L’autarcie des occidentaux

par Ibrahima FALL
mercredi 14 février 2007

En parcourant Internet, on est surpris de voir à quel point certains occidentaux (si prompts à stigmatiser le renfermement sur elles-mêmes des autres cultures et à vanter les mérites de l’esprit d’ouverture) peuvent être à leur tour autarciques. Derrière les positions radicales et les commentaires désobligeants sur le « reste du monde » se cachent souvent, plus qu’une volonté de nuire ou de fâcher, une ignorance et un esprit gonflé de suffisance et d’orgueil.

Grande a été ma stupéfaction hier, quand, parcourant un forum, j’ai vu un message qui dénonçait l’excision et en rendait l’islam responsable alors que cette pratique n’a rien à voir avec cette religion. Elle tient à des rites païens anté-islamiques, et est même interdite par le Coran. Cet exemple, parmi tant d’autres, permet de mesurer à quel point la désinformation est grande et l’intoxication, diabolique. Mais elle permet, par-dessus tout, de mesurer combien est grande la paresse de chercher l’information ailleurs quand on a déjà chez soi des milliers de médias (mais pas autant de sons de cloche). Il nous montre aussi combien il peut être difficile pour un Européen ou pour un Américain, de se rabaisser (sic) à chercher en Afrique ou ailleurs cet autre son de cloche qui empêche l’homme de donner dans la bêtise.

De l’Afrique, par exemple, on ne montre que la guerre, la famine, des images désolantes. Cela est d’autant plus vrai que les touristes sont souvent étonnés de voir que le continent n’était pas seulement cette pétaudière qu’on leur montre à travers les médias.

Du coup, ce dialogue entre peuples du même village planétaire, auquel nous invite le processus de mondialisation, ne cessera d’être un voeu pieux que le jour où, de part et d’autre de l’Atlantique, de part et d’autre de la Mer Noire et de l’Océanie, chacun consentira à se départir de sa fierté et de sa suffisance pour regarder l’autre et apprécier ce qu’il fait d’un oeil détaché, vierge d’à priori et indépendant des stéréotypes.

Hélàs ! Au rythme où va le monde, rien ne laisse supposer qu’Européens et américains soient disposés à franchir ce pas. Aussi, le village global que chacun appelle de ses voeux sera-t-il inhabitable pour une grande majorité de gens à qui il enverra l’image d’un monde de la pensée unique, qui n’est que le pâle reflet des cultures dominantes.

Il est tout de même préocuppant qu’au seuil d’un millénaire qui célèbre l’information tous azimuts et la communication, certains continuent de faire preuve d’une autarcie intellectuelle inquiétante. Et, sur ce point précis, on fait mieux dans les pays du tiers-monde. En effet, la jeunesse africaine, soucieuse de ne pas rater le train de la mondialisation, lit les publications européennes, américaines, asiatiques. Elle écoute RFI, BBC, lit les journaux, regarde les JT de France2, TFI et CNN et raffole du Monde diplomatique.

Combien sont-ils de Français ou d’Américains à avoir lu un seul journal africain ou arabe ?

Certains intellectuels ont déjà pris très au sérieux cette question. C’est le cas d’ Alain Minc, dans son livre Le crépuscule des petits dieux, qui reproche aux élites leur absence de vision et d’ouverture au monde qui les entoure. Ils se contentent, écrit-il, de trouver "leur bonheur dans le pré".

Il est indispensable que les Européens et les Américains aillent à la rencontre d’autres cultures, d’autres modes de vie et d’autres manières de voir, non pas dans un esprit de conquête ou pour en souligner le caractère primaire, mais dans l’honnête but de les comprendre.

Dans ce monde où les informations, les Etats, les religions même sont agitées par des mains tendancieuses qui déforment la réalité, l’absence d’esprit critique est inacceptable. Les images des télévisions les plus sérieuses sont à mettre en doute. La remise en cause de nos certitudes doit être permanente.

L’on sait depuis longtemps que chacun trouve le bonheur dans le pré, et que la guenon est pour le singe la créature la plus parfaite. Heureusement (ou malheureusement ?), nous ne sommes pas des singes. Nous sommes des hommes !


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