L’argument fallacieux de la transition énergétique

par Michel DROUET
mardi 27 novembre 2018

C’est pour la planète, la santé de nos enfants, le bien-être de notre environnement et comme il faut bien culpabiliser un peu, on ajoute que nos petits-enfants nous reprocheront de n’avoir rien fait pour l’écologie. 

Donc, la bagnole…

Elle est au centre du débat. Elle apparaît comme la seule responsable de ce qui se passe alors qu’elle ne représente que 15.6 % de la pollution. Bizarre, non ? Pour l’agriculture, c’est 17 %, mais où sont les mesures ? Pour les poids lourds, le problème est réglé puisque le gouvernement vient de renoncer à une vignette. Courage, fuyons… Pas le moment de favoriser la convergence des luttes… Comme quoi la politique gouvernementale connaît quelques exceptions opportunistes… Pareil pour les transports aériens ou maritimes ou l’industrie.

La bagnole jackpot

C’est vrai quoi, à part la TVA, quelle est la taxe à laquelle il est difficile de se soustraire ? Réponse, la TICPE lorsqu’il n’existe aucune autre solution que la voiture pour se déplacer.

Donc, on nous culpabilise en nous disant que nous polluons et que nous devons payer et ça commence très tôt, dès l’achat de la bagnole avec la TVA et la carte grise après tout de même avoir payé, cher, un permis de conduire. Et là, la machine à cash tourne à plein : passons sur les petites taxes quasi indolores sur le contrat d’assurance pour arriver direct sur les taxes sur le carburant (60 % en gros par litre, faites le calcul sur 10 ans par exemple), le contrôle technique de plus en plus pointu et de plus en plus cher, dont une des fonctions cachées consiste à retirer de la circulation des véhicules le plus tôt possible pour favoriser de nouveaux « actes d’achat », sans parler des réparations soumises à TVA et les PV divers et variés ainsi que le racket privé des péages.

Pas étonnant que le gouvernement ait annoncé qu’il ne reculerait pas sur l’augmentation des carburants début 2019. L’enjeu fiscal est trop important mais n’est jamais mis en avant. La transition écologique a bon dos.

Les mesures de « transition écologique » ne visent pas à diminuer le parc de véhicules

Ben non, la vache à lait fiscale disparaîtrait. Impensable pour Bercy ! Alors, les mesures consistent à proposer des primes à la transition pour remplacer son véhicule « polluant », sans se poser la question de savoir si le péquin moyen déjà étranglé financièrement avec des fins de mois qui durent quinze jours aura les moyens de le faire. Comble du cynisme, le Ministre de l’économie demande aux banques de proposer aux nécessiteux des prêts à taux minimes sans se poser la question de leur capacité à financer un véhicule plus récent…  

Pour beaucoup de gens, c’est donc l’impasse. Obligés de se déplacer en voiture parce que, horaires atypiques, logement éloigné du travail, absence de transports collectifs, ils sont donc condamnés à devenir des marginaux hors la loi, comme ceux qui roulent sans permis ou sans assurance.

La décision de faire converger les taxes entre l’essence et le diesel ne relève pas non plus d’une volonté de diminuer la pollution mais de convaincre ces automobilistes qui clopent, roulent au diésel et se chauffent au fuel d’acheter des voitures à essence qui consomment davantage que le diesel et qui augmenteront de fait les recettes fiscales pour le gouvernement. Gouverner, c’est prévoir…

Enfin, on nous dit monts et merveille de la voiture électrique, en évitant de parler de ses désagréments écologiques (recyclage des batteries, par exemple).

Bref, la bagnole, toute la bagnole, rien que la bagnole. Le lobby automobile fonctionne bien et si en passant, cela arrange les bidons financiers du gouvernement, c’est tout bénéf…

Un autre lobby silencieux (ou presque)

C’est celui de l’agriculture qui pollue plus que la voiture mais qui sait, le moment venu, lorsqu’il s’agit de défendre son droit à polluer organiser avec ses tracteurs la paralysie de l’économie, plus sûrement et efficacement que les gilets jaunes. L’exemple des algues vertes sur le littoral Breton depuis plus de vingt ans est un très bon exemple du laisser-faire (que l’on retrouve avec le glyphosate) des pouvoirs publics.

Le lobbying de la FNSEA consiste par ailleurs à défendre les terres agricoles (ce qui peut s’entendre) sans se soucier de leur état sanitaire et à défendre ces terres contre les projets d’infrastructures collectives pour les transports.

Cela donne, en zone périurbaine notamment, des embouteillages polluants sur des routes d’accès à la ville du fait du manque de routes, de voies réservées pour les transports en commun ou de piste cyclables dignes de ce nom. Pour les pistes cyclables, c’est la même chose en milieu rural, ce qui dissuade les éventuels cyclistes d’emprunter les routes secondaires avec pour seul salut de se jeter au fossé en cas de danger.

Les décideurs locaux (élus des départements, des métropoles, des intercommunalités et des communes) se sont adaptés à cette situation et ne proposent plus comme alternative à la voiture que le vélo, la trottinette ou bien le covoiturage, jamais des transports en commun performants trop coûteux et consommateurs d’espaces agricoles, fussent-ils pollués à mort par toutes les saloperies dont on asperge le sol. On nous endort bien avec le bio très minoritaire et les fameux circuits courts qui permettrons au citadin bobo de manger des « légumes oubliés », même pas bios.

L’automobiliste, vache à lait

Le principe du pollueur payeur ne concernera donc que le conducteur automobile. C’est ainsi !

Notons, subtilité extrême, que le covoiturage qui semble aujourd’hui l’alpha et l’oméga de la lutte contre la pollution, et la réponse absolue au manque d’infrastructures de transport en commun routier ou ferroviaire, nécessite pour les covoiturés d’avoir tout de même un véhicule pour alterner. L’industrie automobile est sauvée ! Il y aura toujours autant de bagnoles. Elles rouleront moins et on pourra prévoir leur obsolescence programmée, soit en raison de leur âge ou bien parce qu’elles feront moins de kilomètres. Donc, on les renouvellera plus vite. CQFD !

Le gouvernement, petit bricoleur du dimanche

La préoccupation est avant tout de faire rentrer de l’argent dans les caisses en taxant les plus nombreux et en rendant de l’argent aux moins nombreux (les fameux premiers de cordée).

Fort avec les faibles et faibles avec les forts, telles semble être la devise gouvernementale, sauf que dans le premier cas, le prélèvement dans le porte-monnaie est immédiat et que dans le second l’acquis est définitif (ISF, CICE transformé en baisse de l’impôt sur les sociétés,…) et même pas assorti d’une obligation d’investissement ou de création d’emplois.

Pour ceux qui croient encore à la baisse du chômage, notons que des journalistes économiques nous parlent désormais des 9 % de chômage, comme d’un taux « structurel », c’est-à-dire qu’il ne faut plus s’attendre à une baisse significative de ce taux.

En conséquence, puisque l’usine à gaz économique construite par M. Macron pour diminuer le chômage est inefficace, il conviendrait donc de revenir de manière urgente sur ces cadeaux fiscaux devenus sans objet, afin de sortir nos concitoyens dans le besoin ou carrément la misère de leur situation et éviter de leur remettre un coup sur la tête avec la fiscalité pseudo écologique. On pourrait également s’attaquer à la question des 100 milliards d’évasion fiscale…

Longue vie aux gilets jaunes !

Les gilets jaunes sont en train de créer une nouvelle forme d’interpellation qui se joue des modes habituels, policés, qui consiste à dire qu’on peut être en colère, mais qu’il faut le dire gentiment, parqué dans un espace mis à disposition gracieusement par la Préfecture de Police.

Ils sont la traduction du mépris gouvernemental concernant les fameux corps intermédiaires.

Cette nouvelle forme d’interpellation du politique se joue des modes traditionnels de représentation, et c’est bien, vu le discrédit du personnel politique plus pressé de se conformer à la « loi du marché » et des lobbies qu’à l’écoute attentive du peuple qui n’en peut plus de voter pour rien et qui ne se déplace plus pour le faire.

On ne sait pas ce que deviendra ce mouvement des gilets jaunes, tiraillés par des contradictions internes, menacé de récupération par des politicards peu subtils, discrédité parfois par des casseurs que l’on retrouve dans toutes les manifs, noyés par des propos gouvernementaux alternant la carotte ou le bâton.

Ce qui est certain, c’est que ce mouvement, à défaut de perdurer, laissera des traces. Il se traduira peut être par un investissement politique plus fort destiné à revigorer le débat et la vie politique, en un mot la citoyenneté.

C’est tout le mal qu’on lui souhaite. 


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