L’indignation sélective

par C’est Nabum
jeudi 5 mai 2022

 

Quand le tiers se moque du quart…

 

Déboulonner les statuts, abattre les icônes du passé, rebaptiser les écoles ou les bibliothèques, réécrire l'histoire par le prisme d'un nouvel angélisme qui échappe au contexte historique est précisément ce qui condamne l'immense Colbert aux enfers tandis que d'autres échappent au courroux vindicatif des descendants des victimes.

L'horreur et l'effroi sont en matière de lecture rétrospective de l'histoire, un penchant qui ne peut naturellement être mis en cause. C'est précisément quand l'histoire permet de tirer des enseignements qu'elle a son rôle dans un présent qui se souhaite un meilleur avenir. Il n'est pas question d'en disconvenir. Les crimes de l'esclavage, de la colonisation, des guerres de religion ont de quoi glacer le sang.

Peut-on cependant réclamer justice à titre posthume ? La chose mérite une analyse plus rigoureuse que ces mouvements erratiques, presque hystériques qui mettent à bas les monstres sacrés d'autrefois. Le risque est grand alors de revisiter totalement l'histoire sans tenir compte du contexte de l'époque, des mentalités et des connaissances dont disposaient les acteurs.

Bien loin de moi de justifier l'injustifiable. Cependant, je tiens à mettre en avant deux individus de sinistre mémoire qui échappent curieusement à cette vague de repentance collective qui fait le ménage dans les divers Panthéon de notre nation. Messieurs Gilles de Rais et Adolphe Thiers (prénom annonciateur de bien pire encore) échappent à l'élimination symbolique dont d'autres sont victimes. Pourquoi eux et pas les autres ?

Il faut sans doute y voir une sélection dans les victimes pour juger leurs bourreaux. Le sus dit Gilles de Rais, dont l'étendard continue d'être fièrement exposé dans la Cathédrale d'Orléans, n'a après tout que violer et assassiner des enfants, qui plus est, tous issus de l'hexagone. Les belles atrocités sur des mineurs, surtout quand elles sont pratiquées par quelqu'un de la haute société ne méritent pas l'indignation des autorités épiscopales. Il est vrai que notre pédophile notoire peut se réfugier dans une église qui a beaucoup à se faire pardonner en ce domaine.

Quant à monsieur Thiers, bourreau de la commune, il n'est pas venu le temps des cerises où toutes les rues à son nom seront débaptisées. Il avait la légitimité du pouvoir pour provoquer un bain de sang parmi une foule de miséreux, d'anonymes, de gauchistes impénitents qui ne méritent en somme ni le respect ni l'indulgence des autorités politiques. Nous pourrions aisément faire d'autres rapprochements, l'histoire semble apprécier ceux qui tirent dans la foule, surtout quand celle-ci quoique miséreuse, ne se distingue pas ethniquement de son assassin.

Colbert peut broyer du noir, il ne bénéficiera pas de la même mansuétude qui prévaut pour ces deux compères. D'autres échappent à une réécriture d'une histoire qui se fait sélective sur ces critères qui ne cessent de surprendre. Ce mouvement démontre par ces deux contre-exemples qu'il n'est pas aisé de vouloir ainsi se réinventer un passé qui passerait mieux selon les codes de l'heure.

Le plus sage ne serait-il pas d'apporter des compléments d'informations sur les plaques de rues, de repenser du reste cette hérésie qui veut que l'on honore les grands personnages en obérant les toponymes anciens. Les politiques en inaugurant ainsi de nouvelles plaques ne rêvent que d'une chose, avoir la leur après leur mort. Mais ceci est une autre bataille. Pourquoi diantre n'interdirait-on pas de donner un nom de personnage à une rue, surtout quand cette célébrité supposée n'est pas née ou n'a pas vécu sur place ?

De tout cela du reste, je m'en fiche comme du tiers et comme du quart. L'histoire n'a pas de mémoire et il n'est nul besoin d'en faire un devoir. Elle devrait rester un repère, une manière de comprendre le présent sans glorifier les acteurs passés, puisqu'ils ne sont pas plus que la multitude des anonymes qui ont partagé leur passage sur cette terre.

À contre-temps.


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