« La maison des Babayagas » à Montreuil ou l’histoire d’une vieillesse solidaire

par Pelletier Jean
mardi 20 février 2007

Les actifs que nous sommes (j’ai bientôt 55 ans) ne pourront se satisfaire des solutions actuelles proposées aux personnes en fin de vie, mais encore consciente et moyennement handicapées. Et surtout ils sont à la recherche d’un lieu de retraite qui soit conforme à leur mode de vie et aux valeurs qui les ont animés tout au long de leur existence. Ils éprouvent une peur fondée, malheureusement sur l’expérience, d’une vieillesse assistée et sur lequel ils ne garderont aucun contrôle

C’est de Montreuil, banlieue dynamique et expérimentale par excellence que nous vient l’esquisse d’une solution... à débattre.

Je voulais signaler une initiative qui a vu le jour à Montreuil, dans le 93 : la "Maison des Babayagas" ("la babayaga, sorcière des légendes russes, habite une maison montée sur des pattes de poulet et dont les murs sont en pain d’épice et le toit en pâte d’amande ») portée par trois copines décidées et organisées.

Elles ont choisit de prendre leur destin en main par une initiative « autogestionnaire et solidaire » avec l’idée de donner l’envie à d’autres de faire « des petits » et surtout de s’éviter l’hébergement collectif pour personnes âgées tel qu’il se propose aujourd’hui (voir l’introduction de l’article de Véronique Fournier dans l’ouvrage collectif « l’autre politique  »)

Ce projet de « vieillesse solidaire » a enfin trouvé sa concrétisation, la maison ouvrira à l’été 2008, grâce à la pugnacité de trois femmes : Thérèse Clerc (80 ans), Suzanne Gouefflic (75 ans) et Monique Bragard (75 ans)

L’intention première de leur projet est le suivant :

« La Maison des Babayagas, sera une maison de femmes âgées, solidaires et citoyennes. Le public visé sera composé de personnes ayant une habitude de vie collective : militantes associatives, etc. »

Et pour compléter cette note d’intention, je citerai le propos de l’une d’entre elles,, Thérèse Clerc : « Vivre et vieillir en citoyenneté. Au risque de déplaire à tous les chantres de la reconnaissance sociale par le travail salarié, vivre et vieillir en citoyenneté reconnue et respectée, c’est refuser d’être les témoins impuissants de la dégénérescence sociale, c’est rester les éléments dynamiques d’une démocratie à créer perpétuellement, c’est insuffler l’utopie dans les réseaux et générer de nouveaux espaces politiques. »

Cette maison a été voulu par ses initiatrice : autogérée, solidaire, citoyenne et écologique.En refusant le naufrage de la vieillesse elles ont inventé le vieillir ludique.

Ces trois femmes confrontées au problème de gérer leur fin de vie en conformité avec le sens qu’elle avait donné à leur existence ont voulu se donner les moyens de créer un lieu arbitré de manière autogestionnaire, rejetant l’idée même de hiérarchie et affirmant la reconnaissance à l’autonomie.

Les colocataires de cette étrange maison auront le devoir de participer à la vie de la cité par le soutien scolaire, l’alphabétisation, les thérapies douces diverses etc ... Elles ont fait le choix de la vie contre la solitude à domicile, contre la violence de la famille à leur endroit par des placements en maison de retraite pour cause de handicap ou encore d’accident.

Leur maison se chargera des handicaps par la solidarité au fur et à mesure que les handicaps deviendront plus prégnants. Le bâtiment a été équipé en conséquence.Bien sûr il y aura toujours la limite des situations extrêmes de fin de vie (maladies dégénératives, Alzheimer profond ...) pour lesquelles seules les structures médicalisées peuvent faire face.Il est prévu dans le bâtiment de réserver deux logements aux invités, ou si nécessaire à l’installation d’une infirmière de nuit.Elles ont même prévue de créer la fonction d’une médiatrice extérieure à la Maison afin d’arbitrer d’éventuels conflits.

Elles ont fait le choix d’en faire un lieu exclusivement unisexe, réservé aux femmes, ce qui peut surprendre ... et apparaître discriminatoire.A cette interpellation elles répondent par les statistiques : il y a sept fois plus de femmes que d’hommes passé 80 ans. Elles assument ouvertement leur féminisme engagée qui a été le combat de toute leur vie.

Leur volonté et leur détermination leur a permis de mener à bien la concrétisation d’une telle intention. On imagine aisément les obstacles et les difficultés auxquelles elles ont du se heurter au regard de la nature idéologique, au bon sens du terme de leur projet.

Le maire communiste Jean pierre Brard avait donné son accord des 1998, mais c’est l’office de HLM de la ville qui a donné l’assise financière au projet en acceptant dès 2003 de le porter.

Sur le plan économique, étant donné la nature de investissements (plus de 2 millions d’euros ) le loyer des studios proposés 200 à 300 €/mois coûtera en moyenne huit à dix fois moins que n’importe quelle maison de retraite.

Si cette initiative citoyenne connaît des développements les marchands de sommeil du troisième âge que sont les grands investisseurs institutionnels ont peut être du soucis à se faire.

Mais c’est chose faite :

Un immeuble, au 7 rue de la convention à Montreuil qui mettra à disposition 19 studios d’environ 35 m2 chacun est en train de voir le jour.

Quant aux candidats à l’élection présidentielle à la recherche d’idée ils peuvent engager dans leurs équipes de campagne ce trio de vieilles dames indignes de choc.

Et vous Messieurs qu’attendez-vous pour vous lancer dans votre « Maison des Sorciers » !!!

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