L’injonction républicaine

par C’est Nabum
jeudi 27 avril 2017

Barrage - Rempart - Digue - Mur

Ils sont devenus ingénieurs en génie civil.

 

 

Faire barrage ! Ils n’ont plus que ce mot à la bouche, le petit casque blanc vissé sur le crâne, nos gentils énarques se tiennent par les coudes afin que le bon peuple des manœuvres, des chômeurs, des retraités, des oubliés, des insoumis ne laisse pas tomber le chantier en cours. Depuis des années, ils ont miné le terrain, laissant des tranchées profondes dans une territoire souvent à l’abandon. Ils se sont servis, se sont partagé les marchés et les gros chantiers et aujourd’hui que la menace est réelle, que la charte démocratique donne des signes de rupture, ils se retrouvent derrière le nouvel ingénieur en chef !

Faire rempart ! Eux, qui depuis si longtemps sont bien à l’abri dans le donjon, nous invitent à venir défendre leurs intérêts, en faisant obstacle de nos corps, pour que les hordes barbares ne viennent pas les bouter de leur piédestal. La belle farce que voilà ! Ils ont conçu des plans nous mettant systématiquement à l’écart de cette cité idéale qu’ils bâtissaient avec leurs homologues européens. La dernière fois qu’ils nous ont demandé notre accord, nous avons refusé le projet de rénovation. Alors, sans honte, ils ont balayé le suffrage universel d’un revers de la main. Aujourd’hui, pourtant, ils nous appellent au secours, sonnent le tocsin : le bel instrument qui pousse la plèbe à la boucherie.

Dresser une digue ! Loin de nos cités prospères, loin du chantier de la modernisation, se dressent des hordes de gueux, de ploucs, d'abrutis incultes qui n’ont rien compris à la mondialisation, à l’Europe, à la finance, à la flexibilité, à la centralisation et à tous ces plans machiavéliques qu’ils nous ont inventés pour maintenir leur mode de vie loin de la plèbe inculte et misérable. Cette fois, la révolte gronde dans les campagnes abandonnées, dans les quartiers délaissés, dans les groupes sociaux déclassés. Ils craignent que ce flot de la colère ne vienne submerger leur petit confort de bourgeois repus et nous demandent, sans vergogne de poser des sacs de sable autour d’eux pour repousser la menace. Quelle comédie !

Dresser un mur ! Maçons si peu francs, incapables de manier une truelle, ils s'étranglent d’indignation devant notre refus, cette fois, de cautionner leur stratagème. Pourquoi, diable, allons-nous nous salir les mains, nous mettre une fois encore, comme en 2002, à l’ouvrage, pour qu’au bout du compte, à la fin de la foire, nous n’ayons qu’à ramasser les bouses ? Dans leur tour d’ivoire, nos génies de l’incivilité auront tout oublié et, une fois encore, se partageront le gâteau, certes avec de nouvelles têtes, mais si peu.

Cette nouvelle bataille n’est plus la nôtre. Le risque est aussi grand dedans que dehors. Nous n’avons de choix que d’être grugés par l’ogre du libéralisme sauvage ou dévorés par la bête immonde de la haine. De toute manière, l’issue sera soit catastrophique, soit calamiteuse. Alors, le réflexe républicain, messieurs les ingénieurs du mensonge, vous pouvez le remiser dans votre boîte à communication factice. Nous savons ce que vous valez et, cette fois, nous n’avons plus peur.

Dans un cas, comme dans l’autre, nous serons les dindons de la farce. Le seul espoir réside dans l’insurrection citoyenne, dans le changement radical de modèle. Défendre l’ancien régime, cette monarchie qui cache son nom pour repousser la peste brune, n’est qu’une manière de reculer, de différer, une fois encore, le problème pour que vous continuiez à vous servir et à servir vos maîtres.

Plus la catastrophe arrivera vite, plus vite surviendra la prise de conscience générale, l’insurrection des braves gens, des besogneux, des miséreux, des oubliés, des simples et des jeunes qui savent que vous les avez exclus de cette société inique, que vous avez organisé l’inégalité sociale, que vous avez voulu les disparités régionales, que vous défendez les distinctions de classe, que vous prônez l’iniquité permanente. La peur n’a jamais repoussé le danger ; d’autant que, notre bulletin dans l’urne, vous continuerez joyeusement à instrumentaliser ce parti repoussoir si commode pour gouverner sans obtenir la majorité.

Alors, cessez de jouer les vierges effarouchées, notre refus de nous salir les mains pour vous n’est pas une lâcheté, une inconséquence, une folie, une désertion. C’est un acte conscient de désintégration du plan que vous n’avez eu de cesse de nous imposer. Nous allons abattre les murs, les digues, les remparts, les barrages pour que naisse enfin une démocratie sans palais, sans donjons, sans châtelains ni barons, sans privilèges ni passe-droits, sans castes ni coteries. Le petit banquier ou la vilaine mégère, c’est votre affaire, votre plan de campagne pour que les jeux soient faits au premier tour. À vous d’avoir peur, pour de bon !

Et si le pire advenait, nous ne sommes pas dupes. Dans vos rangs se dévoileraient bon nombre de candidats pour franchir le pas et rejoindre les troupes de cet ennemi que vous n’avez cessé de vilipender et qui vous a été si utile. Nous devinons déjà ces retournements de veste qui se préparent tandis que nous endossons le bleu de chauffe pour les batailles à venir.

Insoumissionnement vôtre

https://lesbrindherbes.org/2017/04/24/reflexion-processus-electoral/

 


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