L’élection est mathématiquement absurde comparée au tirage au sort

par Le Flamboyant
lundi 5 août 2013

Choisir son député : voilà ce qui semble être la seule et unique façon pour un peuple d'être libre ; de plus, confier cette désignation au sort serait une aliénation évidente.

A l'instar d'un certain Galilée démontrant que ce qui était réputé évident était en réalité faux, nous allons comparer le tirage au sort à l'élection d'un point de vue mathématique et faire un petit travail philosophique pour comprendre le paradoxe de l'élection.

Loi des grands nombres

Imaginez le résultat des sondages si les citoyens interrogés étaient sélectionnés par élection plutôt que de manière aléatoire. Le résultat serait absurde. Cet exemple illustre la vertu de représentativité du tirage au sort comparé à tout autre mode de sélection.

Si x% de la population est pour une loi, alors la probabilité qu'un député tiré au sort soit pour, est de x%. La loi des grands nombres vous garantit alors que environ x% des députés seront pour cette loi et que cette approximation s’affine si le nombre de députés de l'assemblée est grand.

Donc le résultat d'un vote de députés tirés au sort est à peu près égal au résultat d'un référendum et la ressemblance de ce résultat augmente quand on augmente la quantité de députés.

On peut donc prendre les décisions de ces députés comme valant un référendum et faire appel au vrai référendum lorsque le résultat est serré.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_des_grands_nombres

Le dénombrement, point faible de l’élection

On se pose dans une situation d'élection de députés. Prenons des lois où il n'y a pas besoin de compétences pour aborder le sujet. L'expression « démocratie représentative » suppose donc qu'une élection d'un député doive être équivalente à la démocratie directe sur ces lois. Pour simplifier on suppose que les candidats sont tous honnêtes et compétents et que les votes se font en fonction de l'opinion des citoyens et non sur la confiance qu'ils ont envers les différents candidats, il n'y a pas de vote blanc ni d'absentéisme.

Nombre de candidats

Prenons x lois, pour chaque loi un candidat peut être pour ou contre celle-ci.

Pour x=1, deux candidats, Cd1 et Cd2 sont nécessaires pour représenter toutes les opinions

Cd1 : « je suis pour la loi 1 »

Cd2 : « contre la loi 1 »

pour x=2, quatre candidats sont nécessaires pour représenter toutes les opinions

Cd1 : « pour la loi 1 ; pour la loi 2 »

Cd3 : « contre la loi 1 ; pour la loi 2 »

Cd2 : « pour la loi 1 ; contre la loi 2 »

Cd4 : « contre la loi 1 ; contre la loi 2 »

pour x=3 , 8 candidats

Cd1 : « pour la loi 1 ; pour la loi 2, pour la loi 3 »

Cd3 : « contre la loi 1 ; pour la loi 2, pour la loi 3 »

Cd2 : « pour la loi 1 ; contre la loi 2, pour la loi 3 »

Cd4 : « contre la loi 1 ; contre la loi 2, pour la loi 3 »

Cd5 : « pour la loi 1 ; pour la loi 2, contre la loi 3 »

Cd6 : « contre la loi 1 ; pour la loi 2, contre la loi 3 »

Cd7 : « pour la loi 1 ; contre la loi 2, contre la loi 3 »

Cd8 : « contre la loi 1 ; contre la loi 2, contre la loi 3 »

pour x=4, 16 candidats

….

Vous remarquez que plus on ajoute de loi plus il faut multiplier par deux le nombre de candidats, si pour x lois j'ai N opinions possibles, pour x+1 lois nous avons : N opinions possibles pour les x premières lois avec « pour la loi x+1 » et N opinions possibles pour les x premières lois avec « contre la loi x+1 », N + N =2N.

Donc pour x lois, 2x candidats sont nécessaires pour représenter toutes les opinions. Pour dix lois il faut donc 210= 1024 candidats minimum !

Diviser pour mieux régner

Tout le monde le sait, le problème de l'élection c'est la division des partis politiques mais sachez que l'on peut voir ce phénomène de manière criante et éclatante avec un exemple bien particulier :

Prenons 17 lois. Il faut donc 217 candidats pour représenter tous les cas possibles. Cependant, pour simplifier, supposons que seuls 18 d'entre eux représentent les idées de la populations, c'est-à-dire que tous les autres candidats sont les seuls dans la population à avoir l'opinion qu'ils ont et qu'ils reçoivent donc 0% des votes (on ne compte pas leur vote pour eux-mêmes).

Observons le résultat à l'élection de ces 18 candidats, dans un cas bien précis.



Que ce soit au premier ou au second tour le résultat de l'élection donne le contraire du résultat des référendums (sauf pour la 17ème loi), cet exemple est bien sûr poussé à l’extrême, mais il nous montre que l'élection ne favorise pas l'opinion du peuple mais celle de la plus grande partie homogène du peuple.

« Il suffit au peuple de se concerter sur un candidat de manière à concentrer les voix sur lui », me diront certains.

C'est justement là où je veux en venir : le tirage au sort ne fonctionne qu'à condition d'avoir un grand nombre de députés, l'élection ne fonctionne qu'à la condition que les citoyens se concertent (à plusieurs millions) sur un candidat, la différence de difficulté entre ces deux conditions est abyssale et donc l'équivalence présumée entre l'élection et la démocratie directe est inexistante.

Notez que ces deux notions s'opposent : un grand nombre de candidats est nécessaire pour que chaque opinion puisse s'exprimer mais cette pluralité divise ; fait qui s'oppose à la concertation des citoyens. Pour conclure on peut dire qu'une élection n'est valide que si plus de 50% de la population choisit le candidat dès le premier tour.

Conclusion : Le choix du peuple

Comme vous le savez (ou vous vous en doutez) je défends l'idée d’Etienne Chouard d'un processus constituant populaire. J'aimerais vous expliquer le rapport avec ce que l'on vient de voir au moyen d'un exemple : imaginez une personne qui refuse de laisser la vaisselle à une machine pour des raisons de liberté et préfère laver à la main malgré tout. Cela peut se comprendre mais ne trouvez-vous pas que ceux qui vous parlent de liberté comme argument pour l'élection ressemblent à cette personne ? Le tirage au sort est une machine à choisir les candidats et contrairement a l'élection, où un doute plane si un candidat obtient moins de 50%, une équivalence avec la démocratie directe est mathématiquement assurée. Le processus constituant permet de revenir en amont : il libère le peuple de la fatalité de l'élection telle qu'on la connaît et donne le choix (entre autre) entre élection et tirage au sort.

Voilà, maintenant il s'agit d'une vision mathématique et la réalité est bien sûr plus complexe (vote blanc, conditions pour être candidat, fausses promesses, compétences … énormément de choses interviennent dans une élection) mais ce n'est pas une raison pour ignorer les vérités que je viens d'énoncer.

Encore une fois si vous avez des objections n'hésitez pas.

Sharu


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