La 33e édition du G8 va t-elle dégénérer ?

par g.f.
lundi 4 juin 2007

Une nouvelle réunion des puissants qui s’annonce, malgré la bonne figure affichée par les autorités officielles, l’occasion de heurts violents entre manifestants, autonomes, néonazis et policiers. Un « tout le monde contre tout le monde » qui ne peut pas desservir les huit dirigeants reclus dans leur hôtel fortifié.

La nouvelle édition du G8 se tiendra du 6 au 8 juin 2007, à Heiligendamm dans le "Kempiski Grand Hotel" dans la région de Mecklembourg à 20 km de Rostock et 200 km de Berlin. La chancelière allemande Angela Merkel y accueillera les dirigeants des autres pays du G8 (Grande-Bretagne, France, Japon, Italie, Russie, Canada et Etats-Unis). Au programme des discussions, des mesures contre le réchauffement global de la planète, la lutte contre le Sida et la pauvreté en Afrique, et des dossiers économiques (ap). Les manifestations ont déjà commencé, mais l’idée générale qui plane dans les médias est que tout est plus ou moins sous contrôle.

Les déclarations officielles sur le sujet affiche un optimisme sans failles  : "Nous n’avons pas d’indication que des groupes violents se soient infiltrés parmi les manifestants. Nous espérons et nous nous attendons à un défilé dans le calme" (TF1), indique la Kavala (police spéciale de ce G8). Les organisateurs affichent le même ton ; "Il n’y a aucun risque à venir (..) Nous ferons une grande manifestation, colorée. Nous ne nous attendons pas à de problèmes avec la police", avant de poursuivre sur une note plus grave : "les actions des semaines à venir pourront être différentes". (Le Monde)

Nous sommes tout à fait décontractés », affirme Knut Abramowski, l’homme chargé de coordonner l’action des 16 000 policiers. « S’il devait y avoir des excès, la police est fin prête. » (Le Figaro)

En effet, pour accueillir ses hôtes, Angela Merkel, "femme la plus puissante du monde" selon le magazine américain Forbes, a fait appel à 16 000 policiers et 1 000 soldats, ajouté à l’incroyable logistique déployée autour de la manifestation comprenant canons à eaux et hélicoptères pour un coût avoisinant les 100 millions d’euros. Il s’agit de la plus grande opération de police menée en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (ap)

Et puis il y a "der Zaun" : l’enceinte ainsi nommée, qui ceinture le village.« Douze kilomètres de clôture d’acier d’une hauteur de 2,50 mètres, surmontée de rouleaux de barbelés tranchants, 4 000 plots de béton d’un poids de 900 kilos chacun pour tenir la barrière, trois points de contrôle, un système de herses installées sur les routes d’accès, le tout pour un montant de 12 millions d’euros », énumère, fier de la prouesse technique, l’officier de police Thilo Scholz, porte-parole de l’opération « Kavala », sur le site du quotidien suisse Le Temps. De plus, les manifestants sont tenus d’observer une distance de sécurité de 200 mètres entre eux et ce "mur" d’un autre âge, distance qui s’allongera de 300 mètre dès le 5 juin.

Il faut reconnaitre à la chancelière le zèle apporté à la sécurité des huit pays de pouvoirs, mais au milieu de la logistique sécuritaire ainsi mise en place les milliers de manifestants "colorés et pacifiques" accourus de par le monde risquent de se sentir enfermés dans un étau, dont la géopolitique ne manquera pas de se resserer davantage avec l’avancée des front radicaux, "autonomes" ou "néonazis".

"Nous prévoyons une atmosphère pacifique, mais politiquement chargée", a dit l’un des organisateurs de la journée de contestation, Werner Rätz

Des autonomes aux profils fuyants, que l’on peut croire attachés aux valeurs de la "gauche interventionniste". Un porte-parole de ce groupement des gauches radicales allemandes, Christoph Klein, interrogé par Peter Nowak pour le site "heise.de" confirme sa volonté d’handicaper lourdement l’infrastructure du G8 en sanctifiant le blocus d’acte de "désobéissance civile". Beaucoup d’entre eux sont déterminés à utiliser la violence dans ce sens. Pour exemple la manifestation d’aujourd’hui, à Rostock, qui a réuni "25.000 personnes selon les forces de l’ordre, 80.000 selon les organisateurs." (ap), s’est terminée en violences engagées par de petits groupes autonomes contre les forces anti-émeutes, blessant 146 agents des forces de l’ordre, dont 30 sérieusement (contre 20 chez les émeutiers), et entraînant - toujours selon l’agence de presse - l’arrestation de 17 personnes. Frank Scheulen, un porte-parole de la police, estime à 2 000 individus le nombre d’auteurs des violences. France 3 rapporte que "dès le départ, 2 000 manifestants rassemblés dans un groupe intitulé "Schwarzer Block" (Bloc noir), et pour la plupart encagoulés et vêtus de noir, avaient été repérés par la police". Cette série d’arrestation fait suite aux évènements du 28 mai, au cours desquels "Les forces de l’ordre ont utilisé des canons à eau et des matraques pour maitriser des troubles qui ont éclaté après une manifestation altermondialiste lundi à Hambourg. Vingt et une personnes ont été arrêtées, selon Ralf Meyer, un porte-parole de la police" indique l’Agence de presse. Le média québécois LCN indique qu’il s’agissait, ce 2 juin, du plus grand rassemblement de protestation organisé à ce jour contre le sommet.

"Tant que la police se trouvait en arrière-plan, ça allait bien", a témoigné un manifestant, Peter Müller, des larmes coulant de ses yeux rougis par les gaz lacrymogènes. "Mais dès qu’un (d’entre eux) s’est approché", la manifestation a échappé à tout contrôle. (ap)

Des manifestants réunis sous le slogan "Un autre monde est possible’’, l’ensemble est festif, coloré et la discussion est de mise. "Des milliers de personnes sont venues aujourd’hui dire qu’elles n’attendent rien du G 8. Ou pire, qu’elles n’en attendent rien de bon", avait déclaré plus tôt, lors d’un point presse, Werner Rätz, d’Attac Deuschland.

Comme le rappelle Courrier International  : "La gauche altermondialiste n’est pas la seule à se mobiliser contre le sommet des 6 au 8 juin à Heiligendamm. Les néonazis du NPD en font un exercice d’entraînement avant les législatives de 2009."
Ainsi, Stefan Koester, le très critiqué responsable régional du Parti nationaliste allemand (NPD), avait appelé à une marche à laquelle devraient participer plus de 1 000 militants nazisde toute l’Allemagne, à Schwerin (capitale du Mecklembourg) ce matin.
"Le défilé a dans un premier temps été banni par la mairie à la demande de la police qui craignait des heurts avec l’ alliance antifasciste locale", rapporte Le Figaro sur son site internet, avant de poursuivre, énigmatique : "Il a pourtant été autorisé hier par une instance supérieure, quoique sur un trajet moins central". Des procédures d’appels des deux camps sont en cours. D’après une analyse issue du site be.novopress.info, "pour les stratèges du NPD, les manifestations anti-G8 servent également un autre but. Ils veulent préparer leurs troupes aux prochaines élections à l’échelle du pays, confie Jens Pühse, chef de l’organisation du parti au plan national".

Rostock s’apprête à subir une semaine de violentes manifestations anti-G8 (Le Temps)

Le G8, ce cercle de Vienne, pour sa 33e édition s’annonce d’ores et déjà le lieu de tous les conflits. D’autant que la trainée de poudre est toujours sur le point de prendre feu. En Allemagne... ou ailleurs. En France, par exemple, à Carhaix (Bretagne) , "un village d’irréductibles se met en place ce week-end (...) pour exprimer les opinions contre la pensée unique du capitalisme." (indy media). D’autant que les grands évènements d’ATTAC sont prévus pour très bientôt ; le "sommet alternatif" (du 5 au 7 juin), un blocus des huit le jour de l’ouverture (6 juin) et une dernière manifestation (7 juin), autant d’échéances qui sonnent le glas de la tranquillité dans le petit village d’Heiligendamm.


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