La duplicité des élus
par Michel DROUET
mercredi 19 novembre 2014
A peine oubliée la polémique sur la promesse de François Hollande de ne pas augmenter les impôts en 2015, que voici désormais les élus locaux qui montent au créneau pour dire que la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales provoquera une hausse de la fiscalité locale.
Un raisonnement binaire
Nous sommes en plein dans le jeu politique et dans celui des lobbies.
Les élus locaux réclament à cor et à cri leur autonomie mais ne peuvent se passer de la manne financière de l’Etat qui rappelons-le au passage provient directement des poches des mêmes contribuables.
Cette autonomie passe le vote du budget qui contient des dépenses de fonctionnement et d’investissement. J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il ne fallait pas préserver l’investissement à tout prix, au motif que c’est bon pour l’emploi, lorsque cet investissement s’avère parfois démesuré et est synonyme d’endettement où lorsque qu’il s’agit d’ajouter des ronds-points aux ronds-points existants juste pour faire tourner les toupies à béton et les goudronneuses.
Les dépenses de fonctionnement peuvent également être créatrices d’emplois, dans les secteurs des services à la personne par exemple, ou bien dans les économies d’énergies pour l’investissement.
Oui, mais voilà, les élus locaux (et nationaux, qui sont souvent les mêmes) sont soumis au diktat des lobbies du BTP qui veulent conserver leurs parts de marchés en bétonnant à tout va sans prendre la peine d’aborder la nécessaire reconversion de leur activité qui arrivera un jour ou l’autre.
Le jour où le café en poudre est apparu dans les magasins, que sont devenus les fabricants de moulins à café ?
Donc, les élus qui sont bien coachés par les lobbies, développent un discours unique : puisque les dotations de l’Etat baissent, il faut diminuer les dépenses de fonctionnement et continuer à augmenter l’endettement pour ne pas toucher à l’investissement. Préparez-vous en conséquence à voir fleurir de nouveaux ronds-points.
Le corollaire de ce discours est que les subventions aux associations devront être diminuées (il faut bien manipuler les bénéficiaires de ces subventions contre l’Etat, source de tous les maux locaux, bien évidemment…), notamment les associations sportives ou les écoles de musiques, par exemple. Succès garanti auprès de la population qui se fait instrumentaliser dans ce débat…
Pas un mot par contre sur les autres gisements d’économies dont les élus ne veulent pas parler.
Blackout sur tout le reste
Tout le reste ? C’est d’abord l’inflation de recrutements dans les communes et les intercommunalités dénoncé par la Cour des Comptes. En théorie, la création des intercommunalités n’aurait pas dû entraîner les 200 à 300 000 emplois créés depuis une dizaine d’années : les compétences des communes transférées aux intercommunalités aurait dû être accompagnées d’un transfert de personnel, ce qui a été rarement le cas : les élus sont de très mauvais managers et rechignent à se coltiner le personnel dans le cadre du dialogue social.
Citons le cas d’un célèbre élu professionnel centriste qui a cumulé tous les mandats dans sa vie politique, qui se permet aujourd’hui de dire que le nombre d’heures de travail en France est trop faible, et qui a signé (ou plutôt s’est défilé devant les syndicats locaux) un très bon accord sur les 35 heures qu’on ne trouve quasiment nulle part en France dans les mêmes collectivités.
Tout le reste ? C’est également le nombre de mandats locaux en France issus du nombre de strates locales et qui génère de « l’emploi » et du cumul pour les élus eux-mêmes ce dont ils ne parlent pas. Il n’est que de suivre les débats sur la réforme des collectivités territoriales pour constater que les combats principaux contre le texte proposé par le gouvernement concernent le maintien des structures (départements, régions, intercommunalités,…) en l’état ou tout du moins de conserver le nombre d’élus, même si on réforme une strate (exemple du texte sur les Régions). Le citoyen est l’oublié du débat et se mobilise parfois pour mettre en avant des questions identitaires ou des raisons de « proximité avec les conseillers généraux » qui relèvent davantage de l’instrumentalisation que d’une réelle réflexion.
Un rapide calcul sur le Conseil Général de mon département a montré que la suppression de cette assemblée (avec transfert des compétences vers d’autres collectivités, dont la Région) pouvait générer, au minimum, une économie de 11 Millions d’euros par an.
Que veut-on privilégier ? Le maintien des services, les subventions aux associations, l’investissement utile, ou bien le bien-être de rentiers de la République qui se battent pour garder leurs privilèges à vie au détriment du bien-être de leurs concitoyens.
Tout le reste ? C’est enfin le Sénat, véritable anomalie démocratique, dont les membres ne sont pas élus au suffrage universel et qui une fois « élus » désertent les bancs de l’assemblée en n’oubliant pas cependant d’encaisser les belles indemnités payées par le contribuable. 350 Millions d’économies par an sont à faire en supprimant cette maison de retraite pour élus finissants et profiteurs.
Secouons nos élus !
Le débat ne se résume pas en conséquence aux envolées lyriques d’élus qui cherchent à vous instrumentaliser, en voulant garder leurs avantages, en évitant surtout les vrais débats avec les lobbies et les syndicats. Ils ne veulent pas se remettre en question, ni bousculer « l’ordre établi ». Aidons-les en les interpelant vigoureusement ! Au besoin, relayez ce texte auprès d’eux !