L’étoile jaune sauce Lioret, ou Pourquoi je n’irai pas voir Welcome
par Julie Dep
mercredi 11 mars 2009
Un jeune Afghan candidat au passage outre-Manche, un has been qui par amitié tente de l’y aider : voilà de quoi faire un film subtil, émouvant, sans philosophie de bazar ni déclaration d’intention. Mais le battage qui précède "Welcome", les interviews du réalisateur et de l’acteur principal laissent plutôt présager une fable simpliste sur un problème complexe.
Eric Besson l’a trouvé bon. On l’a entendu sur Canal, avec une apparente sincérité, le qualifier de "très beau film, belle histoire, émouvante". Et ajouter qu’"en comparant les clandestins aux Juifs de 42 Lioret avait franchi la ligne jaune" ; que "cette petite musique était insupportable". D’accord avec lui sur ce point.
Dangereuse banalisation de la Shoah
A l’ère des amalgames, il est devenu courant de puiser sans se gêner dans le Goulag ou Bukenwald. Le "Plus jamais ça" lancé par Simone Veil au retour de l’inimaginable est repris au moindre fait divers, et un retour en avion au pays d’origine avec de l’argent pour y vivre évoque aux bobos qui se la jouent le sort d’enfants gazés, de familles trimballées moins comme du bétail que du fumier, humiliées avec un rare sadisme, affamées, torturées, froidement tuées... Qu’ils aillent (re)voir Shoah, de Lanzmann, La Liste de Schindler... En banalisant de tels mots, en mettant au même plan ce qui ne saurait l’être décemment : l’extermination programmée et le flicage de clandestins, on gomme de l’Histoire ce qu’il est essentiel de préserver avec exactitude, pour ceux qui auront à la décrypter.
Une loi pour dissuader les passeurs
Vincent Lindon, dans le film, risque cinq ans de prison pour avoir aidé le jeune amoureux à retrouver sa belle. D’où son coup de gueule, légitime s’il était vérifiable. Quel habitant d’une grande ville n’a jamais tendu la main à un clandestin, quelquefois sous l’incitation ouverte (et abusive) de sa mairie ? Jamais nul ne fut inquiété pour cela, mis à part les passeurs, qui s’ enrichissent comme des négriers sur le dos de futurs esclaves, et qu’il faut bien dissuader par une loi.
Chacun convient, sans être fort aux échecs, que l’ouverture des frontières européennes entraînerait un communautarisme ingérable, la fin de libertés gagnées ces dernières décenies de haute lutte, une pauvreté généralisée, d’insupportables tensions. L’exiger procède d’un même populisme, d’un même simplisme que le refus de tout apport extérieur. Apprenons l’art de doser.
Julie de Pardailhan