La France qui résiste avec ses pieds doit avancer avec ses têtes

par Caleb Irri
mercredi 20 octobre 2010

Cela commence à devenir intéressant : de partout le crépi se décolle, et la façade apparaît peu à peu aux yeux de tous… et elle est pleine de fissures !

Que va faire le gouvernement ? pour l’instant, il semblerait qu’il campe sur ses positions, voulant ainsi démontrer sa volonté inébranlable, et faire cesser les actions. Mais même le vote en urgence de la loi ne suffit plus, et la pénurie de pétrole, avec ce que cela implique, pointe à l’horizon. va-t-il user de la force publique, et se mettre à dos encore plus de monde, ou bien va-t-il essayer de faire quelques avancées supplémentaires et inutiles ?

Du côté des manifestants, on s’achemine peu à peu vers une radicalisation, et le fil est tendu, et il suffirait d’un rien pour que les syndicats reviennent à la table des négociations… histoire de sortir la tête haute, les poches pleines, et le pantalon vide. Une bonne manière pour le gouvernement de s’échapper par la petite porte, sans la claquer trop fort…

Il est tout de même difficile de croire que le gouvernement puisse céder, car ce serait toute la crédibilité du gouvernement qui se trouverait alors remise en cause, et le président ne peut pas décemment agir ainsi. Même en imaginant le pire, et que les confrontations dégénèrent en affrontements, il n’est pas encore temps pour le gouvernement d’instaurer l’état d’urgence et de justifier le recours à la force publique… mais peut-être s’y prépare-t-il.

En attendant, la résistance s’organise. Si les transporteurs routiers se joignent à la partie, il est possible qu’en très peu de temps le pays soit bloqué, et le gouvernement acculé dans ses derniers retranchements. Toute la question est bien sûr de savoir s’il va céder ou se radicaliser lui aussi, selon la relation physique des forces contraires, action-réaction.

Pour le moment, on peut effectivement dire que tout est fait pour envenimer la situation, et comme attendu les syndicats se laissent déborder peu à peu. Au fur et à mesure que la situation se tend, on sait que le statu quo n’est plus possible, chaque camp s’étant engagé trop loin pour reculer sans y perdre. celui qui lâchera maintenant aura perdu beaucoup plus qu’il ne le croit.

c’est pour cela que face à la pénurie de carburant, et sous la menace de celle des denrées alimentaires, face aux pertes financières accompagnant chaque acteur mobilisé, il faut dès à présent prendre des mesures. Bien sûr l’idéal aurait été de pouvoir préparer en amont un tel mouvement, mais c’est déjà parti. Si nous nous arrêtons maintenant pour nous avouer vaincus, tout ce qui précède n’aura servi à rien, et laissera des cicatrices profondes dans le coeur des gens. Même pour le gouvernement qui, s’il veut vraiment instaurer le régime que je crois, doit en ce moment même être en train de réfléchir au meilleur moyen de profiter des évènements actuels, et de précipiter un peu son calendrier- à moins qu’il soit vraiment en avance, ce dont je doute.

Sur le web, à la radio, dans les assemblées et jusqu’aux discussions de comptoir, nombreux sont ceux qui, au delà du rassemblement général qui s’est créé spontanément (et face aux fins de non-recevoir du pouvoir), demandent expressément de l’aide de la part des citoyens engagés par ailleurs, financière et logistique. En plus du soutien populaire dont bénéficie ce mouvement, il lui faut les moyens “physiques” de tenir le coup. Il lui faut les moyens juridiques de se défendre légalement, il lui faut des moyens médiatiques de relais de ses appels et de ses besoins.

C’est donc maintenant que ceux qui ne sont pas encore “vraiment” rentrés dans la bataille se rangent aux côtés de ceux qui luttent pour nous tous. Les agriculteurs, les électriciens, les opérateurs internet, que tous sachent maintenant faire la différence entre leurs alliés et leurs adversaires… et que la solidarité prenne enfin tout son sens.

Il faut que les informaticiens créent un site communautaire doublé d’un paiement “paypal”pour des dons de soutien à la grève, ou un compte sur lequel pourraient être versés des fonds, que les journalistes solidaires participent à la médiatisation des actions, ou des exactions policières dans les rues. Il faut que les agriculteurs offrent leurs surplus intransportables directement aux militants, que les gars du carburant fournissent à ceux qui luttent, que les avocats défendent les “exemples” pris par la police… Que tout cela se mette en place. Si ce n’est pas pour gagner demain, que ce soit au moins pour demain, la prochaine fois. que nous soyons prêts.

Et surtout, penser à l’avenir. Remettre en cause le gouvernement est une chose, proposer une alternative pour le remplacer en est une autre. Il ne faut pas croire que les représentants de l’opposition (celle qui vote toutes les lois scélérates les unes après les autres et qui se conservent leurs privilèges entre eux) vont faire leur travail, ni que les syndicats sont capables d’autre chose que de servir de tampons. Il faut travailler dès maintenant, vraiment, à autre chose.

j’ai déjà lancé des appels à l’aide pour ce faire, tenté de réfléchir aux moyens dont nous disposons pour lutter autrement, rassemblés. Il nous faut absolument des têtes pour préparer le futur de nos enfants qui sont sous notre responsabilité, afin qu’ils ne subissent pas les conséquences de notre incapacité à leur offrir “autre chose”. Car après les grèves et les manifestations, il faudra bien continuer à avancer. Résistons avec les pieds, et avançons avec les têtes.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr


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