passent avec que son persécuteur ne soit arrêté, les gendarmes n’ayant pas « percuté tout de suite », et il a écopé de 18 mois de prison ferme, et d’autant de sursis.

L’occasion de rappeler la déclaration surprenante de l’ex ministre macroniste de la justice, Nicole Belloubet, laissant entendre que le blasphème était un délit : «  l’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience...  », avait-elle déclaré à l’époque.

Son avocat, Richard Malka, dit « avoir envie de pleurer » à la lecture des mots de détresse de Mila, ajoutant « qui peut comprendre ce que vit cette gamine ? »

Mais pourquoi est-elle au second plan de l’actualité, même si elle a la chance d’être encore vivante ?...et pour ce, elle a du s’enfuir, se cacher, sans la moindre protection policière...

Pire, l’établissement qu’elle fréquentait, lui a adjoint de « mettre le pied sur la pédale frein »... alors qu’il s’agit avant tout, si l’on en croit le présidence de la république, lequel distribue médailles en chocolat, et hommages posthumes en tout genre, avec des trémolos dans la voix peu convaincants.

Lors de mon dernier article, concernant Samuel Paty, quelques internautes, me reprochaient d’avoir publié « un fake », assurant que jamais, au grand jamais, le prof assassiné n’avait été menacé par sa hiérarchie...

Une chose est certaine, comme on peut le découvrir dans un article du « Point » : la venue d’un inspecteur était programmée le 9 octobre à 13h 45, « afin d’accompagner la principale, lors d’un entretien, avec le professeur pour notamment lui rappeler les règles de laïcité et de neutralité ». lien

« Libération » a d’ailleurs publié une note du renseignement territorial des Yvelines, rédigée le 12 octobre, dressant un historique sur l’enchaînement des évènements, dans lequel, la décision de l’administration concernant la venue d’un inspecteur était confirmée, ce qui enlève tous les doutes que l’on pourrait encore avoir. lien

L’horrible crime, une fois commis, on comprend aisément qu’on ait essayé en haut lieu de « désamorcer la situation scabreuse », et de Blanquer à l’institution scolaire, tous ont démenti avec la plus belle énergie qu’une quelconque sanction aurait pu être envisagée...

Une autre chose est certaine, c’est arrivé au moins une fois dans le passé : en janvier 2015 un professeur de dessin mulhousien, a été suspendu, sous la pression de parents d’élèves, pour avoir osé montrer les fameuses caricatures de Charlie. lien

Mais allons un peu plus loin...

Finalement, pour éviter les tensions, certains enseignants font de l’auto censure, telle cette prof d’histoire, prénommée Charlotte, qui n’hésite pas à déclarer : « en 3ème, on doit enseigner la décolonisation, je ne prends jamais la guerre d’Algérie »... et déjà en janvier 2018 un sondage réalisé par l’IFOP, mené auprès de 650 enseignants, faisait apparaître que 38 % des prof avaient été contestés par leurs élèves sur des sujets portant sur les tenues signalant la religion, et que 37% des prof reconnaissaient s’être autocensurés, modifiant le contenu de leurs cours pour éviter les tensions.

Il faut avouer à leur défense que lorsque l’on est obligé de s’enfermer dans son bureau pour échapper à des violences, comme l’a témoigné cette proviseure de l’Essonne, il ne reste pas beaucoup de solutions.

Et comme l’a déclaré Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE (fédération des parents d’élèves) : « il est hallucinant qu’un parent puisse dire qu’il n’est pas d’accord avec le contenu de l’enseignement... ». lien

Finalement, c’est bien de la défense de la laïcité qu’il s’agit...et la loi du 9 décembre 1905 est formelle : « la république assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public  », et donc chacun est libre de dire ce qu’il pense... oralement, en l’écrivant, en le dessinant, même sous la forme de caricatures, les seules limites concernant les propos sexistes, racistes, antisémites, ou homophobes, sont punis par la loi.

Cette lutte pour la liberté d’expression n’a pas été gagnée facilement, et Olympe de Gouges l’a payé de sa vie, alors qu’elle avait écrit : « la liberté des opinions et de la presse n’est-elle pas consacrée comme le plus précieux patrimoine de l’homme ? »... et Voltaire, qui détestait la censure, dont il a été maintes fois la victime, aimait à dire : « un livre vous déplait, réfutez le... il vous ennuie, ne le lisez pas ».

Il faut remercier Catherine Golliau, qui, dès 2016, dans les colonnes du « Point », proposait en quelques lignes l’histoire de la liberté d’opinion, combat de longue haleine, depuis Montaigne qui dans « l’esprit des lois écrivait : « il faut honorer Dieu et ne le venger jamais », jusqu’à Jacques de St Victor : « c’est ce principe impérieux de tolérance obligatoire qui l’a emporté dans les faits sur la liberté d’expression et le droit à l’humour, y compris au mauvais goût ».

On se souvient que les révolutionnaires de 1789 avaient supprimé le « délit de blasphème", alors qu’en 1819 ils faisaient demi-tour, dans l’une des lois de Serre, imposant à nouveau la notion « d’outrage à la morale publique et religieuse  », notion abolie en 1881 dans la loi sur la presse laquelle protège la liberté d’expression... (lien) mais il faudra attendre 1972 pour qu’arrive la « loi Pleven », laquelle sanctionne « la provocation à la haine, à la violence, à la discrimination, ainsi que la diffamation et l’insulte envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ».

Rappelons tout de même qu’il n’en va pas ainsi partout dans le monde, et que certains pays, comme la Grèce, l’Italie, le Paquistan... existe une loi qui interdit le blasphème au nom de la protection des vérités religieuses, lesquelles sont considérées comme sacrées. lien

Ceci dit, le corps enseignant est loin d’être sorti de l’auberge, tout comme la jeune Mila, et probablement beaucoup d’autres, les forces de l’ordre étant très occupés à dresser des contraventions aux citoyens qui sortent sans masque, ou sans autorisation.

Comme dit Pierre Tevanian, un prof de philo, suisse : « ...je refuse donc de devenir l’otage d’un costume de héros ou de martyr taillé pour moi par des aventuriers de la politique sans jugeote, sans cœur, et sans principe, ces faux amis qui ne savent qu’encenser les profs morts, et mépriser les profs vivants ».

Finalement, 2 choix s’affrontent : ceux qui choisissent une laïcité à géométrie variable, qui, pour éviter les conflits, préfèrent limiter leur liberté de penser, et les autres, car comme dit mon vieil ami africain : « l’ombre du zèbre n’a pas de rayures ». 

le dessin illustrant l’article est de mix&remix

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

Articles anciens

ah, la belle indignation

Un président pourquoi faire ?

Pas sur les yeux

Bonjour la parano !

Mr pardonnez-moi

Vaccin glin-glin

Castex et casse toi sont dans un bateau

Bas les masques

Et maintenant

Plus ça change, moins ça change

Macron tend un piège

Ras le masque

Le revers de la médaille

Une coronavirus fiction

Je vais lui montrer qui c’est Raoul(t).

Le pouvoir change de main

Pandémie, retour à l’anormal

Non, je n’ai pas changé

Pandémie, un échec français

Le vert à moitié plein

Macron, la grande mascarade

Poison d’avril

Bas les masques

Pan...démi...démission

La république des amateurs

Buzyn fait le buzz

Les virus ont la peau dure

Une info virale

A l’hôpital et la charité


Lire l'article complet, et les commentaires