La main dans le Cahuzac !
par olivier cabanel
mercredi 3 avril 2013
Après avoir affirmé devant la France entière, « droit dans les yeux », je n’ai pas de compte en Suisse, Jérôme Cahuzac a finalement avoué avoir un compte à l’étranger, sur lequel il reste encore 600 000 euros.
Personne n’a oublié qu’il avait même annoncé qu’il allait porter plainte pour diffamation contre Médiapart, et qu'il avait déclaré "je n’ai pas, messieurs les députés, je n’ai jamais eu, de compte à l’étranger, ni maintenant, ni avant ». vidéo
C’est l’occasion de remarquer une presse assez timide, discrète, mis à part Médiapart (lien) et le Canard Enchaîné, qui au lieu d’enquêter, finalement allait jusqu’à s’en prendre à ceux par qui le scandale était arrivé.
Et quid de toutes ces personnalités, à gauche comme à droite, qui s’indignaient que l’on bafoue la présomption d’innocence, et criant comme Guillaume Peltier : « stop à la tyrannie de la rumeur et de la calomnie de Médiapart ».
Guillaume Peltier, c’est le cofondateur de « la droite forte »…
Quid de Guillaume Larrivé député UMP de l’Yonne, qui déclarait il y a peu : « je déteste ce climat de « chasse à l’homme » lancé par un site internet trotskiste contre Jérôme Cahuzac »…ajoutant : « la politique n’est pas un caniveau ».
Cette chasse à l’homme est aussi dénoncée par un certain François Fillon. lien
Quid de Lionnel Luca député de la « Droite Populaire » qui écrivait : « il n’appartient pas à J. Cahuzac de se justifier, mais à Mediapart de donner les preuves de ses accusations ». lien
Ce sont bien les mêmes qui s’en étaient pris au site journalistique, mais c’était aussi lorsque Médiapart s’intéressait à Eric Woerth, en 2010. lien
Faut-il faire un rapprochement ?
Qui a oublié les diamants qui ont couté sa place de président à un certain Giscard ?
A chaque fois, les accusés se sont indignés.
On se souvient des dénégations d’un Chirac qualifiant les accusations d’abracadabrantesques, des indignations d’un Balladur, d’un Sarközi.
Personne n’a oublié non plus que Nicolas Sarközi avait annoncé son intention le 30 avril 2012 de porter plainte contre Médiapart, lorsque ces derniers avaient publié la preuve d’un accord du régime de Kadhafi sur un soutien financier à la campagne présidentielle de Nicolas Sarközi de 2007. lien
Ce n’est pas la première fois que Médiapart est attaqué par le monde de l’intelligentsia politique, et il n’y a guère eu que « reporter sans frontières » qui se soient indignés du déversement d’insultes que le site journalistique connait régulièrement : « les dirigeants politiques ont le devoir de faire preuve de retenue » avaient-ils écrit après qu’une journaliste de Médiapart ait été agressée alors qu’elle couvrait un meeting. lien
Maintenant, une autre question se pose : quelqu’un dans le gouvernement actuel savait-il ?, la question subsidiaire étant : lorsque l’ex ministre du budget avait pu consulter les listes d’exilés fiscaux, fournies par Hervé Falciani, ex-employé de la banque suisse HSBC, à la justice, quels noms y avait-il trouvé ?
On pourrait aussi s’interroger sur le fait que ce Falciani, se soit retrouvé en prison, pour justement avoir fait connaitre le nom des exilés fiscaux.
Ce n’est pas une première.
En 2010, un journaliste grec, Kostas Vaxevanis avait publié une liste de 2059 exilés fiscaux, liste en possession de Christine Lagarde, alors ministre du budget, et il s’était retrouvé lui aussi en prison.
« Au lieu d’arrêter les voleurs et les ministres violant la loi, ils veulent arrêter la vérité » avait-il alors commenté. lien
Mais revenons à ce qu’il faut bien appeler « l’affaire Cahuzac ».
Jean François Copé enfonce le clou, dénonçant ceux qui, à gauche, entendent donner des « leçons de morale »…
Il l’avait déjà fait pour l’élection de Martine Aubry…élue à la tête de son parti, oubliant manifestement les errements de ses partisans lors de son élection contestée à la tête de son propre parti. lien
Mais ne serait-ce pas oublier d’autres mises en examen qui touchent son camp, et d’autres camps, même si elles ne sont encore toutes arrivées à terme ?
Quid de Xavier Bertrand, mis en examen pour avoir accusé Médiapart de « méthodes fascistes » à l’occasion de l’affaire Woerth-Bettencourt (lien) du juge Courroye, mis en examen, dont nombreux prétendent qu’il était trop proche du pouvoir d’alors, (lien), de Donnedieu de Vabres, mis en examen, de Nicolas Bazire mis en examen suspecté d’avoir participé, avec un autre Nicolas, devenu plus tard président de la république, au financement illicite de la campagne électorale d’Edouard Balladur, dans le cadre de l’affaire Karachi, (lien) de Thierry Gaubert, homme de l’ombre de Nicolas Sarközi, mis en examen, (lien) de Bernard Squarcini, ex directeur du renseignement intérieur, mis en examen pour « collecte illicite de données », (lien) de Georges Tron, mis en examen pour viols (lien), de Christine Lagarde, inquiétée par la Cour de Justice de la République, (lien) de Guy Wildenstein, représentant UMP à Washington, mis en examen pour recel d’abus de confiance, (lien) d'Alain Juppé, condamné, Nicolas Sarközi mis en examen pour abus de faiblesse dans le cadre de l’affaire Bettencourt ? lien
Alors François Fillon peut bien dénoncer aujourd’hui « une faillite morale » (lien) mais des esprits taquins pourraient lui proposer de « balayer devant sa porte ».
En attendant, la « commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales » continue d’enquêter…lien
Le travail avance à l’allure d’un sénateur.
Lentement.
Dès lors, bien sûr, députés et sénateurs ont beau réclamer avec la dernière énergie « ne faites pas d’amalgame », voulant éviter que l’on colle sur leurs fronts l’expression « tous pourris », force est de constater que le mal est fait, et depuis longtemps.
Il est profond, bien éloigné de cette république que le nouveau président, tout comme son prédécesseur, « voulait exemplaire ».
Comme dit mon vieil ami africain : « quand les éléphants se battent, c’est toujours l’herbe qui est écrasée ».
L’image illustrant l’article provient de : « boursier.com ».
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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