La face cachée du voile

par Michel DROUET
jeudi 17 octobre 2019

Jetons un voile pudique sur les questions sociales, celles de l’emploi, du partage ou de la confiscation des richesses, des fins de mois difficiles, de la réforme des retraites ou de la radicalisation au sein des forces de l’ordre et agitons un autre voile, celui qui couvre certaines têtes et dont la présence au sein d’une assemblée régionale détourne fort à propos les regards de notre quotidien.

M. Odoul, conseiller régional FN aura bien mérité le titre de polémiste de la semaine en s’insurgeant contre la présence d’une femme voilée dans les bancs du public de l’assemblée régionale de Bourgogne. Il aura d’un seul coup médiatique provoqué un faux débat, fait oublier toutes les questions sociales et politiques, mis le feu aux médias qui deviennent coutumiers du fait (comme la semaine dernière avec le faux de Ligonnès) et radicalisé encore un peu plus les postures entre les membres de son parti et les islamistes et leurs idiots utiles qui se réjouissent de la tribune qui leur est offerte.

Autrement dit, M. Odoul a remis une pièce dans le bastringue polémique, qui n’en demandait pas tant, la présence de cette femme voilée musulmane dans les bancs du public n’étant pas interdite par la loi, et pas plus interdite par le règlement intérieur de l’assemblée régionale dont la Présidence a mis beaucoup de temps à réagir.

Cela fait bientôt vingt ans que le débat politique est confisqué dans notre pays par ce genre de débats et qu’à chaque élection nous sommes confrontés au discours du genre « moi ou le chaos ». A chaque fois (jusqu’à quand ?), le RN (et avant lui le FN) se voit débouté de sa prétention à gouverner et légitime de fait des partis qui prétendent diriger le pays avec seulement un quart du corps électoral qui leur est favorable.

Et à chaque fois que les choses vont mal sur le plan intérieur et que les « réformes » régressives passent mal dans l’opinion, un bon petit débat bien clivant sur la place de l’Islam en France mélangé dans un foulard à une bonne dose de laïcité, le tout assaisonné de déclarations contradictoires des membres du gouvernement, et hop, voilà une séquence propice à l’oubli du reste.

Bien pratique, cette polarisation qui met en lumière le champ de ruines de notre vie politique et démocratique. Les choses sont désormais vues à l’aune d’une femme voilée ou en burkini ce qui facilite considérablement le débat pour les partisans de la réflexion binaire. Aucune nuance, aucune réflexion, on doit seulement être pour ou contre avec la certitude de se faire insulter sur les réseaux sociaux, quel que soit son choix, surtout s’il s’aventure sur des options plus complexes qui demandent réflexion.

Alors voilà, le champ de ruines dont je parle, c’est avant tout celui de la perte de nos valeurs républicaines, et de la laïcité, qui a été mise à toute les sauces (inclusive, sectaire, dépassée,…), alors qui si on se donne la peine d’en relire l’histoire, elle visait avant tout à l’émancipation et à la fin de l’emprise du religieux sur les consciences et la vie publique. Toujours d’actualité, par conséquent.

Pourquoi ces règles énoncées par les législateurs seraient-elles aujourd’hui obsolètes ? Pourquoi la réaffirmation d’un Etat laïque respectant les croyances plutôt que de leur faire allégeance devrait faire polémique ? Pourquoi l’article 10 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 (Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi) ne pourrait-il pas servir de rempart aux volontés prosélytes, quelle que soit la religion qui les porte ? Au nom d’intérêts électoraux, peut-être ?

La réponse de la situation actuelle est sans doute à chercher dans l’affaiblissement de la parole publique, et dans les compromis trouvés, à coup de subventions, entre certains élus locaux, et des associations cultuelles déguisées en associations culturelles. Cette réflexion vaut également pour tous les petits arrangements trouvés pour subventionner, au fil du temps, l’enseignement catholique. C’est aussi l’affaiblissement de l’Etat dans les « quartiers » dans lesquels se retrouvent « parquées » les familles issues de l’immigration, prises en mains par des radicaux imposant leur loi et étouffant toute velléité d’émancipation, surtout féminin, au nom de la pudeur, bien sûr. C’est aussi et enfin les relations commerciales troubles (ventes d’armes) avec certains pays du golfe dans lesquels beaucoup de musulmans français n’envisageraient pas du tout de vivre.

La responsabilité de la puissance publique est évidente et ses faiblesses apparaissent au grand jour au sein même de ses forces de maintien de l’ordre noyautées par une idéologie extrémiste. Pour autant, il se trouve bon nombre d’idiots utiles qui sous prétexte de ne « pas stigmatiser la communauté musulmane », ce qui n’est pas le sujet, acceptent de mettre leur drapeau sous leur mouchoir ou pour d’autres parlent, exemples choisis à l’appui, de France coloniale, raciste ou sexiste et sont dans l’amalgame et l’instrumentalisation permanents.

L’arsenal juridique existe, il est suffisant. N’écoutons pas les belles âmes qui nous proposent de nouvelles lois, de nouveaux interdits en sachant que cela ne fera qu’augmenter les problèmes et d’offrir une marche supplémentaire à de nouvelles revendications communautaristes.

Repartons du bon pied, c’est-à-dire en affirmant les valeurs de notre pays, et demandons fermement au Président de la République, bien silencieux, trop silencieux au nom sans doute de nos intérêts commerciaux, plutôt que de flatter les bas instincts de la population française avec sa « société de la vigilance » de s’engager fermement sur le terrain des valeurs républicaines, de la laïcité, ainsi que sur celui du combat contre la radicalité religieuse, d’où qu’elle vienne.  

 


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